En 1966, après la naissance de nos deux enfants à 15 mois d’interval, mon épouse et moi avons décidé d’arrêter la famille à 4. Plusieurs raisons jouaient un rôle dans la décision, mais pour moi, c’était la conviction que deux enfants étaient une limite dans un contexte de crises environnementales empirées par la croissance démographique. Il était fascinant, 50 ans plus tard, de lire dans ce contexte This Changes Everything, de Naomi Klein: après plus de 400 pages de cette intéressante présentation du défi des changements climatiques, Klein débute le Chapitre 13, le dernier, sur le droit de se régénérer, avec la narration de ses difficultés, à la fin de la trentaine, dans l’effort de concevoir un enfant. Elle décrit dans ces pages sa réaction à l’époque aux échanges avec des environnementalistes dont les propos portaient sur nos responsabilités envers nos enfants et nos petits-enfants. Elle trouvait dans sa réaction personnelle de ne pas être mère une source de réflexion sur les maux qui affligent la planète et y voyait le reflet d’une sorte de syndrome d’infertilité de la planète elle-même. Nulle part, par contre, ne paraît une indication que parmi les principaux défis de l’humanité actuellement est le défi de sa grossière fertilité, où, par exemple, l’Inde ajoute à sa population (surtout à sa partie pauvre) environ 55,000 personnes net par jour…
J’attendais ce dernier chapitre, et la Conclusion, pour mieux saisir le positionnement ultime de Klein face au sujet du livre, les changements climatiques qui menacent à court terme l’avenir de l’humanité. Un sens du temps parcouru me frappait: Klein ne réalise pas que les «générations futures» de la Commission Brundtland ne sont plus nos enfants et petits-enfants, mais des gens de l’âge de Klein – elle est l’enfant de Brundtland, et son livre montre jusqu’à quel point Brundtland voyait juste. Ses engagements pour son enfant (elle a finalement réussi) doivent être, finalement, pour elle-même.
Comment se positionner
La situation me rappelle celle de David Suzuki, dont je suis les analyses des problématiques environnementales sur The Nature of Things depuis probablement plus de 30 ans (tout comme celles de Klein, sociales et socio-économiques, depuis près de 20 ans et la publication de No Logo). C’était la fille de Suzuki qui a livré le plaidoyer pour les jeunes au Sommet de Rio en 1992 et qui est revenue, avec son père, pour condamner l’échec de l’humanité dans les vingt ans qui suivaient, lors d’interventions à Rio+20 en 2012.
J’attendais la chance de lire le nouveau livre de Klein depuis plusieurs mois, et les 300 premières pages me rejoignent presque au paragraphe près. Dans la première partie, elle souligne les défaillances de notre système économique, qui a besoin d’être carrément remplacé. Dans la deuxième partie, elle détaille la déroute et les illusions de plusieurs approches au défi en cause. Je restais dans l’expectative pour la lecture de la troisième partie, qui se nomme «Commençons quand même» – «Starting Anyway». Elle indique à la page 284 (et plus loin, à la page 413) que nous avons des options face aux défis[1] mais débute la troisième partie à la page 292 avec le titre qui laisse entendre qu’elle ne croit pas ses propres propos… Les défis des changements climatiques sont vraiment différents de tous les autres, et le fait que nous sommes dans la décennie zéro à leur égard change tout dans la façon d’évaluer nos options : il faut que tout change, mais elle ne prétend pas que cela peut se faire…
Les options
Dans les dernières pages du dernier chapitre de la troisième partie, elle revient à la question de ces options. Elle y rejette «l’écocritique» qui cible une réduction de l’empreinte de l’humanité et qui prône le petit. Proposer ceci, dit Klein, n’est tout simplement pas une option aujourd’hui, sans comporter des implications génocidaires (447-448). Il faut s’occuper de l’humanité qui est ici déjà. Ces propos sont présentés avec une émotion et une conviction venant de l’auteure de haut calibre qu’est Klein. En même temps, et à la toute fin, ils mettent en évidence les défaillances du livre.
Klein voulait bien intervenir dans ce dossier critique et a passé cinq ans dans la recherche pour le livre et dans sa rédaction. Son objectif, comme dans ses ouvrages précédents, n’était pas d’écrire un obituaire, mais de fournir de l’espoir et des pistes de solution. Le livre qui en résulte témoigne d’un problème clé dans les débats contemporains sur le sujet: ils mettent tellement l’accent, tellement la priorité sur les changements climatiques que l’ensemble de notre situation problématique leur échappe ou presque.
Le livre débute en mettant en évidence le système économique comme étant lui-même LE problème, et la narration montre clairement que les ravages de ce système nous met dans une situation dramatique, avec peut-être une seule décennie pour opérer un renversement fondamental. Ceci est précisément l’analyse que nous présente Halte à la croissance, mais cela, précisément, dans un cadre plus global, où un ensemble de grandes problématiques interagissent et dont les interactions permettent des projections. Une des grandes problèmatiques de Halte est la croissance démographique, et c’est assez curieux de ne voir aucune référence à elle dans le livre de Klein, avant les dernières pages. Les «implications démographiques » de Halte ne sont pas génocidaires – peut-être plutôt suicidaires – et les projections du scénario qui s’avère le plus près de notre réalité montre un effondrement de la production industrielle (le système économique dont parle Klein) en tout premier lieu, suivi par celui de l’alimentation. Un effondrement démographique s’en suit et c’est en tout dernier lieu que la pollution – les changements climatiques, pour simplifier – connaît une «résolution» en fonction des autres catastrophes. En contraste avec Halte, Klein met l’accent sur ce qui semble être, après tant d’années d’échec, secondaire.
Les chercheurs de Halte n’ont pas cherché à décrire les processus qui seraient en cours lors des effondrements projetés, et il est bien possible que l’effondrement des tendances démographiques comporte de la violence importante. À la fin du livre, Klein veut s’opposer à cet élément si dramatique de l’effondrement global, mais elle n’en situe pas le cadre, qui fait de l’effondrement économique l’occasion et des catastrophes démographiques et de celles environnementales. La troisième partie du livre, et la Conclusion, présentent donc bien plus un plaidoyer qu’une analyse, contrairement aux deux premières parties.
Une vision globale de l’échec
Le manifeste «Élan global» qui est sorti ce printemps y allait de la même façon, insistant sur la conviction que «nous avons tout ce qu’il faut pour écologiser et humaniser notre économie… Les solutions existent». C’est le message de plusieurs des auteurs de Sortir le Québec du pétrole et probablement de ceux de l’IRIS dans Dépossession. Klein nous informe même d’une récente publication, America the Possible : Manifesto For a New Economy, de Gus Speth, dont je suis l’œuvre théorique et pratique depuis plus de 30 ans. Grist en fournit une présentation et le titre indique clairement que même Speth maintient le discours à l’effet que «tout peut changer» (il a été arrêté à Washington en août 2011 en même temps que Klein et plus d’un millier d’autres lors d’une manifestation contre Keystone XL). Et dans son livre de 2013 Est-il trop tard?, Claude Villeneuve peine à fournir la réponse à la question du titre que son argumentaire rend néanmoins manifeste: il est trop tard, mais il cite mon entrevue de 2012 pour fournir une indication de sa réticence à être clair.
En effet, il est difficile d’intervenir dans les débats ayant une certaine envergure sans présenter un message d’espoir et des pistes de solution pour les problèmes décrits. Reste qu’aujourd’hui un tel positionnement constitue un déni, ce qui est manifesté par Klein en comparant son analyse du départ avec sa façon de terminer. Le début du livre passe le message de ce blogue, où je puis me permettre de diminuer l’espoir tout en proposant des défis que presque personne ne semble vouloir relever.
La première partie du livre nous présente les défis exceptionnels de notre époque en cinq chapitres (voir p.63), dont
(1) le premier porte sur la reconnaissance des implications profondes pour la société et pour l’économie de tout effort d’intervenir pour contrer les changements climatiques. Les quatre chapitres suivants détaillent jusqu’à quel point les actions requises vont à l’encontre des fondements du paradigme actuel;
(2) la reconnaissance que le système économique, dopé par un libre échange à l’échelle planétaire et, finalement, par une dépendance fondamentale à la croissance, nous mène dans le mur et que la «décroissance gérée» impliquée doit être transformée dans la recherche d’une «grande transition» (qui frôle la promotion de l’économie verte, qu’elle rejette ailleurs) parce que la décroissance est inacceptable aux participants du grand mouvement arc-en-ciel qu’elle envisage pour poursuivre la bataille;
(3) la reconnaissance que ce qui est nécessaire exige le rejet des acquis du néolibéralisme et la promotion d’interventions gouvernementales à grande échelle, cela en fonction d’une conviction qu’il est possible de transformer notre système énergétique mondiale en 100% renouvelables, techniquement et économiquement, et cela d’ici 2030[2] en cherchant l’argent nécessaire en fonction du principe du pollueur-payeur, bref, chez les riches;
(4) cette reconnaissance nécessite, contre tout ce que le règne néolibéral a réussi à mettre en place dans le sens contraire, des gouvernements qui planifient, de façon décentralisée, et qui savent dire non aux pressions des secteurs voués à la disparition, notamment celui de l’énergie fossile – et, elle ajoute explicitement, nous sommes dans la décennie zéro;
(5) l’extraordinaire pouvoir des énergies fossiles canalisé par les technologies modernes nous met dans une situation analogue à celle de la population de l’île Nauru, pensant que nous pouvons maîtriser l’approche «extractiviste», alors que nous nous trouvons après deux siècles d’abus de ce pouvoir comme Nauru, habitants d’une planète que nous sommes en train de détruire, presque sans le réaliser.
Pendant toute cette première partie, Klein nous met devant une situation catastrophique, mais insère régulièrement des indications que, en dépit du fait que nous n’avons qu’environ une décennie pour maîtriser la transition, nous ne devons pas perdre l’espoir. Elle termine la partie avec une brève référence à Halte à la croissance et, comme tant d’autres, dont Ianik Marcil récemment dans l’Introduction au Sortir le Québec du pétrole, elle accepte le constat répandu qui voit ses auteurs de Halte comme utilisant des modèles informatiques «naissants» (i.e. dépassés) et projettant erronément un effondrement vers 2050. J’y reviendrai.
La pensée magique à rejeter parmi les options
Avant de procéder à ce qu’elle suggère comme possible dans la troisième partie, la deuxième partie élimine ce qu’elle appelle de la «pensée magique».
Une première (6) est celle de l’adhésion des grands groupes environnementaux américains à une approche de conciliation et de collaboration avec les grandes entreprises,
une deuxième (7) celle qui fait confiance à l’engagement de quelques milliardaires, dont elle cible Richard Branson de Virgin pour un traitement particulier pour montrer la presque vacuïté de l’engagement,
une troisième (8) celle des géoingénieurs qui proposent avec hubris d’intervenir à une échelle planétaire (ou presque – il y a des complications…) pour modifier les systèmes impliqués dans les changements climatiques.
Le problème de fond de la première illusion est son adhésion au système de marché comme approche à la solution, alors que c’est la source du problème; celui de la deuxième est justement l’incapacité de ses «messies» d’abandonner le système de marché et la recherche de profit qui sont derrière leur atteinte du sommet; celui de la troisième est implicite dans les deux premières, soit une confiance aveugle dans la capacité des humains à «gérer» la planète, dans l’occurrence avec des technologies pouvant transformer ses systèmes globaux.
Même sans l’espoir, agissons quand même[3]
En dépit de ce que l’on veut penser, les tendances décrites ainsi comme de la pensée magique restent toujours d’une importance surprenante, et décrite ainsi par Klein à travers sa critique. Dans la troisième partie, comme dans les deux premières, Klein nous fournit un survol intéressant et perspicace de notre situation et y présente toute une série de tendances qu’elle décrit comme source d’espoir, des options que nous devons bien maintenir à l’esprit, presque sans indication qu’elles ne sont probablement pas plus présentes dans le portrait mondial que celles de la pensée magique. Encore une fois, un survol, puisque les tendances sont quand même assez bien connues.
(9) Klein appelle Blocadie le mouvement, venant de la base et très diversifié par sa composition et ses activités, qui monte aux barricades depuis assez longtemps pour contester l’extractivisme devenant de plus en plus mondialisé. Nous le connaissons ici dans le mouvement d’opposition au fracking dans la vallée du Saint-Laurent et on doit bien reconnaître sa présence. En dépit du grand nombre d’événements qu’elle décrit, suggérant qu’il s’agit d’une tendance irréversible et en train de changer les choses, je crois quand même que n’importe quel bilan comparant les victoires aux gains de l’industrie irait à l’encontre de sa thèse, peu importe la période couverte, alors que nous sommes dans la décennie zéro. Elle ne regarde par ailleurs pas la problématique associée au fait que le nouvel extractivisme se bute à des coûts probablement trop importants. J’y reviendrai. La solution, le mouvement de grande diversité, rappelle la grève des étudiants en 2012, et l’échec du mouvement environnemental de prendre du leadership dans sa mobilisation permanente…
(10) Les «zones de sacrifice» impliquées dans les activités extractivistes ont fini par augmenter un sens d’appartenance au territoire dans de nombreuses communautés, et Klein associe ceci à une sorte de mouvement fondé sur un amour du territoire qui a dépassé l’esprit de «pas dans ma cour» pour devenir largement partagé. Passant par l’approche au désinvestissement, qui prend de l’envergure, elle note en même temps les contraintes associées aux cadres légaux du commerce, dont l’ALÉNA (et maintenant, les propositions de traités de libre échange dans les zones atlantique et pacifiques), qui ont la capacité de miner n’importe quel mouvement démocratique. Les Indigènes jouent un rôle important dans ce mouvement, comme elle souligne, et
cela fournit le contenu du chapitre (11). Les droits reconnus entre autres au Canada par la Cour suprème dans des décisions des années 1990 font que les Indigènes sont parmi les meilleurs atouts pour les mouvements qui contestent l’extractivisme. Il reste, comme Klein souligne, que ces droits peuvent s’avérer plutôt faibles lorsqu’ils sont utilisés contre le pouvoir économique et politique.
(12) Klein met le paquet dans ce chapitre, en insistant, d’une part, que les interventions contre l’extractivisme doivent comporter des alternatives – elle insiste qu’il y en a (413) – et, d’autre part, passant en revue différentes possibilités de développement autre et leur financement, qui ne sont d’aucune façon des idées nouvelles.
À la toute fin du chapitre 12 (417), Klein fournit une référence qui cherche à montrer la conciliation possible de cet ensemble de défis. The Greenhouse Development Rights Framework : The Right to Development in a Climate-Constrained World par Paul Baer, Tom Athanasiou, Sivan Kartha et Eric Kemp-Benedict, est certainement optimiste. Écrit en 2008, ce travail ressemble beaucoup à celui qui peut se faire en 2015 à partir du cinquième rapport du GIEC et son calcul de notre «budget carbone». Ce travail aborde les enjeux touchant les acteurs riches et pauvres par une approche de «contraction/convergence». Un calcul du budget carbone pour l’ensemble des pays qui vont se réunir à Paris en décembre est actuellement sous presse, mais déjà, le calcul par l’IRIS du budget carbone du Québec montre jusqu’à quel point nous sommes dans la décennie zéro, et presque sans espoir en maintenant le système actuel.
Comme elle dit ailleurs dans le livre, la résolution du défi des changements climatiques exige la résolution d’une multitude d’autres maux de la société qui marquent son propre travail depuis ses débuts. Les alternatives nécessitent du financement, et voilà, il y a non seulement la dette écologique et la dette du colonialisme à régler, mais même la dette du ciel saturé. Il semble clair à la lecture de ces propositions de la partie trois que c’est ici que Klein trouve l’inspiration pour le titre de la troisième partie: il faut continuer les luttes, mais nous savons qu’il n’y a presque rien de nouveau pour les soutenir.
Sans EROI et sans le cadre de Halte pour préparer une approche à 2025
Il est intéresant de constater que, moins d’un an après la publication du livre, le prix du baril de pétrole est tellement bas que l’exploitation du pétrole et du gaz de schiste, tout comme des sables bitumineux, voire des gisements en eaux profondes, est rendue non économique. Les travaux dans ces secteurs sont de plus en plus restreints, si non arrêtés. Dans ce contexte, il semble pertinent d’au moins regarder l’hypothèse que les prix atteints dans les dernières années, se situant pendant longtemps autour de 110$ le baril, représentaient des prix que les économies contemporaines n’étaient pas capables d’assimiler. Ce serait la projection de Halte à la croissance et le début d’un effondrement de la production industrielle en train de se réaliser. Jusqu’à cette dernière situation, la hausse du prix du pétrole a occasionné des récessions. Ce sera à voir si cette fois-ci ce sera plus que cela.
Ce n’est pas évident, mais l’hypothèse permet de souligner ce qui semble manquer sérieusement dans le travail de Klein. Elle met tellement l’accent sur les changements climatiques qu’elle n’offre pas de perspective sur l’ensemble d’autres crises qui sévissent. C’était l’immense intérêt de Halte que de prendre cet ensemble et d’essayer d’en voir les implications de leurs interractions, sur le long terme. Klein va jusqu’à une forme de déni face au défi démographique, et prend le maintien du système économique qu’elle dénonce comme acquis – à moins qu’un grand mouvement arc-en-ciel ne se forme et rende possible la grande transition.
Ni Klein ni sa source d’espoir pour la possibilité que nous puissions opérer avec 100% d’énergie renouvelable d’ici 2030 (réglant donc les problèmes de la décennie zéro) ne semble prendre en considération la question du rendement énergétique de cette option. Le rendement énergétique des énergies fossiles non conventionnelles est très bas, et exige un haut prix pour couvrir les dépenses, essentiellement énergétiques, associées à leur exploitation. Le rendement énergétique des énergies renouvelables est également bas et exige des quantités multiples d’énergie nette pour remplacer l’énergie fossile conventionnelle, une option qui semble clé dans son positionnement.
Klein, comme Marcil, semble prendre Halte à la croissance au sérieux, mais en déformant son scénario le plus conforme aux données depuis 40 ans pour suggérer que l’effondrement arrivera vers le milieu du siècle, les deux se donnent le temps pour chercher d’autres espoirs pendant la décennie zéro. En fait, pour Halte aussi bien que pour Klein, nous sommes dans la décennie zéro, mais non seulement pour les changements climatiques. Les énormes problèmes vécus par le système économique depuis la crise de 2007-2008 risquent de ne pas être passagers et doivent, au moins, faire partir d’un effort de comprendre les options pour la décennie zéro.
D’une certaine façon, et bien indirectement, Klein confirme cette lecture de son livre, en terminant avec une référence à Alexis Tsipras qui, en 2014 lors de la rédaction du livre, était leader de l’opposition grecque. Dans le dernier paragraphe du livre, elle l’identifie comme «une rare source d’espoir dans une Europe ravagée par l’austérité». Une analyse adéquate de la situation en Grèce en 2015, avec Tsipras comme premier ministre, comporte une grande complexité. Reste que le pays représente un cas parmi d’autres des véritables défis qu’il nous faut relever et qui ne suggère d’aucune façon que les différentes composantes de la transition décrite par Klein constituent des pistes capables de justifier l’espoir tel que décrit par elle. Effondrement il y aura, de toute évidence, et ce qui manque dans le livre de Klein, comme dans les nombreuses autres interventions actuelles face aux crises, est l’encouragement qu’il nous faut pour nous préparer, non pas pour la société renouvelée selon l’espoir qu’elles endossent, mais pour une toute nouvelle société pleine de contraintes.
[1] Mes références seront à la version anglaise du livre, publié en français sous le titre Tout peut changer, pas tout à fait le sens du titre en anglais et qui serait exprimé par une phrase de la forme «Les changements climatiques sont tellement différents qu’il faut les aborder autrement que les défis habituels». Elle précise l’idée dans la Conclusion (450) en notant que, «s’il arrive un pouvoir pouvant contrer celui du système économique actuel et en même temps dégager des pistes alternatives pour atteindre de meilleures destinations – si cela arrive, cela change tout.»
[2] Sa référence : Mark Z. Jacobson et Mark A. Delucchi, «A Plan To Power 100% of the Planet with Renewables», Scientific American, November 2009. L’étude a été publié juste avant la conférence de Copenhague…! (note 18, p.481, dans Klein)
[3] Proposition de traduction du titre de la troisième partie : «Starting Anyway», qu’elle ne mentionne ni explique nulle part (sauf erreur).
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Je partage votre réalisme et du même coup je suis curieux de connaître votre appréciation de deux contributions. La première, c’est celle du Dr. Guy R. McPherson, auteur de « Going Dark » où il défend la thèse d’une humanité vouée à l’extinction à fort brève échéance (http://www.guymcpherson.net/books.html). La seconde c’est celle du site Arctic-News (http://arctic-news.blogspot.ca/)animé par l’énigmatique Sam Carana (existe-t-il vraiment ou est-ce un collectif qui se cache sous ce nom?).
En attendant la réponse de notre hôte, je me permets celles-ci:
Concernant McPherson: Chic type, mais malgré sa rigueur scientifique, nulle part il ne fournit de référence valide pour l’évaluation de l’intervalle de temps qu’il rappelle constamment avant l’extinction de l’homo sapiens sapiens… 30 ans? J’aime beaucoup son approche fleur bleue, « At the edge of extinction, only love remains » … Ça recoupe l’importance des liens sociaux affirmée par Dimitri Orlov dans « Stages Of Collapse » (IIRC).
Sam Carana, dont la principale préoccupation est la boucle de rétroaction positive du méthane arctique (fonte du pergélisol terrestre et sous-marin) pêche également par manque de rigueur scientifique. Le physicien en moi ne peut que grincer des dents quant je vois un tel graphique:
http://3.bp.blogspot.com/-mFtFLniK1ps/VbJPPeL7VKI/AAAAAAAAQ7Y/Aqq6-uk7TwY/s1600/SST-June.png
Le traçage de la courbe jaune est RIDICULE et correspond aux bévues d’élèves du secondaire!
Écoutez les gars, je comprends bien que la situation est catastrophique et demande des correctifs URGENTS mais faut pas tomber dans le marketing trompeur et mensonger…
Ceci étant dit, je garde un oeil sur ces chercheurs/auteurs, sans lire cependant toutes leurs entrées comme je le faisais il y a 2, 3 ans. À la fin on se lasse… et c’est corrosif. 😎
La gagne à surveiller par contre est l’équipe qui a mené l’expédition SWERUS !
http://www.swerus-c3.geo.su.se/index.php/swerus-c3-in-the-media/news/323-swerus-c3-the-journey-soon-ends
À Raymond Lutz,
Merci pour votre réponse. Je prends note de votre critique de McPherson que je partage en bonne partie. Néanmoins, j’ai apprécié plusieurs des références il parsème son « MONSTER CLIMATE-CHANGE ESSAY » (voir http://guymcpherson.com/2014/01/climate-change-summary-and-update/) même si ses sources sont parfois disparates. Toutefois les mises en garde de Peter Wadhams ou de Natalia Shakhova ne me laissent pas indifférents. Quant à Sam Carana, je suis plutôt porté à penser qu’il s’agit d’un prête-nom pour je ne sais qui. Votre critique du prolongement de la courbe de tendance est pertinente, toutefois l’accroissement des données réelles reste inquiétant. J’ai réservé le livre de Servigne dont vous faites mention dans une autre contribution à ce blogue. Pour ma part, je doute fortement de la capacité de notre civilisation industrielle de prendre les virages requis avant que celle-ci ne connaisse une mutation en profondeur générée par des crises successives (voir http://webtv.coop/document/Solidaires-nous-survivrons/476fb20f4c313831c13c)