Aperçu de ce long texte: L’histoire du discours sur le développement durable au sein du gouvernement arrive à une sorte d’aboutissement qui frôle le ridicule. Alors que la Loi sur le développement durable est une de quatre lois cadres du corpus québécois, elle est mise en œuvre par le petit ministère de l’Environnement et un Committee interministériel sur le DD où plus d’une centaine d’organismes du gouvernement cherche à éviter que des engagements n’interfèrent avec leurs activités conçues sous d’autres auspices. Après une première Stratégie de DD presque gênante, voilà que le gouvernement est à la veille de l’adoption d’une deuxième. Clé de la démarche : aucun résultat, aucun engagement quantifié qui compromettrait l’indépendance du Conseil exécutif à procéder aux «vraies affaires», le développement économique on ne peut plus traditionnel dans sa conception et ses démarches. Le malheur est que l’énorme travail administratif impliqué détourne l’attention, de façon voulue, des dérapages des gouvernements successifs en ce qui concerne le développement qu’il nous faut absolument mieux planifier.
En 1987-1989, j’étais membre de la première Table ronde sur l’environnement et l’économie que le ministre Lincoln a réussi à faire créer, cela suite à la fin des travaux de la Commission Brundtland. Il était intéressant de noter ce qui semblait être le peu d’emprise sur le gouvernement des trois ministres gouvernementaux qui y siégeaient. C’était néanmoins une expérience valable, mettant en lien des représentants du secteur privé, du gouvernement ainsi que des ONG (le siège réservé à un autochtone n’a jamais été occupé).
Quand j’étais sous-ministre adjoint (au développement durable…) en 1991-1992, j’ai créé le Comité interministériel de développement durable (CIDD), regroupant une quinzaine de ministères. L’objectif était de mettre en place un système permettant de coordonner les activités au sein du gouvernement qui avaient une influence sur les processus de développement mis en œuvre ou encadrés par le gouvernement. Dès le début, il était évident que chaque ministère cherchait à mettre de l’avant ses bons projets, ceux qu’il croyait contibuaient déjà au développement durable. En complément à cette démarche à l’interne, j’étais secrétaire de la deuxième Table ronde québécoise sur l’environnement et le développement (lire : sur le développement durable). La Table était présidée par le ministre de l’Environnement, et les représentants du gouvernement s’y trouvaient minoritaires. Quand c’était clair que l’avenir de cette Table était plus que compromis, j’ai démissionné.
La Table n’existait plus depuis longtemps, mais le CIDD était toujours en place quand j’étais Commissaire au développement durable, en 2007-2008. Il était responsable, avec un petit secrétariat au ministère de l’Environnement, de la mise en œuvre au sein du gouvernement de la Loi sur le développement durable (LDD) de 2006 et la conception et la mise en œuvre de la Stratégie gouvernementale de développement durable (SGDD). Encore une fois, il était plus que clair que les «intérêts» des organismes gouvernementaux primaient sur la reconnaissance des défis du développement, défis qui méritaient la reconnaissance de crises.
J’en ai déjà parlé, et même à plusieur reprises, tellement l’histoire du «développement durable» au Québec est bâclée depuis ses origines prometteusses dans le temps du ministre Clifford Lincoln, à la sortie du rapport de la Commission Brundtland. L’histoire continue, mais elle est rendue aujourd’hui dans une situation ridicule tellement on a réussi à mettre le dossier sur la voie d’évitement, aboutissement des constats de faiblesse tout au long de l’histoire.
Une stratégie de développement «vraie», et l’autre
Le gouvernement a sorti le 28 février 2014 son rapport sur la première SGDD. Il n’y avait aucun moyen formel de produire un rapport selon les règles, et les responsables ont procédés à la rédaction d’un document d’information qui pouvait plutôt être associé à un ensemble de démarches qui rejoignaient les thématiques de la SGDD.
Puisque la LDD exige une stratégie en permanence, les responsables sont actuellement en train de peaufiner une nouvelle stratégie, après l’extension de deux ans de celle censée porter sur la période 2008-2013. La lecture du document fournissant un «projet» de stratégie est plutôt pénible, mais fascinante dans ce qu’elle fait réaliser de la pensée gouvernementale en matière de «développement durable». Finalement, et à l’instar des multiples usages du terme depuis un quart de siècle au Québec, la confusion y est presque totale.
Le «développement durable» était le terme (après traduction du terme «développement soutenable» dans le Rapport Brundtland) pour décrire les processus à l’échelle planétaire qui chercheraient à éviter des crises, à réorienter le développement de façon à le rendre respectueux des contraintes environnementales tout en prenant pleinement en compte les inégalités grossières qui existaient partout après des décennies du «développement» après la Deuxième Guerre mondiale. Le terme, l’effort, cherchaient justement à inclure les pays «sous-développés» parmi les bénéficiaires des activités menées en grande partie par les pays riches (lire : développés).
Les travaux gouvernementaux au Québec autour de cet enjeu planétaire réussissent à transformer les constats, et la vision, de Brundtland en un processus justement «gouvernemental» qui n’ose pas dépasser la conscience acquise par la population des crises identifiées depuis maintenant des décennies. Cette conscience est largement défaillante, tout comme le relais gouvernemental.
Finalement, en dépit d’un vocabulaire presque sophistiqué, les documents gouvernementaux concernant le DD (c’est le temps d’abréger le terme ici…) élargissent le sens de la «conscience environnementale» pour couvrir un ensemble de processus de développement, mais sans la réaliser, et en évitant scrupuleusement de cibler le véritable développement du Québec : on ne cherche pas à planifier notre développement pour qu’il puisse se maintenir dans le contexte de contraintes majeures, mais on met plutôt en place un processus d’action gouvernementale qui a l’air d’être bon, voire vertueux, en ciblant une amélioration écolo de l’ensemble de nos activités. Contrairement aux travaux de Brundtland, le processus aujourd’hui se déroule presque en vase clos, sans contexte approprié. Entre autres, le processus est jugé bon s’il tient compte de facteurs économiques, sociaux et environnementaux dans son ensemble, les défis du développement étant ramenés à une telle formulation, mettant en évidence qu’il faut qu’il tienne compte justement de l’ensemble. Presque comme leitmotif pour cela, le terme «écoresponsable» se trouve partout dans le nouveau document, complété par des références à l’économie verte et à l’économie circulaire.
Les «vraies affaires»
La véritable activité gouvernementale reste toujours une opération à part, menée par les politiciens et, en première instance, par le Premier ministre et son ministère du Conseil exécutif (MCE). Et nous savons que, comme c’est le cas depuis belle lurette, cette opération cible les «vraies affaires», comme si les travaux de Brundtland étaient carrément chose d’une autre ère. J’ose croire que bon nombre d’organismes consultés actuellement par la Commission parlementaire des transports et de l’environnement ont perdu tout sens de l’évolution de ce «dossier», même si certains y voient plutôt clair (le mémoire de Nature Québec, par exemple, est intéressant dans sa mise en question de tout le processus). Par contre, même ceux-ci cherchent dans leurs recommandations à ramener la stratégie au réel, sans réaliser que les gouvernements successifs ont délibérément dconnecté le processus du monde réel.
Il n’y a vraiment aucune raison de procéder à une analyse détaillée ni du rapport sur la première stratégie ni du projet de deuxième stratégie déposé en tout sérieux le 4 décembre 2014 à l’Assemblée nationale. Le tout est un exercice administratif en vase clos exigeant un travail administratif correspondant énorme (voir par exemple les dernières sections du projet de stratégie 2015-2020 sur les mécanismes de mise en œuvre), mais n’ayant aucune influence sur le processus de prise de décision du gouvernement. Je me permets la présente réflexion en me disant que la confusion est tellement totale, et tellement malhonnête pour ce qui est des intentions explicites de contourner les processus internationaux faisant suite au Rapport Brundtland, qu’il y a peut-être lieu d’espérer que les Québécois soient prêts à revoir la situation d’un œil averti.
En fait, pour le philosophe que je suis, la disparition de tout sens du terme «développement durable» invite à une réflexion… Je me permets donc d’esquisser quelques éléments de ce détournement de mandat, de ce déni d’une situation de crises reconnue par beaucoup mais objet de déni par les décideurs partout.
Une stratégie et une planification imprécises, une «valeur ajoutée»
Clé de ce détournement est la réponse fournie à ma critique formelle et officielle de 2007, à l’effet que la première stratégie ne respectait pas les règles minimales d’une planification stratégique promulguées par le MCE. «La stratégie 2015-2020 est la planification gouvernementale relative au développement durable» (p.13), apprenons-nous. Pourtant, je ne crois pas qu’il soit possible de trouver la différence entre le sens approprié de cette phrase et celle qui dirait la même chose, sans l’adjectif «durable» à la fin. «Durable» n’est plus un adjectif, mais un terme indissociable de celui, complexe, de «développement durable» lui-même.
La deuxième stratégie, sans le terme, est celle du gouvernement, qui passe normalement par le MCE et le processus de planification stratégique triennale encadré par la Loi sur l’administration publique (LAP). Elle influe directement sur notre développement, mais sans insister sur cela et sur le contexte mondial qui doit aujourd’hui encadrer tout effort de développement. La LAP a comme mandat d’instaurer «un cadre de gestion axé sur les résultats» et elle détermine explicitement et rigoureusement la planification gouvernementale. La Loi sur le développement durable, une autre des quatre «cadres de gestion» de notre corpus législatif, a été détournée dès son adoption en 2006, par un processus qui mériterait un travail de doctorat quelque part.
Une seule fois dans le projet de nouvelle stratégie, je crois, il y a mention de ce deuxième processus de planification, beaucoup plus encadré et beaucoup plus sérieux. La stratégie de DD «vise à établir des ponts avec les planifications gouvernementales d’envergure liées à ses orientations dans la perspective de les intégrer et de leur donner une valeur ajoutée», y lit-on (p.13, section 2.3.1)! Nous avons déjà vu la façon dont le processus peut éviter d’influer trop sur le processus de planification stratégique triennale du gouvernement (cliquez aussi sur le graphique) dans des interventions pour la première stratégie. Et voilà, les responsables de la stratégie de «développement durable» se rendent explicitement à l’évidence : ils ne peuvent prétendre proposer la planification gouvernementale du développement de la société, ayant été localisées quelque part dans les limbes de ce processus avec un «développement durable» qui n’a, finalement, plus aucun sens précis.
Dans la section 2.3.6, de façon plutôt surprenant, le document souligne justement «qu’il est très difficile, dans le cadre d’une stratégie gouvernementale horizontale, de s’appuyer sur une planification précise des ressources à consacrer par chacun des MO, et ce, sur une période de cinq ans. Conséquemment, il est risqué d’établir des cibles précises pour chacun des obectifs, les MO s’investissant à l’atteinte des objectifs de la Stratégie 2015-2020 à partir de leur plan d’action respectif et de leurs propres ressources financières, humaines et matérielles» (p.15). Étonnant et révélateur…
Le projet, en très bref
Non seulement la stratégie ne tient-elle pas compte d’éléments quantitatifs fondamentaux aux processus de planification gouvernementaux, elle ne tient pas compte non plus d’un cadre international quantifié, entre autres, par exemple, celui fourni par le dernier rapport du GIEC, mais également tout l’effort cherchant à quantifier les limites des ressources naturelles. Ainsi, par exemple, l’objectif 03 porte sur la gestion des ressources, mais dans un vide artistique et flou.
Le chapitre 3 porte sur la vision et les enjeux du développement [durable] pour le Québec. Dans la présentation de l’enjeu 4 (p.18), il y a une préoccupation pour les différentes générations, soulignant le défi du vieillissement de la population, mais il n’y a aucun effort de décider s’il y a des limites à respecter en matière de démographie. À cet égard, on peut lire : «quelques phénomènes démographiques importants au Québec tels que le vieillissement de la population, la migration interrrégionale et l’immigration … sont retenus comme des conditions déterminantes dans le choix et l’élaboration d’actions des MO», mais le texte ne s’y arrête pas pour présenter l’enjeu (p.14). L’immigration est mentionnée une autre fois, à la page 47, sans aucune réflexion. Y a-t-il une population optimale pour le Québec dans son développement?
En effet, le document est non seulement imprécis et non quantifié, il ne prétend pas fournir une approche globale aux défis du développement. «Le spectre d’intervention retenu n’inclut toutefois pas tous les thèmes et les sujets susceptibles de contribuer au développement [durable]» (p.14), mais seulement «les thèmes jugés prioritaires pour la période 2015-2020», sans que le document définisse les critères pour le choix des priorités. Et même lorsqu’une priorité se trouve associée à un des six enjeux, le flou reste. Et de toute façon, le développement [durable] n’est pas le développement planifié par le gouvernement.
Il y a huit grandes orientations établies par le projet de stratégie. La première orientation cible la gouvernance [de développement durable…] dans l’administration publique, alors que les sept autres se situent dans une «optique de mener des actions qui auront des effets dans les divers milieux de la société québécoise … [et de concourir à] réaliser le virage nécessaire au sein de la société face aux modes de développement non viable, en intégrant davantage la recherche d’un développement durable dans les activités gouvernementales». Il n’y a aucun moyen de voir comment le document traite du vrai «développement» de la société, même si, comme ici, l’idée est à l’occasion mentionnée. Le «virage» mentionné est celui que la LDD constate comme nécessaire dans son premier article, mais en soutenant l’intérêt de l’économie verte (ou même moins verte), le vrai gouvernement, la vraie stratégie ne placent même pas ce virage dans leur champ de vision.
Les orientations comporte 27 objectifs, et je me limite à quelques uns comme indicateurs de l’ensemble. Par exemple, deux éléments de l’«activité incontournable» 4 (p.36) qui vise un «accompagnement en développement durable» par le gouvernement des entreprises du secteur privé sont:
Il y aura des mesures prises, au moins une par chaque ministère ou organisme…
L’orientation 2 va jusqu’à viser «le développement [d’une économie prospère d’une façon] durable», atteignant peut-être le sommet de la confusion. Reste que l’orientation 8 souligne peut-être le mieux cette confusion. Le développement [durable] va «favoriser la production et l’utilisation des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique en vue de réduire les émisions de gaz à effet de serre». Le texte poursuit :
« Les causes des changements climatiques sont, entre autres, les modes de développement, d’organisation et de consommation de nos sociétés. … La présente orientation vise donc à favoriser les meilleurs chox en matière d’énergie en vue de réduire les émissions de GES» (p.64). On dirait que le vocabulaire (ex. «saisir les opportunités d’affaire») est celui du document de consultation de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, qui a fait une consultation en 2013 sur l’énergie et dont la rapport de 2014, faisant amende honorable, est aujourd’hui tabletté, faisant place à une nouvelle consultation qui n’y fait même pas référence. Ce qui est sûr est que la Stratégie 2015-2020 ne fera référence ni à l’une ni à l’autre de ces consultations, encore moins n’intégrera les éventuelles orientations gouvernementales dans le domaine de l’énergie. Y a-t-il des limites dans la production de nouvelles énergies? Les cibles du GIÉC doivent-elles être reconnues? Le projet de stratégie est presque risible à cet égard, et les organismes consultés, à toutes fins pratiques, bernés, tellement l’exercice se fait dans le vide. Quelques organismes y voient assez claire, comme Nature Québec dans son mémoire.
et une mise en œuvre
Le chapitre 5 sur les mécanismes de mise en œuvre fait réfléchir, tellement ceux-ci comportent un énorme travail administratif sans lien (ou presque) avec l’action gouvernementale. Il y a environ 120 plans d’action de développement durable dans les différents organismes gouvernementaux, avec une coordination assurée (toujours) par le petit ministère de l’Environnement (5.2.1, p.70). Le CIDD reste (5.2.2 p.71), et il y aura maintenant aussi un Comité directeur du DD (CDDD) (5.2.3, p.71), les sous-ministres en titre insérés dans le processus, même si le CDDD sera présidé par le sous-ministre de l’Environnement «visant la convergence des actions gouvernementales dans l’une ou l’autre des grandes missions de l’État», comme si ceci n’était pas clairement et de façon incontournable le mandat du MCE. Finalement (…), il y aura un Réseau des officiers et officières en développement durable (5.2.4, p.71) partout dans l’édifice.
Il y a même toute une section (p.77) sur les moyens interministériels mis en branle (sans mention du MCE) et comportant des indicateurs (i) de développement durable, (ii) du suivi de la Stratégie et (iii) des (quelques 120) plans d’action en développement durable de chaque organisme gouvernemental.
À travers la confusion, un déni méprisant
L’énorme travail administratif ainsi esquissé et comportant l’utilisation de ressources importantes partout dans les structures gouvernementales ne mènera nulle part, si l’on regarde ce que sont les défis du développement dans le XXIe siècle. Le tout cherche à s’assurer que cela brasse, qu’il y ait des activités (au moins une par chaque ministère ou organisme pour chaque objectif…) ayant l’air pur mais ayant perdu tout contact avec les défis. La LAP insiste, dans son premier article, que, pour affirmer «la priorité accordée … à la qualité des services aux citoyens», le nouveau cadre de gestion sera «axé sur les résultats et sur le respect du principe de la transparence». La présence de ces deux processus parallèles prétendant encadrer le développement de la société ne pourrait difficilement être plus opaque.
Quant à la LDD, elle détourne l’intention exprimée dans son premier article «d’instaurer un nouveau cadre de gestion au sein de l’Administration afin que l’exercice de ses pouvoirs et de ses responsabilités s’inscrive dans la recherche d’un développement durable». Le terme «développement durable» est devenu un outil d’obfuscation, mais assure un gaspillage d’énergies important à même le détournement de sens et d’intention.
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Je ne sais pas s’il est mentionné dans les travaux que vous citez, mais un autre concept est également en train de jeter la confusion dans les pratiques environnementales du gouvernement: il s’agit de «l’acceptabilité sociale».
Un projet pourra aller de l’avant si les citoyens, ou ceux qui s’expriment en leur nom, semblent majoritairement l’accepter, sans véritable égard aux conséquences environnementales du projet. Cette dérive est d’autant plus regrettable que cette «acceptabilité sociale» est de plus en plus obtenue par la manipulation, au moyen de promesses creuses ou d’omissions de plus oumoins grande ampleur.
On pourra aussi s’interroger sur la pertinence du BAPE, parce qu’il semble de mise aujourd’hui d’utiliser d’autres canaux (moins fondés sur la science) pour analyser et approuver les projets vraiment «importants». Pensons aux pipelines et à la cimenterie de Port-Daniel.
Non, cette notion ne figure pas dans les différents travaux que j’ai cités, mais cela ne fait pas une heure que j’ai été contacté pour une entrevue sur cette question précise, l’acceptabilité sociale des pipelines! J’ai indiqué dans ma réponse que nous avons été plusieurs à critiquer le recours à cette approche lors d’échanges célébrant le 25e anniversaire de Transfert Environnement en 2013. Je n’ai pas vu de suite à ces échanges. Dans mon expérience, l’approche remonte au début des années 1990, quand les promoteurs avertis savaient que c’était dans leur intérêt d’entamer des processus d’information et de sensibilisation (sic) auprès des publics cibles. J’étais responsable au ministère de l’Environnement pour les dossiers d’évaluation environnementale, et l’approche servait à préparer les éventuelles audiences du BAPE.
Votre critique me semble bien exprimée ici.
D’accord avec vous monsieur Gauthier. La nouvelle donne des politiciens dans ces dossiers est « l’acceptabilité sociale ». Je crois qu’ils ont tous sauté sur cette notion, car ils se sentent très à l’aise avec ce concept: se faire élire, cela aura toujours été de tout temps travailler et gagner « l’acceptabilité sociale » pour leur parti, pour leur personne.
Ils nagent dans ce concept depuis toujours comme des poissons dans l’eau. Tous les partis politiques ont recours aux faiseurs d’images. Dans les sujets environnementaux, les éléments scientifiques devraient avoir leur importance; de moins en moins hélas, maintenant qu’il suffira aux promoteurs de n’avoir à gérer que l’acceptabilité sociale des publics ciblés, pour qui les concepts scientifiques sont parfois du chinois. Travailler à gagner « l’acceptabilité sociale » c’est passablement plus simple à mettre en place: ils ont déjà sous la main les conseillers et les firmes de relations publiques pour cela.
Je n’aurais jamais la patience de lire et analyser tous ces documents qui portent sur le « développement durable », ces énoncés théoriques sur les politiques prioritaires sectorielles, etc. Je suis un peu allergique au fond à ce genre de documents, car je constate qu’il ne sont là que pour la forme, car au quotidien la gestion des affaires de l’État suit d’autres règles bien plus proches d’intérêts politiques et économiques immédiats.
Je lis cependant aujourd’hui avec intérêt l’analyse que vous en faites de ces rapports. Vous en avez une vision détaillée et globale que je n’aurai jamais. Ces questions sont de première importance; hélas, il y a dichotomie, un fossé énorme en fait entre les belles intentions mises de l’avant (parce que cela parait bien), et ce qui est dans l’action réelle des décisions du PM et du Conseil du trésor.
Je ne connais bien qu’un seul dossier, celui d’Anticosti, et ce petit exemple colle bien à la réalité que vous décrivez. Le gouvernement annonce pompeusement une ÉES en cours. Dans la réalité cette opération ne comporte pour l’essentiel que le plan d’exploration par forage que Pétrolia avait de toutes façon prévu de faire: http://rochemere.blogspot.ca/2015/02/exploration-pour-le-petrole-dun.html
C’est juste scandaleux de faire passer ça devant le public comme une ÉES-Anticosti.
Dans votre titre – Le «développement durable» au sein du gouvernement : la confusion est totale –
Je crois que la « confusion » est volontaire et sert bien le gouvernement.
Les analyses que vous décrivez ne sont pas à la portée du public moyen. Mettre sur pieds tous ces comités permet au gouvernement de superposer une image environnementale, dont le rôle au final est de masquer les actions et décisions plus concrètes (comme l’investissement dans la cimenterie de Port Daniel) prises en dehors de toute référence aux politiques environnementales. L’environnement VS « les vraies affaires ».
J’ai également été contacté aujourd’hui pour participer à un colloque sur la prise en compte du risque dans l’élaboration des politiques publiques énergétiques et environnementales. J’aurai un embarras de choix sur l’absence de cette prise en compte, et c’est presque le but de mon article alors que je mets l’accent sur l’obfuscation dans mon dernier paragraphe, en gardant son sens en anglais. C’est assez intéressant de voir ce que wiktionary.org fournit comme sens techniques du terme, en français: (i) stratégie de protection de la vie privée sur internet qui consiste à publier des informations fausses ou imprécises de manière à dissimuler les informations pertinentes et (ii) (en programmation informatique) technique qui consiste à rendre illisible pour un humain un programme, tout en le gardant pleinement fonctionnel.