Surprenante cette intervention de spécialistes qui met en question certains dogmes face aux audits dans le secteur public. Avec le titre « L’audit dans le secteur public : le risque d’une illusion de contrôle » dans Le Devoir du 12 février 2013, les auteurs mettent l’accent sur la grande qualité des vérifications, la documentation rigoureuse de tout constat fait, et sur la faiblesse que cela souligne, l’incapacité de mettre en évidence ce qui n’est pas ainsi documenté. Ils critiquent avec raison le fait que le risque d’illusion de contrôle par les audits « est entretenu par une certaine obstination de la part des dirigeants politiques à ne pas vouloir reconnaître les limites de l’audit ». Les rapports du VG, pour prendre cet auditeur, donnent « une impression de sécurité, de transparence et de crédibilité », mais les révélations de la Commission Charbonneau suffisent « pour réaliser avec lucidité que les promesses liées à l’audit dans le secteur public sont menacées de se transformer en illusion ».
De la part des auditeurs, et surtout l’auditeur en chef au Québec, le Vérificateur général, il existe un complément à cette obstination. En dépit de constats déconcertants lors des vérifications qui méritent d’être rendus publics, la crédibilité du Bureau exige que les rapports se restreignent à la méthodologie bâtie sur la documentation. C’était dans un tel contexte que, comme Commissaire au développement durable et Vérificateur général adjoint en 2007 et 2008, je proposais que le VGQ intervienne pour s’attaquer à une autre illusion qui prévaut dans le secteur public, celle de se satisfaire des indications du PIB pour constater le progrès (ou non) de la société.
Les économistes écologiques, rigoureux eux aussi, décortiquent depuis des années l’illusion propagée par la rigueur du PIB à l’effet que cet indicateur représente le progrès. La vaste majorité des économistes, orthodoxes ou hétérodoxes, souscrivent à cette illusion, convaincus que seule la croissance économique permet le progrès. L’Indice de progrès véritable (IPV) constitue la réplique. L’IPV montre, dans des calculs faits pour de nombreux pays tout comme pour des juridications sub-nationales, que le PIB surestime par trois ou quatre fois le véritable progrès, une fois que les coûts monétaires, écologiques et sociaux des impacts de cette croissance sont pris en compte.
La publication de l’IPV pour le Québec sous les auspices du Vérificateur général nuirait grandement à la crédibilité du bureau (et voilà l’explication du fait que je l’ai publié à titre personnel). Les économistes interviendraient en cœur pour dénoncer les constats fondés sur une méthodologie qui ne peut pas se référer à des données aussi disponibles et aussi bien calculées que celles derrière le calcul du PIB. Reste que ces mêmes économistes savent très bien, comme les témoins devant la Commission Charbonneau, que ces coûts «cachés» sont énormes, peu importe que leur évaluation documentée en termes monétaires ait quelques faiblesses par rapport à la rigueur «illusoire» des audits comptables.
L’évaluation de programmes constitue un domaine de vérification où l’impression de rigueur laisse beaucoup à désirer quant à la véritable «sécurité, transparence et crédibilité» des résultats et donc de l’exercice, interne à l’ensemble des administrations publiques. Un recours à l’IPV du Québec pour revoir l’exercice actuel au niveau du gouvernement provincial est maintenant possible. L’IPV permet de cerner de nombreux secteurs où l’évaluation de programme actuelle frôle l’illusion, comme j’ai essayé d’indiquer dans une présentation à l’ACFAS en 2012.
En complément à ces constats, le Rapport Stiglitz dont il est question dans cette présentation souligne que même l’IPV, dont il reconnaît la pertinence, n’arrive pas à évaluer adéquatement la situation à laquelle fait face une société, les sociétés. L’IPV est fondé sur les dépenses personnelles du PIB, prenant celles-ci comme une indication partielle de bien-être. Le défaut de cette approche, commune au PIB et à l’IPV qui en dépend, est l’absence de prise en compte de la relation entre, d’une part, la taille du PIB et de l’activité économique qu’il mesure et, d’autre part, la capacité des écosystèmes et des ressources planétaires à soutenir cette activité. Préalablement à la proposition de calculer l’IPV, j’ai donc calculé, pendant ma première année comme Commissaire, l’empreinte écologique du Québec. Résultat: avant même d’essayer de faire une évaluation des programmes, nous savons que les besoins matériels de l’économie du Québec dépassent par trois fois la capacité de la planète à les fournir, sur une base équitable tenant compte de l’ensemble de l’humanité.
Le travail du Vérificateur général perpétue l’illusion qui nous permet de cacher les crises qui sévissent dans la société, et dans les écosystèmes, en dehors des marchés suivis par le PIB. On doit noter que l’ancien Vérificateur général siège maintenant à la Commission Charbonneau, où il sera libéré sûrement des contraintes de son ancien poste, quitte à reconnaître celles juridiques qui guident la Commission. Ce serait pertinent que le Commissaire au développement durable pose maintenant un geste semblable.
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Bonjour monsieur Mead, je vous ai déjà rencontré au PVQ il y a un bon moment déjà. J’ai tenté certains liens dans votre article et ils ont un manque dans l’adressage. Cela nous empêche de voir la complémentarité de votre propos. Merci et toutes mes félicitations pour votre persévérance pour la cause.
Pourriez-vous me donner un exemple de lien qui ne fonctionne pas? Les liens aux documents pdf nécessitent, pour le moment, de cliquer deux fois, mais j’essaie de corriger cela. Est-ce cela? Dans les articles du blogue, j’ai testé les liens assez souvent, et je n’ai pas eu de problème.
Je viens de vérifier l’article sur les vérifications. Le lien ouvre la page couverture des documents pdf, mais il faut cliquer sur l’icône deuxième de droite en bas – pour moi, ouvrir en Aperçu – pour que tout le document se présente.