L’expédition de l’été 2002 a été organisée par un groupe de Jamésiens et de Cris. Nous étions des Cris, une Inuite, des Jamésiens et des Blancs du Sud, dans sept ou huit canots et plusieurs kayaks pour descendre la Rupert pendant 10 jours, pour aboutir à Waskaganish à son entrée dans la Baie James. Nous sommes partis un groupe surtout de Blancs; le lendemain matin, deux canots ont descendu le rapide en face de notre campement pour se diriger vers nous. Ils étaient trois Cris et l’Inuite; en arrivant à notre campement, le plus vieux du groupe, Freddy Christmas, est venu directement vers moi et mon partenaire de canot, en disant «chum chum», en tout cas, le mot en Cri pour «elder». C’était le début d’une semaine où nous avons appris comment les Cris pouvaient recevoir des Blancs: des portages qu’ils faisaient avec des sacs immenses (et des canots plus gros que les nôtres); des soirées où ils nous racontaient leurs culture et nous servaient castor, oie et poisson; une explication du comportement de l’esturgeon, que Freddy connaissait de longue date, et qu’il a refait sans obligation de recherches pour un rapport formel pour Hydro-Québec; une traversée du lac Nemaska en attendant que le vent tombe à précisément 20h00 et une traversée dans le calme sous une pleine lune; pendant l’attente, une crise «culturelle»: plusieurs Blancs ne veulent pas écouter les Cris, qui sont disparus, et s’aventurent à travers vagues et moutons, d’autres s’y préparent jusqu’à ce que j’intervienne; le retour des Cris avec des Dorés pour notre souper; un déjeuner le lendemain à Old Nemaska qui représentait le moment fort de la visite, où nous étions reçus en grande pompe, les Cris sortant ce qu’ils avaient portagé pendant plusieurs jours, dans leurs gros sacs; une pèche où les Blancs dans leurs deux canots, de bons pêcheurs, n’ont rien pris pendant que les deux canots des Cris ont réussi toute une pèche de Dorés.
J’ai demandé à Freddy Christmas où il était né – dans le bois ici, il m’a répondu; je lui ai demandé où il était allé à l’école – dans le bois ici, il m’a répondu.
À la fin de la semaine, en «traversant» la route de la Baie James – trois jours de plus de portages et de canot difficiles pour plusieurs qui ont continué jusqu’à Waskaganish -, conférence de presse où Freddy et Roy Dupuis qui expliquent pourquoi il ne fallait pas détourner les eaux de la Rupert, cela après une semaine de communiqués et d’entrevues par satellite et par téléphone par les Cris, normalement à partir de leurs canots au milieux de la rivière.
La rivière a été détournée, et toute la région a connu en 2013 le plus grand feu de forêt de l’histoire du Québec. Suite de la réflexion: Le centre du monde: Une virée en Eeyou Istchee Baie-James avec Roméo Saganash (Lux, 2016).