Le quatrième livre de ma pause, La Transition, c’est maintenant: Choisir aujourd’hui ce que sera demain, de Laure Waridel, se situe bien à la fin de la liste de lecture. Après le fondement (Cochet), une réflexion sur l’alternative (Abraham) et le contact avec une auteure qui se démène depuis des décennies pour comprendre ce qui se passe (Klein), Waridel nous présente une perspective qui représente à tous égards l’échec plutôt total du mouvement environnemental (en y ajoutant des éléments de l’échec du mouvement social). Cherchant à prolonger le passé du mouvement environnemental dans le présent et l’avenir, elle définit assez clairement un vide en attente de l’effondrement. Greta constitue une nouvelle force à reconnaître, mais ne réussira pas à percer.
Dès ma première semaine en poste comme Commissaire au développement durable en janvier 2007, j’ai entrepris une recherche sur la façon de procéder au calcul de l’empreinte écologique de la province du Québec. Il est vite apparu faisable, et dans les semaines et mois suivants, une petite équipe composée d’une comptable et d’un économiste s’est mise au travail. Finalement, après neuf mois de travail cumulés, et cela en étant obligée de compléter les statistiques grossièrement incomplètes de l’Institut de la statistique du Québec pour tout ce qui touchait les ressources naturelles, entre autres, l’équipe a pu former les quelque 1 250 cellules requises pour suivre la méthodologie du Global Footprint Network et procéder aux calculs. Le travail était rigoureux et la méthodologie approuvée par le Vérificateur général du Québec.
Une reconnaissance nécessaire de notre empreinte écologique excessive
Résultat des calculs: Le Québec a une empreinte trois fois supérieure à ce qui serait équitable si toute la population humaine vivait dans le respect des contraintes biophysiques imposées par la planète (et cela ne comprenait même pas les métaux et les minéraux). Il nous faut réduire notre empreinte par au moins les deux-tiers…
Cela paraît clairement dans un graphique fourni par le WWF dans Planète vivante 2008. Le Canada figure 7e parmi les pays du monde par l’importance de son empreinte. La ligne horizontale représente la biocapacité en termes per capita; elle est en diminution constante avec l’augmentation de la population humaine.[1]
Mais cela est seulement le début, puisque l’ensemble des pays riches accaparent une partie démesurée de la biocapacité de la planète, comme le montre le graphique un peu plus complet.
Et, finalement, la partie restante du graphique fait intervenir le portrait des pays pauvres, vivant en-dessous de la ligne horizontale et prenant moins que leur part de la biocapacité. Cette deuxième partie du graphique représente plus que la moitié des pays et beaucoup plus que la moitié de la population humaine.
Inutile de mener une réflexion sur la façon de fournir à toute la population humaine même les éléments de base de la vie dans les pays riches: automobile, appareils ménagers, cellulaire, domicile. C’est pourtant ce qui est implicite, par exemple, dans les efforts pour développer des pistes afin d’approvisionner les pays riches en énergie renouvelable en remplacement de l’énergie fossile, plutôt que de viser en priorité une réduction marquée de la cons0mmation. Et il ne semble pas y avoir beaucoup d’options: il faudra éliminer cette inégalité au cœur de notre système de développement, rapidement, sinon il y aura risque de migrations massives, dans les dizaines, voire les centaines de millions de personnes, vers les pays riches, qui en seraient déstabilisés. Cochet en parle de différentes façons, dont dans les pages 57-66.
Il ne semble pas y avoir de points de bascule pour les différentes composantes de l’empreinte, à part celle touchant les émissions de GES (cela grâce aux travaux du GIÉC). L’empreinte excessive des pays riches se manifeste plutôt comme une dégradation progressive de la biosphère constatée par tous – «la grande accélération»…
La transition est en cours, vraiment?
…mais la cible d’intervention de personne. Une réduction de notre empreinte par les deux-tiers serait énorme dans ses incidences sur notre mode de vie, mais à part des références générales et constantes à notre surconsommation, il semble juste de dire que nulle part, dans les interventions du mouvement environnemental (et social), on n’en tient compte.
À la première page de son Introduction, Waridel réduit ce travail au constat que c’est par la solidarité et la coopération que les civilisations relèvent les grands défis, dans ce cas en «acceptant de modifier certains de ses comportements et certaines de ses valeurs…; nous avons intérêt à réduire notre empreinte écologique, individuellement certes, mais surtout collectivement» (21). Aucune indication de la taille du défi… On peut voir l’importance du défi, seulement en termes du remplacement de l’énergie fossile par l’énergie renouvelable, en regardant un court texte de Mark Mills de mars 2019 en 41 points; le rapport complet, The «New Energy Economy»: An Exercise in Magical Thinking», en fournit les détails. [2]
Le livre de Laure Waridel aborde l’idée de remplacer l’énergie fossile par la renouvelable aux pages 242-247, mais nulle part dans le livre, à part des généralités ici et là, on ne voit une reconnaissance de l’importance de notre empreinte, y compris en matière de consommation d’énergie, et de l’effort maintenant quantifié pour la réduire.
Le mouvement environnemental toujours en vie?
Un coup d’œil à la Table des matières du nouveau livre de Waridel permet d’en savoir pas mal avant d’en entreprendre la lecture. Le livre est une vulgarisation de sa thèse de doctorat (voir pages 26-30 pour sa façon de voir ce travail, qu’elle qualifie comme étant en «mode d’action» dans le livre) et constitue une compilation d’un ensemble «d’initiatives porteuses de changement» des dernières décennies – finalement, et en résumé, les revendications et les propositions du mouvement environnemental. En dépit de nombreux constats d’urgence qui définissent son intervention, Waridel ne fait aucun effort pour indiquer jusqu’à quel point ces initiatives sont pertinentes face aux urgences; de façon presque régulière, leur présentation inclut par ailleurs le commentaire qu’elles ne vont pas assez loin.
Les trois premiers chapitres du livre mettent l’accent sur les enjeux économiques. Le premier, «Comprendre l’économie pour la transformer», fait un survol de plusieurs critiques de l’économie néoclassique, sans jamais la nommer, et reste dans les généralités quant à la transformation – des modifications – qui pourrait être en cause. Il n’y est nullement question de s’attaquer à la croissance comme clé de cette économie. Et au deuxième chapitre, «Changer de paradigme», nous voyons encore une fois une présentation de différentes initiatives proposées depuis des lunes (développement durable, économie sociale, économie circulaire, autres) et n’ayant clairement pas eu l’effet escompté alors que nous sommes censés être face à l’urgence. Le changement de paradigme reste complètement dans le flou, contrairement à ce que cherche à développer Abraham dans son livre, par exemple, et Cochet fait tout un chapitre sur l’économie biophysique comme nouveau paradigme. Le troisième chapitre, «Investir autrement», présente un survol de plusieurs initiatives en place depuis assez longtemps, et – en dépit de l’espoir manifesté par Waridel – qui n’ont montré aucune indication quant à leur capacité de changer la donne face à l’urgence.
Le reste du livre couvre un ensemble de thématiques représentant les grandes orientations du mouvement environnemental au fil des décennies, elles aussi ayant clairement manifesté des limites sérieuses quant à leur capacité à changer quelque chose: «tendre vers le zéro déchet» (ils sont en augmentation…); «se nourrir autrement» (alors que la quantité de viande consommée dans le monde est en augmentation, tout comme la superficie des surfaces nécessaires pour la culture de la nourriture pour les élevages – cf. Bolsonaro en Amazonie); «habiter le territoire intelligemment» (alors que la domination de l’automobile personnelle de plus en plus grosse est toujours de plus en plus importante dans l’aménagement du territoire); «se mobiliser par tous les moyens» – elle semble y céder le leadership à Extinction Rébellion. Même si on en parle plus qu’avant, il n’y a aucune indication d’une transition en cours dans le sens de ses orientations.
Rendu à la Conclusion, on n’a pas beaucoup d’appétit pour voir ce que l’écosociologue va proposer en guise de récapitulation. C’est celle-ci: «Créer et renforcer les liens entre les humains, la société et es écosystèmes»… (281). Tout est toujours dans la mode espoir, et la transition dont il est censé être question relève non pas d’hypothèses nourries par les analyses et le travail sur le terrain mais de postulats n’ayant pas de fondement.
L’actualité embarque
Dans son dernier numéro, le magazine L’actualité a décidé de mettre un accent sur le défi pour les milieux financiers des changements climatiques. En une, une photo de Waridel, avec pour titre «Comment vieillir riche en sauvant la planète» et le renvoi à un entretien avec Waridel. Il faut noter qu’elle y offre une redéfinition de a richesse qui va carrément contre celle véhiculée par la page couverture du magazine, insistant sur des limites pour la richesse matérielle, et il est difficile à comprendre comment elle a pu accepter d’être associée aux idées lancées par le numéro. L’éditorial porte sur Mark Carney et son nouveau défi comme intervenant dans les milieux financiers face aux changements climatiques. L’article du titre de la page titre ne garde pas le titre, qui devient «Changer le monde un REER à la fois», et est accompagné de la photo de Waridel, avec une sorte de bas de vignette qui met l’accent sur «la première façon d’agir», soit de «mettre son argent au service de la cause». Le livre de Waridel n’en fait pas le premier geste à poser, mais l’entretien débute en soulignant que près du tiers du livre, les trois premiers chapitres, portent sur l’économie, la richesse et la finance. La cible est bonne, mais les chapitres ne réussissent pas à sortir du modèle actuel, comme L’actualité en est bien conscient.
L’entretien dans L’actualité ne va pas très loin, et chaque sujet semble terminer avec un bémol à l’effet que les efforts décrits ne répondent pas aux défis. Ceci marque le livre au complet, où Waridel fait le portrait des «initiatives porteuses» en insistant régulièrement qu’elles ne vont pas assez loin, qu’elles soient celles de la Caisse de dépôt ou celles de Desjardins».[3]
Waridel revient à sa décision d’éviter la précision à la toute fin de son entretien:
Lorsqu’on se met à être conscient de toutes les occasions d’agir et qu’on passe à l’action, ça crée de l’espoir, et on se sent mieux face à l’adversité. Parce que quoi qu’il arrive, au moins, on est en cohérence avec nos valeurs et on ne contribue pas à la destruction de la planète.
La confusion impliquée dans ce constat, dont la mise au rancart des excès de notre empreinte écologique (incluant la sienne), représente, je suppose, ce qui attire l’attention à Waridel, qui finalement et en dépit de ce qu’elle dit, ne représente aucune menace pour les acteurs qui détruisent justement la planète.
La recherche de consensus
Dans sa chronique «La Tortue» dans Le Devoir du 20 janvier 2019, Jean-François Nadeau revient sur ce numéro de L’actualité, mettant à terre non seulement les propos du magazine comme acteur du capitalisme mais aussi ceux de Waridel, «la réformatrice écologiste la plus consensuelle du Québec». J’en cite d’assez longs extraits, sans commentaire…
Sur la photo [dans une exposition de musée], Rothschild tend devant le nez de l’animal, au bout d’un bâton, un appât destiné à le faire bouger à sa guise. Le curieux tableau donne l’impression d’une allégorie de l’argent, qui ne recule devant rien pour défendre son droit à mener le monde par le bout du nez. … Le discours critique en matière d’environnement, semble-t-il, ne trouve droit de cité que dans la mesure où il réinvestit les mêmes vieux clichés que ceux qui nous ont conduits là où nous en sommes. À titre d’exemple, le numéro de février 2020 de L’actualité a pour titre «Comment vieillir riche en sauvant la planète?». Au nom d’une écologie de circonstance, on pose, en somme, la même question qu’on ne cesse d’adapter à toutes ses sauces: «Comment s’enrichir?»
C’est Laure Waridel, la réformatrice écologiste la plus consensuelle du Québec, qui orne ce numéro dont le titre provocateur laisse entendre, contre la raison même, qu’on peut devenir riche tout en sauvant la planète. Dans cette cage à idées préfabriquées, la militante reprend son credo habituel, qui est de faire croire, à mots doux, que l’action individuelle peut réajuster la conduite du monde sans que celui-ci s’avise tout à fait de la nécessité de vraiment changer de cap. Et ce cap, L’actualité ne cesse de nous le rappeler, est fixé sur l’idée d’une croissance constante, au nom de la richesse personnelle, dans les nuages d’une méritocratie qui répète, sur tous les tons, que si vous faites ce qu’il y a à faire individuellement, vous serez récompensé, puisque vous le valez bien. …
Il ne fait plus guère de doute que le capitalisme mange pourtant la Terre comme Saturne dévore son enfant dans la célèbre toile de Goya. Mais pour nous rassurer néanmoins, on confie sans cesse à quelques spécialistes de simagrées, en quête constante de notoriété, le rôle de nous annoncer que les temps changent, tandis qu’ils se contentent à peu de frais, tout au plus, de renouveler nos stocks de bonne conscience.
La moindre frime commerciale se conjugue désormais au nom de l’écologie.
La transition vers l’effondrement
Le livre de Waridel se démarque par son titre, qui fait référence – comme tout au long du livre – à «la» transition, comme s’il y en avait une à laquelle on peut faire référence. Il n’en est aucunement question, pourtant. Par ailleurs, à presque chaque occasion où de la précision serait pertinente, voire essentielle, Waridel l’élude, insistant sur des généralités. Je prends comme exemple sa réflexion sur l’internalisation du coût du carbone, où après avoir présenté l’importance de cette internalisation, elle termine:
Pour que l’implantation d’un prix sur le carbone soit une mesure qui fonctionne, elle doit aussi être acceptée socialement. Il est donc essentiel qu’elle soit mise en place de manière équitable et graduelle en fonction de la capacité de payer de chaque acteur économique. On doit faciliter aussi la mise en place de solutions alternatives concrètes (50)… Au-delà des débats entourant les meilleurs outils pour parvenir à mettre un prix sur le carbone, dans tous les cas il est essentiel d’assurer la mise en place de mécanismes qui contribuent à une transition juste afin d’éviter un accroissement des inégalités sociales et économiques entre les individus et les nations (53).
Avec un tel positionnement, on peut bien comprendre que Waridel soit appréciée de tant de monde. Sur le plan de la rigueur, par contre, ce positionnement équivaut à l’abandon de l’effort de calculer le prix et de l’internaliser, et l’abandon, au préalable, du défi de réduire des deux-tiers notre empreinte écologique. Plus généralement, en parlant par exemple des transports, elle ne pousse pas sa réflexion jusqu’à fournir un portrait du résultat de ses calculs. Je pourrais passer des pages à en multiplier les exemples de cette approche, de cette décision, qui rend finalement inopérant à peu près l’ensemble de ses propositions (qui ne sont jamais précises, de toute façon).
C’est à peu près cela le propos de Nadeau…
[1] Les données pour ces trois graphiques datent de 2005, pour Planète vivante 2008; le rapport annuel n’utilise plus ce format, qui me paraît pertinent à utiliser ici. Des choses ont pu changer un peu depuis, mais cela en même temps que la marge de manœuvre a diminué avec la croissance démographique.
[2] Les documents proviennent du Manhattan Institute, où Mills est un senior fellow. Cet organisme est un think-tank américain explicitement conservateur. Philippe Gauthier m’indique qu’une de leurs orientations est de noircir le tableau des renouvelables afin d’ouvrir la porte pour le maintien de notre dépendance à l’énergie fossile. Il faut donc regarder les propos avec prudence, mais je ne vois pas pourquoi les données et les calculs devraient être jugés fautifs. De la même façon, le Shift Project, sous la direction de Jean-Marc Jancovici en France, est source de mon avant-dernier article sur les projections de l’AIÉ; il s’oriente clairement vers les grandes préoccupations touchant le climat et l’énergie pour l’Europe. Et finalement, l’Institut Momentum est présidé par Yves Cochet et est source des informations fournies par son livre.
Finalement, Gail Tverberg intervient régulièrement sur son blogue Our Finite World pour souligner différents problèmes plus ou moins reconnus avec les renouvelables. J’identifie son site comme d’intérêt sur mon blogue.
[3] Voir le récent article de Gérard Bérubé du 25-26 janvier dans Le Devoir, «Finance vert pâle,» qui fait fait un peu le tour de la question en fonction de la récente tenue du Forum économique mondial à Davos.
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Bonjour M. Mead
Vous avez de la bonne volonté de lire ce livre de Laure Waridel, je l’ai feuilleté et j’ai eu l’impression qu’il était écrit pour les enfants…
La position politique de Laure Waridel n’est pas un secret pour personne : son allégeance va à Québec Solidaire depuis leur début. Son positionnement à gauche plutôt que fondamentalement écologiste explique le manque de rigueur de ses énoncés. Il n’y a qu’à l’entendre répéter sa propagande depuis 20 ans à Radio-Canada ou ailleurs, pour saisir de quel point de vue elle se place : comme tous les individus de notre société ultra-libérale qui sont appelés à le faire, elle pose le sujet roi occidental (consommateur) dans la posture de démiurge comparable à Bolsonaro ou Trump : pas besoin d’un gouvernement qui impose des politiques contraignantes pour réduire l’empreinte écologique, les individus peuvent volontairement investir de manière éco-responsable chez Desjardins. Elle le fait et ça plaît, parce qu’au Québec elle s’adresse à la population qui lui ressemble, la classe moyenne supérieure, qui spécule, investit et dont tous les excès sont socialisés (soins de santé, accidents automobiles, investissements massifs publics dans le transport privé, tout en brandissant son soucis pour les plus pauvres.
Si son livre a pour leitmotiv la «transition écologique» tout en parlant d’urgence mais sans concrétude, c’est que cette société est la sienne et la sert si bien et qu’elle désire la voir transformée doucement. Tout le monde sait que les crises environnementales appauvriront notre société globalement. Le réchauffement climatique et l’effondrement des écosystèmes sont un enjeu de vie et de mort. Quoi de plus révélateur de voir une icone écologiste de poser pour la rédemption par l’argent, face à cette angoisse que les jeunes et moins jeunes vivent en voyant l’Australie et l’Amazonie en feu… Et encore hier, Pêches et Océan nous annonçait que le fleuve Saint-Laurent se réchauffe de plus en plus rapidement : entre 2009 et 2019, il s’est réchauffé de 10 degrés de plus alors qu’en 100 ans il s’était réchauffer de 3 degrés. Même le fleuve ne sera plus un capteur de carbone sous peu… Oui, la propagande issue du livre de Laure Waridel, entendue comme diffusion de fausses informations, sert bien Laure Waridel mais nuit à tous les écologistes au Québec.
Je ne vois pas de contradiction entre des prises de positions appropriées et une adhésion à Québec Solidaire. Je dois bien admettre, par contre, que je ne comprends pas comment elle peut écrire 300 pages qui frôlent le mensonge en ce qui a trait à la transition qui n’est pas là…
Je mentionne son adhésion à Québec Solidaire, car les positions de ce parti qui se dit à gauche confronte les mêmes dilemmes que les partis de gauche européens et d’Amérique latine (Maduro au Vénézuela, Morales en Bolivie, Melanchon en France). La gauche historiquement a partagé les croyances industrialistes porteuses de progrès techniques et de croissance économique, subordonnant «l’environnement» ou l’écologie aux activités économiques. Il n’est donc pas étonnant qu’adhérant aux mêmes croyances que ce parti politique, elle fasse la promotion de la croissance verte et fasse la promotion d’une transition écologique soutenue par la finance, à laquelle elle ne doit pas croire elle-même. Un slogan comme un autre, vide de sens et de contenu. Qui ressemble au contenu du programme de Québec Solidaire concernant l’économie et l’écologie : aucune critique de la croissance ne s’y trouve. Manon Massé a même promu la nationalisation de Nemaska par le gouvernement du Québec, cette mine de Lithium délaissé par les actionnaires du secteur minier. Sans doute, fera-t’elle de même pour la plus grande mine à ciel ouvert de graphite au nord de Saint-Michel-des-Saints voué principalement au batterie pour auto électrique… GND fait aussi la promotion de la croissance de l’immigration qui soutient la croissance… Tout se tient.
Dans mon article sur le récent livre de GND – http://www.harveymead.org/2019/11/19/nadeau-dubois-inquiet-les-solidaires-sont-presque-tout-aussi-inquietants-a-en-juger-par-son-livre/ – je souligne cette faille majeure dans la plateforme de QS. Disons que GND n’a pas voulu répondre, et pour le moment, je vois aussi QS dans cette mouvance, mais je me demande si elle n’eclatera peut-être avec les élections (et les suites) aux États-Unis, pour GND comme pour Klein…
Les figures de proue d’Équiterre me laissent pantois…
Laure Waridel tire les « bénéfices » de sa notoriété, s’étant associée au sein du cabinet, Trudel Johnston & Lespérance (TJL) où oeuvre son époux, Bruce W. Johnston. Elle a accompli sa « transition », vieillissant riche!
Steven Guilbeault, après avoir défendu le projet de centrale de gaz naturel du Suroît en 2003, puis le port méthanier de Rabaska en 2007 recevait ainsi les louanges de Jean Charest en 2015. « En privilégiant le dialogue, Steven Guilbeault redéfinit l’engagement écologiste, estime l’ancien premier ministre du Québec Jean Charest, qui lui parlait régulièrement quand il était au pouvoir. » (source: udemnouvelles, 22 avril 2015). Maintenant ministre libéral à Ottawa, il a bien réussi sa « transition » en retournant sa veste (voir http://lautjournal.info/20190903/steven-guilbeault-monsieur-substitutiontransition-energetique)
De façon inhabituelle, Steven a maintenu son opposition à TransMountain tout en se présentant pour le Parti libéral du Canada. Cela a totalement transformé le cheminement de sa carrière et on va voir comment il se voit comme ministère du Patrimoine…. Je soupçonne qu’il est plutôt en état de choc, même si le tout était prévisible avec sa position sur TransMountain. Comme je l’ai déjà dit, ii est arrivé en politique une élection trop tard…
À date, tout ce que l’on sait du « ministre Guilbault » c’est qu’il se fait souvent prendre en photos et qu’il est capable de répéter les lignes de presse que l’on prépare pour lui. Peut-être qu’il est, comme tu le dis, en « état de choc », ce qui serait la preuve même qu’il n’a rien à faire au patrimoine.
Plus sérieusement, je ne sais plus exactement où me situer entre Yves Cochet et Yves-Marie Abraham, mais certainement en décalage avec Naomi Klein et encore plus avec Laure Waridel. Sans doute quelque part par là… http://lautjournal.info/20191211/environnement-lettre-ouverte-un-economiste-de-liedm
Bonjour, monsieur Cotnoir !
Ayant lu votre réplique à M. Belzile, j’y acquiesce complètement.
Notre civilisation thermo-industrielle fait face (sans la regarder en face) à « une tempête parfaite » (« a perfect storm ») et s’effondrera inévitablement lors des décennies (et non pas des siècles) à venir : c’est sans espoir.
J’espère seulement que des banques de savoirs (des institutions de savoirs essentiels à perpétuer) et des… arches technologiques (des banques de savoirs-faire) seront entretenues ou mises en place dans les domaines médicaux, pharmacologiques et agricoles – afin de limiter les douleurs et les pertes de vie.
Bonne fin de journée et au plaisir de vous lire à nouveau.
Je suis décalé présentant en ne proposant qu’un livre à lire au-delà de ceux nommés ici par Harvey ou en commentaires…celui de Pierre Charbonnier à La Découverte…De quoi mettre les boussoles à l’heure malgré les dégâts prévisibles.
« La politique de l’anthropocène ne fait ainsi que mettre à nu l’écart saisissant entre le niveau d’exigence que nous imposent l’épreuve climatique et la portée de nos dispositifs de régulation.
Mais ce gouffre, s’il existe, ne doit pas être réifié : il ne tient pas à la nature de l’action et de la pensée politique in abstracto, mais à la façon dont sont conçus nos instruments de gouvernance, et au décalage entre eux et les aspirations collectives qu’ils prétendent pourtant traduire. Ces instruments opèrent désormais, selon les mots de Jedediah Purdy, comme des « infrastructures de décision » qui « nous tiennent à l’écart des problèmes les plus importants » et nous contraignent à vivre au sein « d’institutions et de pratiques qui, tout en ayant été réfutées par les circonstances, dénoncées comme inadéquates, persistent néanmoins ».
Dépossédés des moyens d’agir adaptés à la situation que l’on expérimente, coincés dans une architecture juridique qui fournit leur cadre et leurs limites aux interventions jusqu’à présent mises en œuvre, nous sommes toujours tentés de rendre les armes et de situer l’enjeu écologique au-delà du politique – dans une lutte pour la survie ou le salut – ou en deçà – dans l’accumulation de gestes individuels. »
Pierre Charbonnier – Abondance et Liberté – La Découverte
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Depuis quelques années déjà, ma proposition institutionnelle est de récupérer le territoire local comme Commun bioregional hors marché. Sous l’intendance d’un organisme démocratique sans but lucratif, avec assemblée générale et conseil d’administration divisé en 4 secteurs dont l’un est dédié à des personnes dont le mandat spécifique est la représentation des non-humains.
Il s’agit, comme le suggère Polanyi pour l’économie d’une société de marché, de faire un saut qualitatif dans l’encastrement de la nature dans une société dûment élargie aux non-humains au lieu de les invisibiliser / externaliser comme ressources.
Dérivé des Fiducies foncières communautaires (Community Land Trusts) déjà courantes aux États-Unis et au Royaume-Uni, j’ai appelé cette proposition institutionnelle Fiducie Foncière Régionale. En contexte de risque écologique global, elle devrait contribuer à réorienter les rapports entre les divers habitats et le mode socio-humain historique et situé d’habiter.
Alain
Voila qui est bigrement intéressant, on approche (comme plusieurs autres l’ont mentionné) du noeud de l’affaire: remettre à plat le fondement même de la propriété, soit-elle individuelle, collective ou corporative. Comprendre et casser les rouages entre capitalisme, technocratie et machination.
Les carburants fossiles ont donné à l’hubris humain les moyens de réaliser sa démesure. Il en paie maintenant le prix. Si ce n’avait pas été le dérèglement climatique, une autre limite biophysique se serait manifestée (érosion des sols, écroulement de la biodiversité, pandémie). Il aurait fallu revoir notre rapport à la technique qui a métastasié en ce cancer qu’est l’industrialisme.
En cherchant le sens de « machination » (mentionné par Louis Marion, membre du collectif montréalais de la décroissance conviviale), j’ai croisé ce texte: « Meaning, Being, and Technology in Heidegger and Marcuse » https://www.sfu.ca/~andrewf/books/MeaningBeingTechn_HC_NYC.pdf
Notre monde s’écroule: il faut se donner les moyens d’imaginer celui qui viendra et oser la radicalité. Friot expliqué par Lordon, du bonbon (et qui bastonne Piketty!) https://www.youtube.com/watch?v=dDY3aczWOd0
PS: la pataphysique possède sa propre page wikipedia, ce mouvement est une espèce de pied de nez au progrès moderne (je crois).
Très déçue de ce livre que j’ai en plus acheté m’étant laissée bernée par une soirée Laure Waridel également consensuelle et par la nécessité d’acheter. Pas étonnée qu’elle s’adresse aux riches mais si peu subtilement par contre… Déçue quand même de son manque de rigueur en général, on peut se faire aider dans la rédaction quand même et de son manque de style. Je vais essayer de le finir mais il me tombe des mains.