Long article couvrant plusieurs interventions récentes en matière d’énergie dans un contexte de questionnement sur une transition qui vient, ou qui ne vient pas. Trois d’entre elles ciblent une abondance perceptible dans le domaine de l’énergie : un rapport spécial de The Economist; les conseils en finance de Jeremy Grantham; Jeremy Rifkin et la société de collaboration en émergence. Les trois sont impressionnés par les énormes progrès dans les technologies touchant les énergies renouvelables, surtout la solaire. Rifkin et Grantham soulignent d’importants risques associés à la vison d’abondance. Finalement, ces interventions négligent toutes la question de rendement énergétique et les énormes investissements requis (avec de l’énergie fossile) pour fournir les infrastructures nécessaires pour la transition vers une nouvelle société.
Il est assez impressionnant de voir jusqu’à quel point les objectifs mis de l’avant par le mouvement environnemental pendant des décennies ont maintenant la cote. On voit ceci avec l’adhésion à l’économie verte par l’ensemble des institutions internationales, par une reconnaissance des crises environnementales longtemps l’objet de déni (et qui continuent à croître en raison du dysfonctionnement du système économique actuel). De façon plus ciblée, on le voit par la reconnaissance de la nécessité de comptabiliser les externalités et par l’envol des interventions en matière d’énergie renouvelable. On n’a qu’à suivre la revue de presse Enjeux énergies et environnement pour voir l’envergure de ce dernier aspect de la situation.
Depuis la publication de mon dernier article, j’ai revisité la question de la baisse du prix du pétrole avec une mise à jour du travail de Jeremy Grantham, financier américain associé à GMO dont j’ai utilisé les analyses dans l’article qui a débuté ce blogue, où il a souligné une tendance permanente à la hausse pour le prix des commodités. J’étais en même temps en train de finir The Zero Marginal Cost Society : The Internet of Things, the Collaborative Commons and the Eclipse of Capitalism, le plus récent livre de Jeremy Rifkin. Finalement, j’ai consulté un rapport spécial sur l’énergie et la technologie (17 janvier 2015) du magazine britannique The Economist qui couvre un ensemble de tendances actuelles dans le secteur de l’énergie: technologies des énergies renouvelables; de nouveaux modèles d’affaires qui ciblent la gestion de la demande; efficacité énergétique; perspectives pour l’Afrique.
Abondance ou contraintes?[1]
The Economist, fidèle à ses orientations de base manifestes dans d’autres rapports spéciaux et dans le magazine en général, voit dans ces tendances des perspectives qui lui permettent de croire que le système lui-même n’est pas en danger, que des innovations technologiques en ce qui concerne les énergies renouvelables permettront peut-être d’éviter la catastrophe. On sent comme contexte pour le rapport la reconnaissance par les Européens des défis critiques en matière d’énergie : nucléaire vieillissante, dépendance envers la Russie pour le gaz, absence de gisements de pétrole (la Mer du Nord étant en déclin), gisements de charbon qui ne répondent plus aux exigences environnementales minimales. (suite…)
by Lire la suiteTout effort de comprendre ce qui se passe actuellement avec le prix du pétrole doit se situer dans les tendances long terme dont il est question assez souvent dans mes articles, et cela comporte une prise en compte de (i) les réserves actuelles et (ii) le prix de leur exploitation. De plus, il faut situer les analyses de ce qui occasionne cette baisse de prix dans le contexte plus général, la dépendance des économies du monde au pétrole et les perspectives de transition.
Dans leur livre de 2012 Drilling Down: The Gulf Oil Debacle and Our Energy Dilemma, Joseph Tainter et Tadeusz Patzek fournissent des images de la situation en se fiant à l’Agence internationale de l’énergie (AIÉ) pour les données et les projections.
Ce graphique permet de situer ce qui se passe aujourd’hui : les producteurs actuels (le bleu foncé) vont voir leurs réserves décliner sensiblement d’ici 2030 – dans seulement 15 ans – et pendant cette période il va falloir trouver, contre toute l’expérience des dernières décennies, de nouveaux gisements (le bleu pâle) pouvant produire en 2030 l’équivalent du pétrole conventionnel produit aujourd’hui. Le graphique distingue entre la production de pétrole conventionnel et non conventionnel, mais le conventionnel inclurait les gisements en eau profonde (comme Deepwater Horizon de BP) et le non conventionnel est représenté par le pétrole de schiste et les sables bitumineux (le vert). Les pays producteurs comme l’Arabie saoudite épuiseront une bonne partie de leurs réserves pendant la période.
Tainter et Patzek fournissent une image complémentaire à la première pour souligner l’importance du défi: les lignes horizontales représentent d’importantes sources actuelles de pétrole; les courbes donnent une indication de la production requise pour compenser le déclin de la production venant des réserves actuelles : (suite…)
by Lire la suiteLors de mon troisième voyage en Chine, en 2011, j’étais accompagné par une nièce très intéressée par les questions de développement international. L’an dernier, elle a poursuivi un intérêt de longue date et a fait un voyage en Inde. Tout récemment, une autre nièce qui suit mes pérégrinations m’a donné en cadeau un livre, Lumières d’Afrique, de la journaliste de la Société Radio-Canada (SRC) Sophie Langlois. Cette nièce ne comprenait pas mon intérêt pour la Chine, et proposait que je visite d’autres pays, pourquoi pas, en Afrique.
Critères de choix pour un voyage
J’ai eu le privilège de visiter un bon nombre de pays, au fil des années, et l’expérience a été très enrichissante. Depuis un certain temps, je voyage moins, et avec une bonne dose de culpabilité, sachant que les émissions qui y sont associées sont très importantes. Je me suis déjà formulé une approche de triage théorique face à la situation, classant l’Inde, avec sa démographie hors de contrôle, et l’Afrique, avec ses incapacités généralisées, comme des régions du monde où il n’y pas d’espoir pour une gestion de la transition qui va s’imposer face aux effondrements qui s’annoncent.
Des lectures sur l’Inde l’été dernier en suivant l’expérience de ma nièce ont bien enraciné mes perceptions de ce pays où la vaste majorité de la population vit dans la pauvreté plutôt absolue et où le nombre des pauvres va augmenter par des centaines de millions dans les prochaines années (augmentation nette de 20 millions par année). Comme ailleurs, une petite proportion de la population participe à la vie des pays riches, mais les perturbations susceptibles de venir des inégalités grossières mettent cette vie à risque. J’ai donc lu avec intérêt le livre sur l’Afrique, illustré par de superbes photos du conjoint de Langlois, Normand Blouin. J’avais déjà visité le Kenya, suite à l’écoute d’une entrevue suggérant qu’en raison surtout de la croissance démographique de ce pays (et de la Tanzanie), sa grande faune risque de disparaître d’ici peut-être vingt ans. J’avais également visité à deux reprises Madagascar (pas tout à fait sur le continent…) dans un effort sans succès de développer des projets ciblant la conservation de la biodiversité endémique et en péril de cette île. Avec mon épouse, j’ai aussi visité le Maroc, histoire de me tremper quelque temps dans un pays musulman (pour une réflexion complémentaire à celle de cet article, cliquer sur la carte).
Et l’Afrique – sub-Saharienne
Le livre a réussi à stimuler une nouvelle réflexion sur l’idée de (re)visiter ce continent. Le livre présente ce que Langlois appelle des «histoires méconnues», alimentée par les reportages qu’elle a faits pendant son mandat couvrant plusieurs années, avec base au Sénégal, et par des sélections de son blogue écrites pendant ce temps. Les histoires sont souvent émouvantes, mettant en évidence l’énorme souffrance des habitants de nombreux pays africains. Le livre termine avec une réflexion par Langlois sur l’aide humanitaire qui n’a pas réussi à gérer ce défi au fil des décennies, du colonialisme d’abord, de l’impérialisme économique des pays riches (et maintenant de la Chine) ensuite. (suite…)
by Lire la suiteRésumé: Les prévisions économiques sont largement reconnues comme peu fiables, même si les décideurs s’y fient souvent. L’idée d’un bilan de ces prévisions pour 2014 n’est peut-être donc pas géniale. Reste que les journalistes dans le secteur font beaucoup plus que le jeu de prévisions. Ceux du Devoir ont souligné en début d’année la faiblesse des attentes pour la croissance économique. Par la suite, ils ont noté que des éléments structurels de l’économie font que nous ne devons presque plus nous fier au PIB comme indicateur, et la croissance comme objectif. L’élection d’un gouvernement libéral, avec son équipe économique, a fourni l’occasion de souligner de nouveau les défis face à des promesses jugées jovialistes. Un regard sur des constats similaires à l’échelle des institutions internationales finit par faire d’une «nostalgie de croissance» presque le thème de l’année. La question devient alors comment gérer les défis, comment faire face intelligemment aux risques identifiés par le Forum économique mondial de Davos. Plusieurs citations fournissent matière à réflexion, tout comme les articles eux-mêmes.
Au début de l’année 2014 je me suis occupé à inscrire pour relecture en fin d’année des textes de trois journalistes en économie du Devoir, les journalistes étant parmi nos meilleures sources de perspectives sur la situation économique de la province, du pays, voire de la planète. Je notais depuis longtemps ce qui semblait être une tendance de la part des journalistes en général à se tromper dans leurs projections et je me suis dit que j’allais vérifier pour une fois, tout en recherchant – surtout – matière à réflexion en fonction du recul fourni par une année passée. Les textes que j’avais retenus pour relecture dataient du 4 janvier au 15 février, et la nouvelle période de réflexions similaires débute ces jours-ci pour 2015. Je comprenais bien qu’un recueil de texte de La Presse fournirait un portrait sensiblement différent.
À la relecture de ces textes, ma réaction est tout autre que la recherche d’une validation des quelques prévisions qui s’y trouvent. Je suis devant ce qui est presque un roman, une série de textes écrits dans un cadre qui les définit tous, une réflexion sur le modèle économique en difficulté «temporaire» que les textes cherchent à mettre à jour, en essayant de mieux voir notre situation.
Éric Desrosiers rejette les comparaisons trop faciles avec des situations antérieures dès le départ, tout en ciblant de façon fascinante la tendance à la multiplication «d’enchaînements d’événements inattendus» (et il donne comme exemples de possibilités «une maladie infectieuse [qui] peut franchir des milliers de kilomètres en quelques heures seulement, [ou] la découverte et l’exploitation d’une nouvelle ressource d’énergie aux États-Unis [qui] pourraient, éventuellement, accélérer des changements politiques au Moyen-Orient» – pas pire comme « prévisions» !).
Prévisions court terme
Dans les textes que j’avais retenus, les prévisions sont finalement peu nombreuses. Parmi eux, un reportage sur les prévisions de la Banque mondiale par Desrosiers qui suggèrent «qu’une véritable reprise économique est en cours dans les pays à revenu élevé», surtout les États-Unis, où une croissance du PIB de 2,8% est prévue; la zone euro connaîtrait une croissance de 1,1% et l’économie mondiale de 3,4%. Dans un autre reportage, Gérard Bérubé couvre les prévisions du Mouvement Desjardins pour le Québec, selon qui la croissance serait de 1,8%, venant surtout des exportations, surtout aux États-Unis; le Canada connaîtrait une croissance de 2,3% et le dollar canadien serait à 94 ¢US à la fin de 2014. (suite…)
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