Le constat d’échec du mouvement environnemental se manifeste quotidiennement. D’une part, le mouvement a réussi à créer l’impression chez les gens que les objectifs des interventions il y a des décennies devraient régler les problèmes: recyclage, compostage, voiture plus efficiente, lumière fluorescente, etc. Il y a des décennies, ces gestes auraient pu constituer des interventions appropriées. Aujourd’hui, les crises dont on parle nécessitent des interventions beaucoup plus sérieuses et fondamentales, aux niveaux décisionnels de la société, des sociétés. L’échec est consacré par le fait que nous n’avons pas des décennies pour prendre les mesures nécessaires, sans que des catastrophes ne surviennent.
À cet égard, et d’autre part, la dominance des enjeux économiques s’est établie pendant ces mêmes décennies. Les décideurs suivent d’abord les conseils des économistes, et ceux-ci, qu’ils soient néolibéraux (la plupart) ou hétérodoxes, maintiennent leur modèle de base, fondée sur la croissance. Les Trente glorieuses ont fourni de raisons convaincantes pour une telle conviction – sauf que cela fait trente ans que l’expérience s’est virée en une série de dérapages dont ils ne tiennent pas compte. Quotidiennement, nous voyons les économistes et les journalistes, ou les politiciens qui les suivent, proposer des gestes appropriés à une autre époque. Au fil des décennies, ces gestes ont miné la capacité de support de la planète à soutenir les ambitions de l’humanité et consacré l’échec, de par les résultats, du mouvement environnemental.
Même les milieux financiers et économiques commencent à manifester des signes de nervosité, surtout face à l’absence d’une «reprise» suite à la Grande Récession de 2007-2009 (ou est-ce 2010? 2011? 2020?). La «fin de la croissance» est devenue un thème assez constant dans leurs rapports, même s’ils se montrent incapables de souscrire au changement de paradigme qui s’impose, qui est en cours. Les économistes écologiques montrent la voie depuis des décennies, sans plus de succès que les environnementalistes, mais présentent aujourd’hui une approche qui est soit une approche à la gestion de crises soit au moins une analyse qui explique ce qui se passe.
Ceci est particulièrement évident dans les interventions des économistes biophysiques, une branche qui, suivant Georgescu-Roegen, mettent l’accent sur les enjeux fondamentaux associés à notre besoin d’énergie et à l’offre insuffisante de celle-ci. Suite à une participation à leur 4e conférence annuelle, fin octobre, j’ai décidé de produire un document qui synthétise un ensemble d’éléments de l’approche.
Ce document s’adressait tout d’abord aux groupes environnementaux, qui ont dérapé pendant la campagne électorale en souscrivant à l’économie verte. Celle-ci est l’objet de promotion des grandes institutions internationales qui sont plutôt à la dérive face au changement de paradigme en cours, et proposent de mettre en oeuvre ce qui a été proposé par le mouvement environnemental au fil des ans, mais sans mettre en question le paradigme qui nous mène dans le mur. Le document, «L’économie biophysique comme plateforme pour la société civile», est composé de quatre parties:
Convaincu que les environnementalistes n’ont que peu d’influence – comme toujours – face à l’ensemble du secteur économique, le document a été adapté pour s’adresser aux économistes aussi. La publication en 2012 par les économistes hétérodoxes de Sortir de l’économie du désastre s’est révélée une mise en contexte, un peu comme la plateforme environnementale. Ce livre cherche à proposer des alternatives aux grandes orientations néolibérales perçues comme cause du désastre social actuel. Ce faisant, il consacre le statut des hétérodoxes défini par l’opposition aux néolibéraux, mais escamote totalement les fondements écologiques de la société et de son économie. Pour eux, le désastre provient des néolibéraux, et non du paradigme économique dans son ensemble.
Pour sortir du désastre cherche à signaler aux hétérodoxes les limites de leur approche, fournissant des perspectives sur les fondements du changement de paradigme.
Une version pdf du texte complet des articles parus dans GaïaPresse se trouve sur ce site, pour les lecteurs comme moi qui ne peuvent y voir les illustrations.
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Il y a déjà plusieurs années que je ne crois plus en la pertinence des actions individuelle et privée des écologistes. L’inertie généralisée puise sa source selon moi dans la démagogie déployée pour nous convaincre des bienfaits de la vie bourgeoise (élitisme et consommation). Cela dit, l’essentiel de mon propos est dans les solutions plutôt que de trouver des coupables. La vision catastrophique que vous présentez, après votre sentiment d’échec, après des années d’engagement et d’implication, est typique et très repandue dans la population. Il est pour moi impossible de vous expliquer en quelques lignes l’idée que je développe et creuse seul depuis des années. Mais la solution existe et elle ne sera possible que lorsque qu’un nombre important de la population se radicalisera pour le progressisme de la démocratie. Vous savez,il m’est inacceptable de vivre sur une planète « dépolluée » sans être libre et égaux.
Il n’y a rien de plus écologique qu’un bateau négrier voguant dans la mer des Antilles…Petit phrase pour les écolos.