C’était en collaboration avec le Comité de transition énergétique de Stop Oléoducs de la Capital du mouvement Coule pas chez nous que j’ai présenté une conférence au cégep Sainte-Foy le mercredi 15 novembre. Nous avons profité de l’occasion pour lancer en même temps mon livre Trop tard : La fin d’un monde et le début d’un nouveau, publié par Écosociété. Ma présentation suivait une première dans la série que le Comité organise, celle-là donnée par Éric Pineault.
J’ai abordé le thème de la série avec un titre qui mettait en question l’idée même d’une «transition», tellement les pressions sur le système sont grands et urgents. Dans «La sortie du pétrole – plus que l’on pense : il n’y aura pas de «transition»», j’ai esquissé les grandes lignes du triptyque de l’échec, la première partie de mon nouveau livre, en cherchant à fournir un même temps des perspectives sur les problématiques globales qui sont associées à la série d’effondrements projetées par Halte à la croissance et que je crois en cours de réalisation.
Une conférence peut-être «ratée»
Un ami qui était à la conférence en est sorti avec le sens qu’elle a fourni «un tout nouvel éclairage sur les défis que nous présenteront les effets des changements climatiques», ce à quoi j’ai répondu : «Ma présentation fournissait un argument sur l’effondrement de la production industrielle qui n’a pas de lien direct avec les changements climatiques, sauf que cet effondrement va réduire par son effet même l’utilisation des énergies fossiles et les émissions de GES qui autrement s’en seraient suivies.»
Un des commentaires sur mon dernier article allait dans le même sens, l’économiste pensant (je soupçonne) que l’environnementaliste de quatre décennies ne pouvait être en train de s’attaquer à des dérapages économiques. J’ai répondu :
Ni le livre ni mes articles ne cherchent à fournir des suggestions concernant le combat pour éviter les changements climatiques catastrophiques. Comme je propose dans le livre, cette bataille-là est perdue, nos sociétés (et surtout nos gouvernements et leur préoccupation pour le maintien de notre système économique avant toute chose) n’étant pas en mesure de poser les gestes nécessaires. C’est «trop tard» pour cette bataille.
Le livre porte sur un effondrement de notre système socio-économique et la nécessité de chercher à poser des gestes qui pourront favoriser des moyens pour passer à travers. L’effondrement va «régler» jusqu’à un certain point le défi des changements climatiques, sans que nous agissions pour cela.
Comme nous savons bien, les messages des uns se transforment dans les compréhensions des autres en fonction des filtres de chacune, et il y a toutes les raisons de croire que ma présentation, cherchant à passer outre les défis dus au fait que l’effondrement que je veux présenter est plutôt invisible, a été capté dans de multiples versions. J’ai fourni moi-même un exemple de ceci quand j’ai transformé le discours d’Éric Pineault sur les projections mondiales pour le pétrole en un discours portant sur les seuls sables bitumineux (voir les commentaires sur l’article précédent de ce blogue, mais j’y reviens plus bas).
Résumé de ma conférence de lancement
Je présente donc ici un petit résumé de ma conférence, pensant que l’écrit se déforme selon la lectrice un peu moins que l’oral.
J’ai commencé (1) en partant des débats récents sur les pipelines (dont Énergie Est, maintenant «réglé») et sur la congestion routière qui mettent en évidence la situation de nous, les populations des pays riches. Nous ne réalisons pas que, d’une part, l’extraction et le transport du pétrole causent de sérieux dégâts ailleurs alors que nous protestons contre la possibilité de tels dégâts chez nous et, d’autre part, nos problèmes de congestion sont associés à la dominance d’un produit de luxe, l’automobile, que la plupart de l’humanité ne peut se permettre. J’ai complété le portrait avec une réflexion sur le fait que, justement, nous les riches ne sommes qu’une petite partie de l’humanité, et la partie pauvre continue à croître en nombre, la mettant devant des défis encore plus importants que ceux qu’elle connaît de nos jours. Nous vivons toutes sur une planète «pleine» où l’empreinte écologique est déjà dépassée, et depuis longtemps.
J’ai poursuivi (2) en soulignant que la «sortie du pétrole» associée à l’opposition aux pipelines implique des conséquences insoupçonnées par les militants, une récession dans les provinces productrices (et dans le pays en entier, dont la croissance du PIB depuis longtemps est associée à cette production) et l’abandon de l’automobile privée dans le pays devant l’impossibilité d’électrifier la flotte (à la limite possible au Québec, mais non pas ailleurs). La baisse du rendement énergétique (ÉROI) de nos sources d’énergie dans un proche avenir fait que la récession risque ultimement d’être mondiale – l’effondrement.
Cette baisse (3) va de pair avec le fait que nous entrons dans une période d’environ 15 ans où la sortie du pétrole (conventionnel) va s’imposer avec l’épuisement des énormes réserves du passé et où les énergies fossiles non conventionnelles et les énergies renouvelables auront un ÉROI si bas que le fonctionnement de notre société sera mise en cause. Ceci arrivera dans un monde dominé par des inégalités et où le PIB risque fort d’être en baisse (la «récession permanente» de Tim Morgan).
J’ai posé donc la question (4) «Comment donc aborder les véritables enjeux associés à une réduction massive de notre consommation d’énergie?». J’y ai abordé l’échec de la COP21 et l’impossibilité de mettre en œuvre l’Accord de Paris devant le fait que cette mise en œuvre met en question l’ensemble des principaux acteurs du système économique à l’échelle mondiale. Une «esquisse de conclusion» mettait en perspective une population humaine où les riches dépassent de façon importante la capacité de support de la planète (par leur empreinte écologique) alors que les pauvres n’atteignent même pas le seuil minimum de l’Indice de développement humain des Nations Unies.
J’insistais sur la réalisation par les pauvres de cet état de faits et la probabilité de migrations massives mentionnées au début dans le contexte d’une présentation des inégalités.
(5) J’ai poursuivi en insistant sur le fait que même des interventions qui paraîtraient normales dans le cadre actuel vont devoir se transformer dans le sens que j’essaie de développer dans le livre, où deux des trois parties portent sur l’avenir que nous devons assumer devant l’effondrement. Sans que cela n’arrive comme objectif explicit, nous allons connaître une société «post-capitaliste» où les fondements du capitalisme résumés par Yve-Marie Abraham ne s’imposeront plus : propriété privée remise en question, salariat aboli, prêt à intérêt supprimé, interdiction de l’entreprise privée à but lucratif. En dépit de ces propos critiques du capitalisme et en apparence «capotés», qui circulent néanmoins depuis très longtemps, l’effondrement du système capitaliste va aboutir à quelque chose du genre, à moins de nous trouver dans un chaos social.
Finalement, je suggère, suivant mon travail sur l’IPV, qu’il y a un véritable potentiel au Québec pour une nouvelle société: en région, où la foresterie et l’agriculture ne sont déjà pas vraiment des activités de marché et où l’exploitation minière ne fournit presque pas de bénéfices à la société actuelle; dans les villes, énergivores, qui devront se transformer, en parallèle à un exode pour alimenter une agriculture paysanne, laissant de grandes communautés où la vie de quartier va redevenir primordiale. Voilà ce qu’il faut préparer devant l’imminence de l’effondrement.
Le cri d’alarme est dépassé, la mobilisation s’impose
Bref, il me paraît assez raisonnable de suggérer que les énormes défis des inégalités à travers la planète, tout comme ceux des changements climatiques, ne représentent plus des priorités d’intervention face à un effondrement qui nous met devant la nécessité de changements qui vont aller dans le sens de ces défis, mais autrement. C’est finalement le message de base du livre, avec son sous-titre qui suggère que notre société actuelle est en voie de disparition mais qu’un effort de préparer une autre devrait attirer notre attention. Ce n’est pas un environnementaliste qui lance un cri d’alarme (cela fait 50 ans et plus que nous entendons de tels cris presque inutiles, y compris le plus récent, celui des 15 000 scientifiques qui sont sortis pendant la COP23 avec une déclaration dans Bioscience au nom de l’Union of Concerned Scientists); ce n’est pas non plus un constat de la catastrophe qui nous tombe dessus. C’est un effort de rallier les éléments de la société qui peuvent être réveillés à cette nécessité de sortir de notre paralysie devant les échecs répétés et d’aborder les défis autrement. «Bientôt il sera trop tard pour inverser cette tendance dangereuse», indique un des coauteurs de la récente déclaration, montrant justement la paralysie qui nous empêche de sortir de notre sommeil. Il est en effet déjà trop tard, mais non pas pour les raisons évoquées par la déclaration, qui continue dans la tradition qui remonte au sommet de Stockholm en 1972, voire avant.
Mon effort de permettre à appréhender l’invisible comporte donc ses propres défis. C’était celui de la rédaction du livre, pour commencer. Je cite dans l’Avant-propos un ami écomiste écologique qui semble presque en état de paralysie:
Concernant les crises, si je n’étais pas activement impliqué dans la recherche sur les problèmes écologico-économiques et donc si je ne savais pas que nous sommes en train d’épuiser nos stocks de capital, je ne saurais même pas qu’il y a des problèmes. Pour moi et pour la plupart des gens que je connais bien, la vie est belle, les écosystèmes locaux semblent en santé, la violence diminue dramatiquement (en regardant à l’échelle des siècles), les droits humains (homosexuels, femmes, etc.) s’améliorent, les gens pauvres (au moins aux États-Unis [où il enseigne] et même jusqu’à un certain point au Brésil [d’où il écrivait]) conduisent des autos et possèdent des téléphones cellulaires, etc. En raison des longues périodes d’évolution des processus écolo- giques, la plupart des gens resteront largement inconscients de crises écologiques avant qu’elles ne soient presque irréversibles.
C’est une semblable paralysie qui semble rendre la société civile incapable de réagir aux échecs de ses efforts après des décennies, échecs qui brillent aujourd’hui par les crises qui sévissent en dépit d’eux; elle continue à agir comme pendant tout ce temps, consciente en même temps que cela ne fonctionne plus. La réaction à l’échec de la COP21 semble s’insérer dans cette paralysie: en dépit du fait que le GIÉC nous a fourni un budget carbone et un échéancier qui rendent la poursuite des efforts habituels de changer le système – de mitiger ses élans – voués à l’échec que représentent les changements climatiques hors de contrôle, tout continue comme avant, avec perte de calculs et perte d’échéanciers.
Le fondement énergétique de la non-transition
Dans sa présentation du 25 octobre, Éric Pineault proposait, suivant des sources qu’il m’a fournies par après (World Energy Outlook – WEO – 2016 surtout; il s’agit d’une publication annuelle de l’Agence internationale de l’énergie(AIÉ) de l’OCDE), qu’il n’y aura pas de manque de pétrole pour encore des décennies, qu’il n’y aura pas de «pic de pétrole». J’ai commenté brièvement ces propos dans les échanges sur mon dernier article, j’y suis revenu dans ma présentation, mais la situation mérite une attention ici pour montrer les fondements de mon constat qu’il y aura effondrement de notre système économique à plutôt brève échéance et qu’il viendra justement des conséquences de ce pic de pétrole.
Notre système «roule» sur l’énergie fossile depuis des décennies. C’était une énergie facile d’accès et assez bon marché. Nous sommes aujourd’hui devant un déclin important de notre approvisionnement en énergie bon marché et facile d’accès: nous sommes devant le pic du pétrole conventionnel et ses conséquences, un approvisionnement de plus en plus important en énergie fossile non conventionnelle, dans les prochaines décennies.
Alain Vézina a fourni dans les commentaires sur le précédent article le lien pour une récente publication de l’ASPO (Association for the Study of Peak Oil) de l’Allemagne. Le document fournit des perspectives sur le WEO 2017 et montre (voir la figure au début de cet article, avec élaboration des éléments dans la figure juste au-dessus ici) les faiblesses des projections du travail de l’AIÉ. Steven Kopits l’esquisse dans une présentation au Center for Global Energy Policy de l’université Columbia en 2014 (pour le diaporama, voir ici), que j’ai mentionnée dans les échanges sur le dernier article; j’ai pu la voir moi-même en analysant le travail de l’Office national de l’énergie du Canada à partir d’une expérience saississante devant l’ONÉ en 2006, aboutissant à une réflexion en permanence sur la situation: l’approche des agences d’énergie gouvernementales procède en fonction de différentes prévisions de croissance économique, lesquelles permettent d’estimer la quantité d’énergie (presque exclusivement fossile depuis longtemps) nécessaire pour la soutenir. Clé dans les publications de l’AIÉ est un élément des projections qui s’identifie comme «les gisements encore à découvrir» (le rouge dans la figure ci-dessus).
C’est ici que l’économie biophysique intervient, tout comme les gens de l’ASPO. Cet élément des projections constitue le déni de l’expérience des dernières décennies, où les travaux d’exploration se montrent très inférieurs, dans leurs découvertes de nouveaux gisements, à la demande en constante progression, fonction de la croissance économique. Les économistes qui sont responsables de ces projections se montrent tout simplement incapables d’imaginer un scénario où il n’y aura pas de croissance (les récessions sont des phénomènes cycliques et on en sort); cette confiance rend inopérante la prise en considération du constat qui s’impose, à l’effet que les découvertes majeures sont chose du passé, tout comme la croissance économique qu’elles permettaient.
Même le phénomène du développement des gisements d’énergie non conventionnelle aux États-Unis fait défaut; c’est le sujet d’une des sources de Pineault, un article dans Bloomberg Markets, «US to Dominate Oil Markets After Biggest Boom in World History» et dont la source est justement l’AIÉ. En contraste avec ceci, Charlie Hall a fourni un article complémentaire à celui de Bloomberg, «US Producting a Lot of Natural Gas, But Still Not Making any Money» et qui est conforme à une série d’articles de Gail Tverberg sur son blogue.
Idéologie et constats de fait
Hall, dans son récent envoi, met en évidence le travail de Ted Trainer qui, sur le site The Simple Way, esquisse le même scénario que je présente dans mon livre. «The Oil Situation : Some Alarming Aspects» résume la situation telle que je la comprends depuis un bon moment, et me met en désaccord avec Pineault et, finalement, plutôt l’ensemble du mouvement environnemental.
Nous sommes devant des propositions pour une transition énergétique dont les promoteurs se sentent obligés de faire face à une abondance de pétrole (et de gaz, et de charbon) pour l’avenir prévisible (Pineault: jusqu’en 2060) et qui comporte de nouvelles émissions de GES en augmentation. Ces propositions appellent des interventions de la société civile, comme celles mobilisées pour l’opposition à Énergie Est; maintenant, et autrement, elles sont contre Keystone XL, probablement à comprendre dans le même cadre économique qui a mis fin à Énergie Est (mais ce sera à voir). Nature Québec tient son AGA samedi prochain, avec sur le programme la mobilisation pour de nouvelles initiatives touchant le gaz, et avec Éric Pineault et Normand Mousseau parmi les conférenciers invités.
Les informations qui alimentent le mouvement semblent venir des agences de l’énergie gouvernementales comme l’AIÉ et l’ONÉ, ainsi que de l’Energy Information Administration des États-Unis. D’après des années de suivi de ces informations, je conclus qu’elles comportent, apparemment sans exception, la pensée magique à l’origine des projections de ces agences, fondées sur une confiance inébranlable dans la croissance économique comme seule source de progrès des sociétés.
En contrepartie, une approche qui n’est pas fondée sur cette idéologie, et qui accepte que la croissance ne représente pas une incontournable de l’humanité, met de l’avant les analyses de l’économie écologique et biophysique. Celles-ci confrontent les projections avec des constats de fait, ceux résumé par Trainer (et plus largement et au fil des années, par Hall). Le débat et les suites de mon travail sur le livre sont bien en question…
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C’est une grave erreur de se fier, comme Éric Pineault et les économistes le font, sur les chiffres de l’EIA [ici, c’était l’AIÉ] et sur les comptabilités nationales en matière de stocks pétroliers, car ces données sont notoirement gonflées. Un exemple bien connu est celui de l’Arabie Saoudite, qui a doublé du jour au lendemain, en 1986 la taille déclarée de son stock pour des raisons de politique interne à l’OPEP; l’évaluation de 260 milliards de barils n’a pas diminué depuis 30 ans, en dépit de tout le pétrole qui a été extrait. À la fin des années 1990, les USA ont aussi faussé les statistiques en changeant la définition légale des réserves, passant de réserves prouvées à 90% à des réserves prouvées à 50% seulement.
Ces genre de manipulation sont légion dans le monde et c’est pourquoi les compagnies pétrolières ne les utilisent pas: elles ont recours à des bases de données privées, qui leur donnent un meilleur aperçu. C’est sur ces données que Jean Laherrère construit son argumentaire qui prévoir un pic pétrolier proche. Un expert des ressources comme Ugo Bardi mise aussi sur pic pétrolier dans les années 2020.
Je comprends que les prévisions de laherrere et Bardi sont pour tout le pétrole, y compris celui non conventionnel. D’après plusieurs sources dans ce milieu, il semble y avoir consensus que le pic pour le pétrole conventionnel a déjà été atteint.
Les liens de « La sortie du pétrole – plus que l’on pense: il n’y aura pas de transition » ne fonctionnent pas.
Article intéressant de Xavier Coeytaux : « Déplétion des ressources, « c’est quand qu’on va où ? » »
«Né en 1974, après des études supérieures en géophysiques (UPMC, Normale Supérieure) qui m’ont familiarisé avec l’approche systémique de l’environnement terrestre, j’ai travaillé sur Paris pendant plusieurs années sur les questions d’énergie et d’environnement (systémique, impacts, etc.) pour des acteurs associatifs et institutionnels. Aujourd’hui néo-rural depuis plus de 10 ans, je tente de créer l’étincelle propice à un mouvement local de transition.»
http://adrastia.org/depletion-ressources-coeytaux/?ct=t()&mc_cid=337df9ea07&mc_eid=409ca30e92
Bonjour monsieur Mead… Je suis à lire TROP TARD. Je pense que vous n’insistez pas assez sur la réforme démocratique (souveraineté populaire, assemblée constituante ouverte, tirée au sort telles qu’en parlent Roméo Bouchard et André Larocque). De plus, la crise sanitaire, telle que vue par le livre Toxique planète me semble absente. Exemple: des territoires sans perturbateurs endocriniens à créér. Des lois santé-environnement (réseau environnement santé). Enfin, une question: dans l’esprit de la filière démocratique à utiliser par la société civile, quelles propositions feriez-vous au micro d’une séance municipale de votre municipalité ou village?
J’ai oublié un aspect concret, ne riez pas: vous devriez parler de cuisine santé, suite logique à l’agriculture bio et ingrédient ultime de combat contre les maladies chroniques. Le livre de Michael Greger: Comment ne pas mourir. Ces aliments qui préviennent et renversent le cours des maladies). Ce serait plus concret. Y’a pas de honte a cuisiner…Dans la même ligne de pensée, il faut dessiner un système de santé post-pétrolier. Là c’est hors des sentiers battus. J’ai déjà vu un site étatsunien à cet égard mais le titre m’échappe.
L’objectif principal de mon livre est de mettre en évidence l’effondrement qui arrive, dans l’espoir que les groupes de la société civile – tout comme les individus, mais cela est une autre question – se réorganisent et se réorientent. Il est urgent qu’ils délaissent des approches qui ont échouées, cela après des décennies d’efforts. Pour les suites, pour les nouvelles orientations à reconnaître, les nouvelles interventions à prôner, je ne prétends pas avoir couvert tous les possibles. Je me suis restreint à quelques éléments qui me paraissent justement des possibles dans le contexte de l’effondrement.
La promotion d’une réforme de notre démocratie rejoint un ensemble d’autres interventions dans les domaines sociaux et environnementaux, voire politiques, qui compléteraient le portrait qu’il faut avoir à l’esprit dans ce nouvel essor et qui n’ont pas besoin d’être signalées dans le contexte particulier de l’effondrement. J’indique dans le livre que je ne suis plus le militant d’autrefois, convaincu que j’ai perdu mon temps à ce travail tellement la situation aujourd’hui se définit en opposition à ce que je proposais. Cela vaut pour l’ensemble des crises dont vous en mentionnez une.
Quant aux propositions que j’aurai aujourd’hui, cela constitue les deux dernières parties du livre. Je ne vois presque pas l’utilité des interventions devant les instances gouvernementales, peu importe le niveau, tellement elles sont obnubilées par l’idéologie de la croissance. Mon intervention est auprès des organismes de la société civile que j’espère un peu moins obnubilés. J’en ai fait une aujourd’hui même.
C’est ce site: https://fr.scribd.com/document/326662220/Public-Health-in-a-Post-petroleum-World
Il me semble avoir entendu que Éric Pineault fonde son évaluation du stock de pétrole extractible sur les données d’Exxon.
Pour le moment, Éric n’est pas intervenu dans l’échange. Je l’avais contacté après avoir réalisé – en réécoutant sa présentation – qu’il suggérait que nous avons du pétrole suffisant jusqu’en 2060. Il m’a fourni les deux sources que j’ai indiquées.
Harvey, la seule erreur de ton raisonnement est de blâmer le capitalisme.
Les travaux de Diamond, de Tainter ou du Club de Rome montrent clairement que cela n’a pas grand chose à voir. Le coeur du problème vient du fait que nous avons beaucoup de mal à détecter les limites des ressources avant de les avoir atteintes.
Dans le même ordre d’idée, les anglais vont goûter bientôt à la décroissance.
Pour les besoins du livre, je me suis restreint au modèle de Halte à la croissance pour ce que d’autres appellent le capitalisme et que j’appelle normalement dans le livre notre système économique. Je n’y mets pas d’accent explicitement, mais je crois – comme je l’indique en suivant Abraham par indirection – que les fondements du capitalisme, que j’esquisse de ma façon à la page 207, représentent notre contribution à la complexité que Tainter associe aux effondrements.
L’exploitation des ressources comme un des fondements, à son tour, du modèle de Halte ne fait que souligner cela comme problématique. Quant à Diamond, il fournit une série de critères pour expliquer l’échec dans les processus décisionnels des civilisations (chapitre 14). Cela ne touche pas les processus, différents pour différentes civilisations, qui rendent les décisions nécessaires, et leur échec catastrophique. En fait, le chapitre 14 débute avec une citation de Tainter quand celui-ci se montrait presque incapable de comprendre que des sociétés complexes ont pu s’effondrer en raison de leur échec dans la gestion de leurs ressources environnementales, alors que c’était le cas pour tous les cas présentés par Diamond.
Mon livre porte certainement sur l’échec de nos processus décisionnels (chapitres 2, 3, 4), mais mon accent est sur les processus inhérents dans notre modèle économique, qui aboutissent à l’effondrement faute de bonnes décisions. Si cela est une erreur, tout le livre l’est…
Au cœur du capitalisme, il y a la nécessité de la croissance économique. Car en résumant de manière caricaturale pour faire de l’argent avec de l’argent, il faut nécessairement de la croissance. Tout l’édifice tient sur celle-ci. M. Mead n’est pas le seul à en voir les limites… pourtant la cécité des économistes orthodoxes est effarante à cet égard. Il est vrai que reposant sur des postulats aussi peu étayés que l’homo œconomicus, il y a de quoi douter de bien-fondé de cette supposée science. Pour en avoir une idée encore plus radicale, je suggère la lecture du livre Le Capitalocène – Aux racines historiques du dérèglement climatique, d’Armel Campagne, publié aux Éditions Divergences en novembre dernier. Je suggère également la lecture du livre de Gauthier Chapelle et Pablo Servigne, L’entraide, publié en novembre également, aux éditions Les liens qui libèrent. Enfin, il y l’ouvrage collectif réalisé sous la supervision de Yves-Marie Abraham, Creuser jusqu’où : extractivisme et limites à la croissance, aux éditions Écosociété.
Vous êtes plusieurs à suggérer des livres à lire. Ici, Pierre-Alain fournit quelques éléments de justification pour ces lectures. Je pense qu’il est important de faire cela, devant les limites du temps et les différents intérêts des gens.
Pendant que les commentaires étaient bloqués, Alain Vézina a suggéré
https://www.les-crises.fr/a-linterieur-de-la-nouvelle-science-economique-de-leffondrement-a-petit-feu-du-capitalisme-par-nafeez-ahmed/
et
https://www.amazon.ca/gp/product/B075S9VYKL/ref=oh_aui_d_detailpage_o06_?ie=UTF8&psc=1
sans fournir des raisons pour les suggestions. Il a également mentionné le blogue de Gail Tverberg, qui figure parmi les quelques liens recommandés sur mon site.
Bonjour,
Pouvez-vous me dire ce que vous pensez de la théorie du pétrole abiotique?
https://blogs.mediapart.fr/jean-paul-baquiast/blog/280315/petrole-biotique-ou-petrole-abiotique
Merci pour votre excellente analyse.
J’ai lu l’article, ne connaissant pas la théorie du pétrole abiotique. Finalement, la phrase clé me paraît celle-ci: «si l’hypothèse abiotique se trouvait vérifiée, il faudrait en conclure que des réserves de pétrole considérables et renouvelables se trouveraient disponibles, à condition de disposer de techniques d’extraction à des coûts abordables.»
Je ne vois rien dans l’article qui explique l’idée que le pétrole abiotique serait renouvelable, et rien ne suggère que la théorie comporte de nouvelles découvertes; la phrase parle de «réserves», mais il s’agirait plutôt de «ressources» tout à fait hypothétiques. Bref, tout réside dans le «si» de cette phrase, et nous voilà devant les arguments de mes articles et du livre, que nous sommes devant le pétrole non conventionnel et non économique.
à M. Jérome: Ce texte de Mediapart sur le pétrole abiotique est un bel exemple de fabulation qui reprend une théorie du complot (« le complexe pétroléo-militaro-industriel, tel qu’évoqué ci-dessus, d’avoir toujours voulu faire le silence sur les perspectives offertes par le pétrole abiotique »). Je n’accorde aucune crédibilité à cette théorie qui a surgi il y a 60 ans, mais qui a de tout temps été rejeté par l’ensemble des acteurs sérieux en sciences de la terre.
à H.Mead: dans la liste de vos constats vous écrivez: « Il n’y a pas de raison de croire que le fractionnement et d’autres initiatives technologiques… ». Le mot à employer est Fracturation (opération qui crée des milliers de fissures dans le shale); Fractionnement a un tout autre sens. Je crois que c’est une coquille involontaire dans un texte d’autre part excellent. [Merci – c’est corrigé]
Fascinant…
http://euanmearns.com/the-end-of-economic-growth/
L’article est très bien fait dans ses analyses et ses graphiques, pour le Royaume Uni – et d’analyses similaires pourraient/devraient être faites pour d’autres pays. J’offre un début de cela avec la Figure 8 du livre, montrant la baisse tendancielle du PIB du Québec et du Canada sur plus de 50 ans, baisse que je soupçonne associée pour une partie importante à des facteurs énergétiques.
Curieusement, il conclut en semblant promouvoir de nouvelles initiatives pour relancer l’économie et chercher «un avenir plus prospère». Du moins, tout en soulignant les contraintes pour une telle relance, il ne fait aucune mention (pour le Royaume Uni) de la fin de la croissance, d’une nouvelle ère où l’ensemble des initiatives doivent se définir dans un nouveau contexte radicalement différent de ce que nous avons connu pendant des décennies. Pour lui, par exemple, le défi est de mettre un accent sur le nucléaire plutôt que sur les renouvelables… Est-ce que vous le voyez autrement?
Je ne connais pas le blog EnergyMatters/EuanMearns, et je vais essayer d’y jeter un coup d’oeil de temps en temps.
Pour apprendre comment le système économique dominant (c.-à-d le capitalisme, appelons un chat un chat) cherche à tirer profit de la crise climatique, il faut lire « La grande adaptation : Climat, capitalisme et catastrophe » de Romain Felli publié aux éditions du Seuil dans la collection « Anthropocène » en 2016.
Bonjour,
J’aimerai connaître votre point de vu concernant le biomimétisme. Malgré certaines avancées incroyables, globalement, ce développement technologique ne représente t-il pas une énième tentative de fuite en avant? l’idée de sauver la planète grâce aux nouvelles technologies ne contribue pas t-elle pas au renforcement du système technicien tel que défini par Jacques Ellul?
Encore l’AIE versus l’ASPO
http://www.resilience.org/stories/2017-12-04/peak-oil-review-december-4-2017/
Macron et Hulot entendaient parler des vraies affaires concernant le climat, convoquant oligarques et ploutocrates de tout crin. Aussi pour bien se faire comprendre ont-ils coiffé leur événement d’un titre tout approprié pour la capitale française, le « One Planet Summit ».
Mais il ne faut pas être dupe de leurs manœuvres visant à nous dorer la pilule. Le système économique sur lequel ils surfent nécessite une croissance annuelle qu’ils mesurent en PIB et en dividendes sonnants. Mais cette croissance exponentielle réclame trois planètes pour soutenir le mode de vie des seuls Canadiens. Or sur une planète limitée, on ne peut exiger un monde sans limite. D’ici peu, les limites nous rattraperons comme le prévoyait il y a de çà plus de 45 ans « The Limits to Growth ». Mais ces banquiers incapables d’envisager un danger dont ils ne voient pas l’imminence ont poursuivi leur danse financière, se moquant des scientifiques.
Il est désormais trop tard pour que leur monde fondé sur faire de l’argent avec de l’argent survive, car comme le disait naguère un chef cri plus sage qu’eux: « Quand vous aurez coupé le dernier arbre, pêché le dernier poisson et empoisonné la dernière rivière, alors seulement vous rendrez-vous compte que l’argent ne se mange pas ».
Ils iront jusqu’au bout de leur logique et cela de manière de plus en plus autoritaire et technique. La fuite en avant dans l’idéologie transhumaniste en est un bel exemple.