Ce bloque représente non seulement l’occasion pour des réflexions sur les enjeux du développement, mais également l’occasion pour quelques témoignanges en relation avec une vie où une certaine intimité avec la nature était recherchée et souvent obtenue, mais cela à travers un déclin mondial de biodiversité que j’ai dû et que je dois constater. Je me sentais presque endurci face à cette énorme perte, mais une nouvelle cet été m’a quand même bouleversé. Chaque été, nous recevons dans le jardin et le long de la voie ferrée la visite des papillons Monarque, cet insecte impressionnant qui a traversé des milliers de kilomètres par des étapes qui comportent la parution de plusieurs générations. Lorsque nos enfants étaient jeunes, nous avons même eu le plaisir d’assister au spectable de la chenille se mettant en pupe où il se transforme en adulte pour finalement sortir de sa chrysalide. Cet été, nous n’en avons pas eu de visite.
En 2006, lors d’un retour au Mexique après une absence de plusieurs décennies, nous avons pu visiter le site d’hibernation du Monarque, près de Morelia dans le Michoacan. Les papillons à cet endroit dans les montagnes, probablement par millions quand nous avons visité le site, avaient effectué un « vol » de migration d’une seule génération pour venir d’endroits aussi lointains que le Québec. C’est à la limite de ce que font les oiseaux, mais effectué par un petit papillon!
C’est vrai, mon voyage, en contradistinction au sien, comportait un vol en avion et l’émission de tonnes de GES, même s’il a permis non seulement la visite des papillons, mais, à travers le reste, une semaine au Chiapas pour essayer de tâter le pouls de la révolution paysanne qui a débuté le jour de la mise en application de l’Entente de livre échange de l’Amérique du Nord (ALÉNA). Les paysans du Chiapas avaient une bonne idée de ce qui les attendait avec cette entente à l’image de notre économie néolibérale. Je cherche à justifier ce vol, ce voyage, tout comme les trois faits en Chine pour essayer de mieux saisir les enjeux associés au pays qui va déterminer, fort probablement, l’avenir de l’humanité : il faut aller sur place, il faut voir les gens, il faut être saisi par les contrastes entre les modes de vie des uns et des autres.
Reste que la disparition du Monarque – je ne puis croire que c’est en passe de se réaliser, même si j’ai vu disparaître les hirondelles dans seulement une vingtaine d’années, tout comme l’ensemble des oiseaux insectivores, et maintenant les chauve-souris – a non seulement quelque chose d’incongru, d’inacceptable, d’à peine croyable. Elle comporte une illustration presque parfaite de la contradiction que ma vie et celle des populations de l’ensemble des pays riches comportent. Ces vies – voir ma réflexion faite en fonction d’un autre voyage, cette fois-là en Australie – ont été possibles seulement en fonction d’une atteinte directe et insoutenable au fonctionnement des écosystèmes de la planète.
MISE À JOUR: Le 2 janvier 2014 David Suzuki anime une émission de The Nature of Things, où il est question du film IMAX The Flight of the Butterflies et de l’histoire de la découverte de la migration de ce papillon, la plus longue du monde par un insecte. C’était une occasion pour me remettre dans la réflexion, tout en me ramenant à mon voyage au sanctuaire du papillon dans le Michoacan du Mexique, en 2005.
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En 34 ans de faire un jardin au même endroit, j’ai constaté moi aussi la disparition de plusieurs espèces d’oiseaux, d’insectes et de plantes au cour des années.
Il y a seulement une quinzaine d’années, des couples d’hirondelles bicolores se faisaient compétition pour nicher dans ma cabane à oiseaux. Depuis quelques années, aucune hirondelle n’est intéressée. Pourtant, c’est la même cabane, minutieusement entretenue et nettoyée à tous les ans, et érigée au même endroit. Dans le ciel, les ramoneuses sont les seules à planer à la chasse d’insectes au-dessus de chez moi. Elles, curieusement, sont plus nombreuses qu’avant.
C’est ainsi pour les papillons Monarques. J’ai toujours eu amplement de fleurs qui intéressent les papillons sur mon terrain, en particulier des topinambours indigènes toujours en pleine floraison en septembre. Il y a une vingtaine d’années, je pouvais admirer un Monarque aux 30 secondes arriver du nord-est et se dirigeant immanquablement vers le sud-ouest. Mais ils pouvaient rarement s’empêcher d’arrêter une seconde ou deux (ou plus!) sur mes fleurs pour se retaper un peu d’énergie, me permettant ainsi de confirmer qu’il ne s’agissait pas toujours du même qui tournait en rond!
Depuis quelques années, c’est un évènement partagé avec des amis quand j’en aperçois un seul. Un seul. S’imaginer une telle chute de leur population à la grandeur du continent me brise le coeur.
Je me rappelle avoir entendu, début vingtaine, de la bouche du philosophe Alexis Klimov, que l’être humain était pétri de paradoxes. Sans doute n’était-il pas le premier à l’affirmer mais ces paroles m’avaient quelque peu secoué et me revenaient souvent à la conscience. Bien que forgé aux sciences physiques et aux mathématiques, je demeurais ouvert aux sciences dites humaines, m’y abreuvant même, par souci de santé pourrait-on dire. Mais cela demeurait sur le plan intellectuel…
La disparition de notre milieu des monarques et des hirondelles me jette aussi sur le sol… avec mes contradictions, aussi.
Sensible au beau, on remarque, on s’extasie et on attend que l’expérience se renouvelle. Vient ensuite la notion de cycle et de durée. Il faut des années pour qu’un cycle soit perçu, qu’une tendance s’affirme. Ce qui est incroyable de nos jours, c’est que tout s’accélère et que l’on voit autant de choses en 20 ans qu’aucun être humain ayant vécu par le passé ne pouvait en voir au cours de sa vie.
La disparition d’espèces communes dans notre environnement nous amène à un premier niveau de conscience. Il faut maintenant jauger de l’importance des facteurs en cause de même que jauger l’importance des conséquences. Il y va de la suite du monde…
Très triste en effet. Dans ma jeunesse, je voyais enormement de mouches a feu (lucioles ) à St-Lin; la derniere fois que j,’en ai vues, c’était au parc Maisonneuve ….
Tout récemment, Pauline Gravel dans Le Devoir nous a fourni deux articles de mise à jour. Le premier parle d’un changement dans la migration de ces papillons, avec une tendance à écourter celle-ci.
Un deuxième nous fait part d’un nombre inhabituel (en hausse) dans l’aire d’hivernage au Mexique, ce qu constituerait un changement dans le déclin, à suivre.
Pour ma part, j’en ai vu dans mon jardin dans Charlevoix l’été dernier, et dans les environs, ce que je n’avais pas vu depuis des années – je me disais que c’était peut-être sans signification, mais…