Dans une note envoyée juste avant mon départ pour la Chine, Jocelyne Néron demande ce que je pense des travaux de Dialogues pour un Canada vert (SCD), dont la publication date de mars 2015 et que je ne connaissais pas. Voilà que je suis de retour, et je viens de consulter les documents produits par ce regroupement impressionnant de chercheurs universitaires canadiens de toutes les provinces et qui s’attaque au défi des changements climatiques. Précédent les travaux de SCD, le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIÉC) avait déjà publié son cinquième rapport, la première partie en septembre 2013, les deux autres en mars et avril 2014. Il s’agit du point de départ pour toute intervention dans le domaine, mais dans la foulée du rapport du GIÉC, je ne comprends pas ce que les chercheurs du SCD pensent être en train de faire.
Un contexte incontournable: le budget carbone
Le rapport du GIÉC de septembre 2013 établit la quantité totale de carbone que l’humanité peut se permettre d’émettre tout en se donnant une chance raisonnable de maintenir la hausse de température en dessous de 2 degrés. Peu après, en novembre 2013, Renaud Gignac a produit pour l’IRIS une note d’information portant sur ce budget carbon. L’étude part des travaux du GIÉC et introduit dans la réflexion, et dans les calculs, une orientation de contraction/convergence qui propose que toute intervention sérieuse en matière de changements climatiques doit tenir compte des énormes déséquilibres actuels entre les différents pays en matière d’émissions (et d’usage d’énergie, et de niveau de vie, et …). Cela en sus d’une prise en compte du budget carbone lui-même.
À l’échelle internationale, les travaux du Deep Decarbonization Pathways Project (DDPP) menés par Jeffrey Sachs et lancés pendant l’été 2014 partaient aussi avec l’engagement de respecter ce budget carbone calculé par le GIÉC. Dans la première version globale de la publication qui présente ses résultats, le DDPP en septembre 2014 n’était pas capable d’imaginer des propositions susceptibles de respecter le budget carbone pour l’ensemble de l’humanité. Le DDPP promet sur son site une mise à jour globale d’ici la fin de juin, mais rien sur le site ne suggère que les résultats ont changé. Le DDPP semble beaucoup plus sérieux que d’autres récentes interventions, comme celle de Risky Business menée par des milliardaires américains ainsi que l’initiative de la commission de Nicholas Stern et Felipe Calderon, New Climate Economy, que j’ai déjà commentés.
Le DDPP inclut une équipe qui travaille sur les possibilités pour le Canada de participer à cet effort international qui inclurait le respect du budget carbone dans les négociations pour la COP21 qui auront lieu d’ici décembre 2015. La première étape du travail était d’identifier le potentiel technologique pour respecter le budget carbone; une deuxième étape promise portera sur les coûts/bénéfices de telles interventions. Le groupe ne semble pas promouvoir une approche contraction/convergence, mais son effort d’intervenir au niveau mondial (il y a 15 pays ayant 70% des émissions globales qui sont couverts par le travail fait à date) semble fournir une approche complémentaire. Le défi: réduire les émissions per capita de 20,61 tCO2e/cap à moins de 2 d’ici 2050. Les réductions viendraient de deux sources principales: une réduction dans l’intensité de carbone dans l’utilisation d’énergie et une réduction dans l’intensité énergétique de l’économie elle-même (6-7).
Dans un tel contexte, le SCD est désappointant à plusieurs égards:
(i) SCD ne fait que mentionner le budget carbone et ne présente aucune cible quantitative tenant compte des travaux du GIÉC. Il n’est tout simplement pas possible de voir le lien entre leurs objectifs quantitatifs et ceux du GIÉC. Ils proposent qu’il est possible d’imaginer pour 2035 que la production canadienne d’électricité soit 100% fondée sur les énergies renouvelables (actuallement, les sources non fossiles représentent seulement 23% de l’ensemble), et qu’une réduction des émissions globales d’au moins 80% pour 2050 semble possible. Les références fournissent probablement les détails pour ces projections, mais nulle part n’est-il question du respect ou non du budget carbone comme guide pour leurs propositions.
(ii) SCD ne touche presque pas au défi de l’exploitation des sables bitumineux, proposant tout simplement que toute aide gouvernementale en soit retirée et qu’un prix sur le carbone soit établi. Comme tout le monde, SCD souligne qu’il serait plus qu’intéressant si des technologies de capture et séquestration des émissions s’améliorent et deviennent disponibles.
(iii) L’exploitation des sables bitumineux est presque exclusivement pour exportation, et leur consommation ailleurs n’affecte donc pas, directement, les émissions canadiennes. SCD ne semble d’aucune façon aborder la question de l’équité internationale soulignée par les travaux de l’IRIS sur le budget carbone, et faisant partie de la méthodologie du DDPP. Seule les émissions résultant de l’extraction et du raffinage rentrent dans leurs perspectives, d’après la meilleure lecture que je puis faire de leur publication.
Le document est guidé partout par la pensée de l’économie verte et, comme d’habitude pour cette pensée, n’aborde pas l’analyse des changements qu’il semble présumer en ce qui a trait aux contraintes sociales, politiques et économiques liées à la transition, qui se présente pour le SCD tout simplement comme faisable. Les politiques climatiques proposées sont censées avoir plusieurs caractéristiques : elles doivent être efficaces sur le plan environnemental, comporter un bénéfice net en matière de coût, être faisable sur le plan administratif, être équitable et être faisable sur le plan politique. Le document souligne que l’ensemble des propositions ne peut répondre aux 5 critères en même temps.
Pour situer ces critères, la note 46 réfère au texte de Jaccard et Rivers «Canadian Policies for Deep Greenhouse Gas Reductions», écrit pour l’IRPP en 2007, au moment de la publication du rapport précédent du GIÉC, et qui cible des réductions d’émissions d’environ 60% d’ici 2050. La référence confirme ma lecture des documents de SCD à l’effet qu’il s’agit d’une sorte de synthèse de propositions qui circulent depuis des années, tout à fait intéressantes, voir stimulantes, mais qui manquent une méthodologie partant des contraintes établies par le GIEC dans son cinquième rapport de 2013-2014, même si le document du SCD cible des réductions des émissions de 80% pour 2050 (27-28).
Quelques détails
SCD semble proposer de maintenir une grande consommation d’énergie, «simplement» convertissant l’économie et la société dans la transition et ayant comme objectif un recours aux énergies renouvelables pour décarboniser l’électricité; je ne trouve aucune indication d’un calcul quant aux émissions associées anx importants projets d’infrastructures ainsi inclus dans les orientations (mais voir la référence de la note 64 qui date de 2011 et dont un résumé est en ligne) ni d’une reconnaissance que nous consommons une énorme quantité d’énergie qu’il est difficile d’imaginer possible pour l’ensemble de l’humanité.
Tout le secteur du pétrole et du gaz se trouve encadré par SCD avec la proposition «d’intégrer le secteur de la production dans les politiques climatiques» qui comporte «une réglementation claire et cohérente avec la transition» (33), sans aucun détail que je puisse trouver. SCD s’attaque aux transports en ciblant de meilleures normes d’émissions, une électrification du transport routier, une diminution de la dépendance à l’auto privée et une amélioration des transports inter-cité et inter-modaux (34-35). Et elle met comme élément critique une amélioration importante de l’efficacité énergétique.
À titre d’exemple du défi qui ne semble pas pris en compte explicitement : le Québec propose de réduire ses émissions de 20% d’ici 2020 (c’était 25%, pour le gouvernement péquiste). Non seulement la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec a-t-elle conclu qu’une réduction de 15% pour 2025 semble être le maximum atteignable, mais les calculs de Gignac pour l’IRIS concluent qu’il faudrait une réduction de 40% d’ici 2020 pour arrêter de cumuler les déficits face au budget carbone. SCD ne semble pas regarder de tels détails.
Il y a une série d’orientations dans le chapitre 3 qui ciblent une amélioration de la biodiversité et de la qualité de l’eau et une transition vers des approches soutenables à l’agriculture, à la foresterie et aux pêches tout à fait dans la lignée de l’économie verte, qui ne fournissent aucune indication quant à ce qui pourrait changer les orientations actuelles. La section 3.4 souligne ce que nous savons depuis les premières pages, que SCD représente une intervention de scientifiques canadiens experts dans les domaines en question. La proposition dans 3.4 est de construire une gouvernance qui permetta la soutenabilité, et suivent des pages qui soulignent l’importance de la science dans la prise de décision et qui vont à l’encontre de près de 10 ans de gestion par le gouvernement conservateur.
Finalement, une autre intervention pour une économie verte
Il est intéressant de voir cette intervention d’universitaires canadiens qui ne sont pas bâillonnés par ce gouvernement, mais il y a du travail important qui reste à faire pour qu’elle soit une véritable contribution. Le document contient un ensemble de propositions tout à fait intéressantes mais ayant été le sujet de débats et d’analyses depuis des années, voire des décennies. L’absence de tout effort de quantifier sérieusement les implications de ces propositions, et surtout l’absence de tout effort d’intégrer les énormes contraintes imposées par le budget carbone et la nécessité de mettre en place un processus de contraction/convergence enlève presque tout l’intérêt du travail. N’importe qui qui a suivi le secteur connaît ces orientations (nous y travaillions à la Table ronde nationale en 2002-2005), mais le GIÉC nous met devant un défi qui n’a pas été inclus dans les débats antérieurs.
Acting on Climate Change: Solutions from Canadian Scholars reflète l’ensemble des documents qui soutiennent la volonté de voir arriver une économie verte. Le thème est explicite dans la Conclusion (53), tout comme dans la traduction française de SCD fournie par Catherine Potvin, une des auteurs du document, dans son chapitre pour le tout récent livre Sortir le Québec du pétrole[1] que je commenterai dans un prochain article. Elle y résume les travaux du SCD où il n’y a aucune analyse fournie pour suggérer ce qui pourrait bien changer les orientations des dernières années, des dernières décennies, qui ont rendu le développement durable un rêve du passé plutôt qu’une orientation d’avenir. Pour Potvin, ce vocable, transformé en «viabilité», serait pourtant censé comprendre l’idée «d’augmenter le mieux-être des personnes dans le respect de l’environnement» (p.64, mes italiques).
La Conclusion réfère également aux travaux de la commission de Nicholas Stern et Felipe Calderon et l’initiative du New Climate Economy, que j’ai déjà commentés. Encore une fois, l’ensemble représente des efforts fondés dans la science et dans l’analyse pour essayer de répondre aux énormes défis actuels. Comme SCD note à la toute fin, «plusieurs des orientations et actions proposées pourraient être mises en œuvre complètement dans les 15 prochaines années, s’il y a une volonté politique et des efforts d’engager des acteurs à travers tous les secteurs de la société» (mes italiques). La couleur rose de l’économie verte ne peut être plus clairement exprimée.
Ici au Québec, nous n’avons pas à regarder loin pour comprendre que de telles conditions n’existent toujours pas, pas plus qu’elles n’existent à l’échelle canadienne ou mondiale. L’ensemble des décideurs cherchent toujours la croissance comme objectif premier de toute intervention et les promoteurs de la croissance verte manquent toujours à l’appel quand il est question de montrer les changements dans les processus décisionnels qui permettent de croire à leur option.
[1] Sortir le Québec du pétrole, sous la direction de Ianik Marcil, Éditions Somme toute 2015
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Parmi les grandes villes chinoises, Xi’an – en raison de son quartier musulman, entre autres – et Shanghai – en raison de ces anciens quartiers survivant à travers le neuf – m’avaient le plus impressionné lors de mes visites précédentes. Une dernière journée de voyage cette année, à Shanghai, est prévue pour un retour à cette ville que j’avais trouvée attrayante. Ma vieille auberge de jeunesse est située pas très loin du Bund, le secteur anciennement celui des pouvoirs coloniaux, en marge de la rivière Suzhou qui s’y déverse à son extrémité nord. Je prends note rapidement que les bords de la rivière Suzhou ont eu un traitement à la façon de la rivière Saint-Charles à Québec, avec les rives canalisées et des plantations tout au long. Le parc semble être un petit paradis pour les joggers de la ville (à leurs risques et périls, reconnaissant la mauvaise qualité de l’air…), et je le suis tranquillement jusqu’au Bund, une petite heure de promenade.
Sur le Bund, je suis moins impressionnés que la première fois par les touristes qui s’y trouvent (presque en exclusivité, prenant leurs selfies et leurs photos des proches comme ils font partout). Les abords de la rivière Pu, où l’on a vu se construire environ 3000 édifices en hauteur en 20 ans pour créer le nouveau secteur (financier, entre autres) du Pudong du coté est de la rivière, en face du Bund, est toujours impressionnant, mais de nombreuses villes chinoises que j’ai maintenant visitées rivalisent dans le coup d’oeil quant au nombre d’édifices, dans leur hauteur, dans la densité de l’occupation.
Cette visite obligatoire faite, je me dirige vers les secteurs en retrait du Pu à la recherche de mes vieux quartiers. Il y a quelques rues dans les secteurs que je soupçonne surtout touristiques, assez près du Bund, qui gardent leur caractère. Il reste que, après deux ou trois heures de marche sans trouver ceux dont je me rappelle, je commence à réaliser ce qui est en cause. En 2010, j’avais visité un musée en bordure du Parc du Peuple où une maquette immense de la Shanghai de 2030 occupait tout le deuxième étage, et n’avait que du neuf. Voilà que me vient la réalisation que je suis justement en train de me promener dans des quartiers plutôt neufs, avec une nouvelle autoroute, de nouveaux musées et parcs – tout ceci a remplacé les vieux quartiers que j’avais trouvé tellement plaisants à visiter en 2010, et ceux-ci n’existent tout simplement plus. La maquette n’était pas seulement un rêve, mais un plan. Je n’ai pas de problème à comprendre la vie des gens aisés qui habitent maintenant ces quartiers, mais je me demande ce qui est arrivé aux résidents des anciens quartiers populaires.
En fin d’après-midi, je trouve une rue restant d’un ancien quartier, où justement les Range Rover et les Audi cherchent à se frayer un passage, passage qui leur sera plus facile sous peu… Un peu plus loin, je trouve des quartiers voués à la disparition, avec les ouvertures autrefois lieux des activités commerciales populaires maintenant placardées. Je trouve des quartiers résidentiels où il y a encore des résidents, mais des résidents qui n’ont plus les secteurs commerciaux juste à coté qui donnaient l’impression d’une communautés vibrante. Je trouve même un de ces marchés de premier étage qui occupe une superficie l’équivalente de celle de l’édifice, et où se trouve tout: légume, fruits, poissons, viandes, oeufs, pâtes, – tout, finalement, et une sorte de vie comme on trouvait dans les rues des anciens quartiers.
Comme je dis presque sans exagérer, toute la population chinoise veut vivre comme les Shanghaïens, et voilà, je suis en train de voir ce que cela signifie dans le quotidien. Convaincu en même temps que cela reste un rêve qui ne pourra se réaliser, ni en Chine ni pour l’humanité tout entière, je me rabats sur le questionnement de base: si l’on oublie le 1%, ou le 3% ou le 5%, qu’est-ce que la Chine nous montre quant aux possibilités? Le fait que les jeunes semblent quitter la campagne en grand nombre, le fait qu’ils ne trouvent pas d’emploi ce faisant, le fait que les édifices fantômes ne se remplissent pas parce qu’ils sont trop chers – un ensemble de phénomènes suggère qu’il y a une transition en cours qui manque de définition mais qui comportera une correction nécessaire par rapport au rêve…
by Lire la suiteEncore une fois, une sorte de travelogue, avec un peu plus d’apprentissage sur le plan du développement. Pour ceux et celles qui seraient peut-être intéressés par un petit récit venant des entrailles de la Chine. Je mettrai des photos en galerie à mon retour à la mi-mai.
L’espoir pour les deux prochains jours est de rentrer dans des régions où les mines de charbon dominent l’économie et la société, pour voir ce que cela donne. En parallèle, nous aurons l’occasion de commencer notre vrai contact avec le Plateau de loess. En 2011, j’ai survolé la région entre Baotou, dans la Mongolie intérieure, et Xi’an, dans le sud du Shaanxi, et j’étais frappé de voir, même des airs, une topographie complexe où l’érosion avait laissé ses marques partout, mais où il était clair que l’agriculture était pratiquée également partout. C’était le Plateau du loess. À Baotou même, nous avons vu une aluminerie alimentée en énergie par une centrale au charbon et une traînée sans fin de camions fournissant le charbon qui venaient du sud. Je m’étais dit que je reviendrais voir ce territoire.
Une consultation sur le web par mon guide indique que nous allons y trouver beaucoup de mines fermées sur notre trajet… Lors de notre effort d’acheter des billets de train pour Shan Yin la veille, la femme au guichet nous a même demandé ce qu’il y a voir à Shan Yin, pourquoi quelqu’un voudrait y aller…
Shan Yin
Les quelques heures en autobus nous montrent un paysage plutôt agricole, sans grandes installations. À l’arrivée, nous consultons un chauffeur pour planifier notre après-midi habituel, une tournée dans la région au bout de la route du bus, et le chauffeur se montre plutôt confus, sans pouvoir proposer un prix pour la visite: je n’ai jamais eu un voyage comme vous proposez, nous dit-il. Il est de la place, et ce n’est pas long avant qu’il ne commence à prendre goût à notre aventure, tout en soulignant que toutes les mines dans la région sont fermées. Nous allons entendre plusieurs explications de cette situation pendant les prochains jours: fermeture par ordre gouvernemental; fermeture en raison du faible prix du charbon; épuisement des gisements. La vingtaine de mines autour de Shan Yin ont été regroupées en trois grandes opérations et – apprenons-nous finalement – il y a une mine qui explique les camions qui passe: un de ses cinq puits fonctionne encore.
En altitude et plus au nord, nous sommes ici au début du printemps, les boutons des arbres à peine sortis avec leurs feuilles. Plusieurs arrêts en route nous fournissent une explication préliminaire des paysages pittoresques, marqués par des sortes de terrasses qui ne sont pas, selon le chauffeur, dans le loess et qui doivent composer plutôt, d’après ce que je comprends, avec la présence de pierres. Ce sont par ailleurs un fond rocheux dans les montagnes que nous traversons qui distingue la région de celles où nous trouverons le loess. Reste que nous voyons des plantations un peu partout, certaines «artificielles», d’autres avec de la végétation indigène, suggérant que l’érosion est connue ici aussi. Certaines longues pentes douces, toujours quand même entrecoupées de ravins, se trouvent sans plantations, et le chauffeur nous dit qu’elles resteront comme cela, étant privées… Autre élément du paysage: de nombreuses grandes éoliennes le long des crêtes qui ne tournent pas et qui, selon le chauffeur, n’ont jamais tourné depuis leur installation il y a trois ans. Explication au mieux partielle: les gens préfèrent utiliser le charbon…
Finalement, l’après-midi de cinq heures se transforme et s’adapte. Nous prenons bien note de plusieurs mines qui n’opèrent pas, nous montons sur la colline par-dessus celle qui opère, presque en cachette, pour voir ce qui peut se voir de l’extérieur. Plus intéressant, plus important, nous visitons trois villages, dont l’un, Beizucun, est averti de notre arrivée par le chauffeur, et où nous échangeons avec une trentaine de villageois sur leur situation. Ce sont des fermiers cultivant surtout du millet et des pommes de terre, ce qui explique qu’ils s’y trouvent encore, tout près de la mine partiellement ouverte. Les jeunes du village ont dû quitter faute de travail, même si quelques uns sont en visite justement cette journée de fête nationale. Et le chauffeur nous explique la présence de tout ce monde en plein sur le chemin: ils sont en train d’exiger un paiement de 50 yuans par camion pour l’utilisation de la route du village, la seule qui mène à la mine. D’après le chauffeur, ils obtiennent plus de revenu ainsi que par leur travail.
Nous visitons aussi le «nouveau» village qui, il y a une trentaine d’années, a permis le déménagement des résidents du «vieux» village qui paraît toujours de la route, et qui est carrément dans la tradition architecturale du Shanxi. Il s’agit de portes d’entrée courbées dont la forme s’explique par l’origine de la tradition, les maisons troglodytiques creusées à même les falaises du Plateau de loess et dont la courbe d’entrée, continuant à l’intérieur, représentait sûrement la meilleure façon de protéger les résidents d’effondrements des toits intérieurs. Peu importe qu’il soit «nouveau», ce village a subi les mêmes impacts que les autres, une bonne partie de la population ayant été obligée de partir pour la ville, faute de travail.
Nous suivions pendant la journée une nouvelle autoroute qui traverse la région de Shan Yin dans les montagnes; notre départ le lendemain nous oblige de faire près d’une demi-heure en taxi pour atteindre la nouvelle gare ferroviaire, loin dans la campagne. Il faut croire que le trajet avait d’autres priorités que de desservir directement la petite ville de 300,000 personnes, même si, quand les mines opéraient, l’ancienne route était presque impassable, selon notre chauffeur. Ces nouvelles infrastructures sont presque le pendant des «villes fantômes» dont nous avons observé la présence partout, même dans Shan Yin, phénomènes reliés à un boom dans la construction qui avait sûrement un lien avec la croissance phénoménale de l’économie chinoise depuis plusieurs années. Ici, les édifices restent inoccupés parce que trop chers, nous dit-on, comme on entendra ailleurs aussi.
Xuan Gang
Nous arrivons le lendemain à Yuan Ping avec l’idée de nous promener dans une autre région où le charbon est/était maître, mais nous constatons tout de suite que nous sommes en plein milieu de la vallée qui ne paraissait pas toujours clairement lors de notre montée vers Datong. Vérification faite, une région importante pour le charbon se trouve dans les montagnes vers l’ouest, à une cinquantaine de kilomètres, autour du village de Xuan Gang. On se dirige immédiatement vers la gare d’autobus, le chauffeur de taxi voit notre autobus déjà sorti de la gare, et nous y embarquons de la rue – il reste deux places… J’ai une place en avant, et puis suivre notre ascension dans les montagnes Tuolantuo Shan pendant le trajet de plus d’une heure. Il y a des camions de charbon sans arrêt sur la route, et je vois trois trains de charbon sur ce qui semble être une nouvelle voie ferrée.
Pas de taxi dans le village, nous marchons 10 minutes sur le chemin principal pour atteindre l’hôtel (ma «valise» se transforme en sac à dos qui, n’ayant qu’environ 35 livres, m’a permis les déplacements assez facilement un peu partout). Et nous voilà prêts à chercher un chauffeur pour nous montrer sa région. Il n’est pas long avant d’apprendre de lui que toutes les mines de charbon autour sont fermées, cette fois-ci en raison de l’épuisement des gisements. Il nous mène sur l’autre coté des montagnes Tuolantuo pour rentrer dans la vallée de Ningwuxian où nous apprenons que plusieurs mines opèrent, certaines ouvertes tout récemment. Au loin, une autre rangée de montagnes, les Guogin Shan.
En cours de route, nous obtenons une explication de toute l’activité. Les camions viennent d’Ordos dans la Mongolie intérieure (d’où venait sûrement les camions vus à Baotou en 2011) passant au Shanxi sur un pont du fleuve Jaune près de Baode et Fugu, que nous trouvons sur ma carte. Leur destination est la province à l’est du Shanxi, le Hebei, et nous n’avons pas besoin d’autres questions pour comprendre qu’ils alimentent des centrales au charbon qui fournissent l’électricité pour Beijing, pas très loin à l’est. Les camions sont pour le moment sur les routes de montagne en attendant qu’une nouvelle autoroute qui rejoindra Yuan Ping soit terminée.. Quant aux trains, ils viennent aussi de la Mongolie intérieure, et se rendent jusqu’à Dalian sur la côte du Pacifique. Il ne m’est pas clair ce qui se passe là, mais j’avais déjà appris que la Chine est pleinement engagée dans le commerce international du charbon, important et exportant selon les marchés et les besoins. Au tout début de la visite du Musée des mines à Taiyuan, par ailleurs, nous avons été informés que les trois régions de la Chine riches en charbon sont le Xinjiang, dans l’extrême nord-ouest du pays, où d’énormes gisements ont été découverts récemment, la Mongolie intérieure et, en troisième lieu, le Shanxi où nous nous trouvons mais où tout semble être fermé, ou presque. Le portrait se précise un peu, sauf pour le Shanxi, que j’avais choisi en raison de son importance pour le charbon…
Notre parcours est presque sans incident: quelques mines abandonnées, une qui opère et qui alimente une centrale thermique près de Xuan Gang, une rencontre avec trois paysans en train de semer des fèves sur une petite parcelle près d’une mine apparemment en opération. Cette dernière rencontre constitue une sorte d’introduction à la culture sur le Plateau du loess: la parcelle pourrait facilement laissée à l’abandon, mais est disponible alors que leurs propres terres sont plutôt loin. Comment ils se déplacent reste sans réponse. De retour dans le village, nous prenons notre souper là où nous avions dîné, choisi par mon guide parce qu’il veut absolument des nouilles et presque rien d’autre. Nous découvrons que c’est un restaurant maintenu par une famille de musulmans; un jeune homme est responsable de la fascinante préparation des nouilles à partir de paquets de pâte, cela presque en continu au fur et à mesure des commandes. La petite ville elle-même, même s’il y a de l’activité partout, a perdu beaucoup de sa population avec la fermeture des mines, plusieurs personnes rendues maintenant l’autre coté des montagnes où les mines sont en opération.
Lüliang
Nous partons le lendemain matin pour Lüliang, à environ 4 heures de route en autobus, passant une autre fois par Taiyuan. Lüliang, d’après mes recherches, serait le centre d’importantes activités gouvernementales touchant les programmes d’intervention dans le loess pour contrôler l’érosion. Suivant les pistes que j’avais trouvées, dès notre arrivée nous cherchons en ligne des universités où les travaux de recherche se font, mais sans succès. Des contacts le lendemain matin (le lundi) sont aussi infructueux. Nous sommes réduits à notre approche habituelle, mais après un premier contact avec un chauffeur possible, je réalise qu’encore une fois, nous sommes dans une assez grande ville (peut-être seulement 1 million d’habitants, difficile à juger tellement les sources manquent de précision) alors que je m’attendais à une communauté beaucoup plus petite; il nous faut sortir de la ville pour rejoindre la campagne. Il n’y a pas de loess dans les montagnes rocheuses au nord de la ville, apparemment, et il semble qu’il n’y en a pas plus au sud. L’échange nous fournit le nom d’une ville vers le sud et voilà que nous prenons celle-ci comme destination. Une heure plus tard, nous sommes à Zhong Yang. Sauf que nous sommes de retour dans le charbon…
L’échange avait indiqué que Zhong Yang n’était pas une belle ville et que nous allions avoir de la difficulté à y trouver ce que nous cherchions, une région du Plateau du loess. En effet, je n’ai jamais vu une circulation de camions aussi intensive et, avant de débarquer de l’autobus, nous longeons pendant plusieurs kilomètres l’aciérie dont on nous avait parlé. Le tout est à une échelle chinoise, les camions sur une ou deux voies sur des kilomètres – et, confirmé par le chauffeur, cela à l’année longue. Une visite des installations en Mongolie intérieure complèterait en quelque sorte le portrait, là où – contrairement aux provinces de Shanxi et Shaanxi et ailleurs en Chine – les mines sont à ciel ouvert. Et je dois bien admettre que je pourrais plus facilement me rendre dans les Appalaches pour voir ce qui se passe plus près de chez nous plutôt que de me rendre jusqu’en Chine pour le spectacle. Aux États-Unis, je comprends que la moitié de toute la marchandise transportée sur les voies ferrées est du charbon; on me dit qu’en Chine une partie de la justification de la construction des voies de TGV était pour dégager les voies nécessaires pour le transport du charbon à travers le pays…
L’échange entre le guide et le chauffeur de taxi avec qui nous établissons le contact au bout de la route du bus – on sent que la poussière de charbon est partout – est plutôt long, et encore une fois, il ne comprend pas bien ce que je voudrais faire (pas plus qu’un jeune avec qui nous échangions sur l’autobus même, les deux ne pouvant penser qu’à du tourisme). On s’entend pour un essai et on part. Premier arrêt, après 15-20 minutes de route: un site où arrêtent les touristes pour voir je ne sais quoi. L’échange reprend, et voilà, le chauffeur nous invite à visiter un village qu’il connaît; j’indique que cela m’intéresse, et nous repartons – au début, à travers les camions sans arrêt – pour un autre secteur. Et pendant encore quatre heures, nous quittons le charbon et l’aciérie pour une visite de la région. En route, nous voyons des flancs de montagne couverts de forêt et, presque toujours, il s’agit de forêts naturelles et là depuis longtemps, selon le chauffeur.
Le chauffeur connaît les gens dans au moins deux villages, et nous avons le privilège de non seulement voir le vieux et le nouveau mais d’entrer encore une fois en contact direct avec les gens, de visiter leurs maisons troglodytiques anciennes (dans la falaise) ou récente (comportant le même arrangement à l’intérieur, mais avec façades plus modernes). Au premier village, les nouvelles maisons se situent carrément dans la zone de culture, chose interdite dans le passé, mais certainement plus facile pour la vie quotidienne que celle dans les falaises mêmes. Ce chauffeur aussi insiste qu’il n’y a pas de problème d’érosion, que le loess est plutôt ailleurs mais il nous rend dans les hauteurs, dépassant les montagnes justement rocheuses pour atteindre une sorte de plateau et ce que je crois bien être un élément du Plateau de loess. En 2011, un paysan dans la Manchourie m’a donné un épi de maïs en guise de reconnaissance; cette fois-ci, ce sont deux pommes de terre qu’une femme m’offre quand je décline son invitation d’arrêter manger.
Je venais de visiter l’équivalent, en mieux, de Lijiashan, prochaine étape prévue sur notre itinéraire, soit un vieux village de maisons troglodytiques devenu un objectif de tourisme (les touristes doivent s’y rendre à pied, d’après mes recherche Google, mais ceci est contredit plus tard à Qikou, où notre chauffeur offre de nous y rendre). Non seulement avons-nous visité un tel village, mais nous avons échangé avec de vrais résidents (connus d’ailleurs par notre chauffeur). J’avais eu le même privilège en 2011 à Yan’an, dans le Shaanxi juste à l’ouest, et c’était aussi émouvant. C’est une nouvelle expérience pour mon guide, par ailleurs, qu’il semble apprécier.
Les grands champs de culture dans les hauteurs ne semblent pas être le vrai Plateau de loess, ce que le chauffeur nous dit, tout en insistant que ce sera plutôt du coté du fleuve Jaune et du vieux village de Qikou devenu lui-aussi un site touristique que nous trouverons les phénomènes du loess. Nous terminons la visite avec un arrêt à chacun des 10 points d’entrée de l’aciérie, sans pour autant bien distinguer les étapes du processus qui sont derrière l’étendu de l’installation et sans même que mon guide ne réussisse à comprendre mon intérêt.
Qikou et le Plateau de loess
Mes plans ont changé en cours de route. Nous ne ferons pas une deuxième journée autour de Lüliang, mais partirons dès le lendemain pour un aller-retour à la région de Qikou. En dedans de 15 minutes d’autobus en direction ouest le lendemain matin, nous voilà dans le Plateau de loess reconnaissable, et cela continue – on m’a donné un siège à coté du chauffeur pour mieux voir – pendant les deux heures du voyage. Je sais trop bien ce qui m’attend à Qikou même, et nous visitons le village à l’envers, d’abord passant dans les ruelles du vrai village habité, assez intéressant, pour nous rendre à la section transformée en accueil touristique, où le vieux devient ici encore du nouveau vieux. La planification de la transformation du village s’étend de 2008 à 2025, et il reste encore beaucoup à faire; le tout a commencé près du fleuve, et nous voilà encore une fois, à la frontière ouest du Shanxi, au bord du fleuve Jaune, à la limite ouest de mon voyage cette année et prêts à rebrousser chemin.
Un contact avec un chauffeur potentiel dans le secteur touristique n’aboutit pas, sans surprise, et nous nous dirigeons de nouveau vers le secteur encore dans son état normal. Un chauffeur que nous y trouvons accepte l’idée d’une visite de peut-être trois heures, et nous partons vers les hauteurs par où nous venons d’arriver en bus. Le chauffeur connaît le coin et nous voilà partis cette fois-ci pour des visites de villages carrément installés sur le loess, où les champs – et les villages mêmes – sont entrecoupés de ravins tels que nous avons vus dès les premières heures dans le Shanxi sur le TGV en direction de Taiyuan. Ni le chauffeur ni les résidents ne reconnaissent de sérieux problèmes d’érosion, et nous ne pouvons que contempler la complexité de ce que j’avais vu des airs en 2011: des champs coupés par des ravins, cultivés jusqu’en bordure de ces ravins, les fonds des ravins reconstitués en champs faits par les sols érodés au fil des décennies, sinon des siècles ou millénaires. Nous sommes en contact direct avec ce que les gouvernements de différents niveaux cherchent à mieux gérer, la délicate opération de gestion de la culture dans ce territoire propice à l’érosion.
Nous apprenons qu’il est interdit de faire brouter les chèvres et les moutons, et nous les voyons dans des enclos. Nous comprenons que le gouvernement récompense les paysans pour le retrait de leurs parcelles de culture, mais nous ne voyons pas beaucoup de places où la culture semble abandonnée. Nous comprenons que de nombreux jeunes des villages où nous passons trouvent de l’emploi dans une mine de charbon (et une autre, de bauxite) assez près mais, comme ailleurs, les villages sont peuplés surtout des personnes plus âgées, les plus jeunes ayant quitté les lieux pour les villes. Nous demandons au chauffeur s’ils trouvent de l’emploi dans les villes, et il répond que non, le mieux étant des emplois précaires et peu rémunéré. Le portrait reste celui de l’ensemble du voyage, une migration à la grandeur de la Chine des jeunes dans les villages ruraux vers les villes, laissant en perspective un énorme territoire qui ne sera presque plus habité une fois les résidents actuels, plutôt âgés, seront disparus.
Ce n’était pas le portrait que j’avais retenu de mes visites antérieures, probablement influencées assez fortement par des séjours dans les régions des minorités. Et je n’avais pas posé toutes mes questions lors de notre passage en Manchourie en 2011, où les paysans récoltaient encore des milliers de kilomètres carrés de maïs à la machète. J’ose croire que là aussi les jeunes ont vu, au moins à la télévision, la vie plus facile que nous menons comme citadins.
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Comme pour les deux derniers articles, celui-ci est une sorte de travelogue, sans beaucoup d’apprentissage sur le plan du développement. Pour ceux et celles qui seraient peut-être intéressés par un petit récit venant des entrailles de la Chine. Je mettrai des photos en galerie à mon retour à la mi-mai.
Le TGV quitte Xinxiang pour faire 200 kilomètres vers le nord, changeant de direction à Shijiazhuang, capitale de Hebei, pour se diriger vers l’ouest. Nous quittons le Great Northern Plain pour monter sur le Plateau du loess. Les tunnels commencent tout de suite, et presque aussitôt les paysages qui paraissent entre les tunnels en montrent les signes: des ravins un peu partout et de plus ou moins grande profondeur, des petites plaines de sédimentation dans le fond des ravins, déjà en train d’être préparées pour la saison de culture qui commence. Partout aussi nous retournons au printemps, les arbres et les arbustes en fleurs ou en début de feuillage. Le voyage change d’étape.
Taiyuan
Taiyuan, capitale du Shanxi, se présente comme encore une autre grande ville – 4,1 millions d’habitants – et nous voilà prêts pour une nouvelle visite. La ville est réputée parmi les 10 plus polluées de la planète et des 4 plus polluées de la Chine, mais nous sommes presque exemptés de l’expérience – nous l’avions vu d’assez près à Zhengzhou, également sur la liste…
Le lendemain matin, c’est le Musée des mines qui nous attire, et nous voilà de retour à l’esprit de Zhangjiajie: le tout se manifeste avec le film de présentation, où je change de siège parce que je me crois responsable du mouvement – bien non, c’est plutôt le Musée, qui veut «animer» mon expérience, cela en lien avec des chaises, en mouvement ou non, qui rendent l’anglais en bas de l’écran illisible, le tout dans un jeu qui ne fait que souligner la banalité de la présentation et de la visite guidée, qui restent sur la surface tout au long des 90 minutes. Cela se termine en vantant les «villes de charbon» de la province, en commençant par Datong, notre prochaine destination.
Pour l’après-midi, j’avais demandé au guide de trouver un quartier où nous pourrions voir les gens dans leur vie quotidienne. Il propose le Liu Shan Jie, une rue piétonnière qui me fait craindre le pire, et c’est bien cela: un centre commercial tout le long de la rue. Sauf que les gens lui avaient dit qu’il y a des vieux quartiers tout près. Voilà, pour une rare fois depuis mon voyage de 2009 quand c’en était le thème, nous sommes témoins de la transformation de la vieille ville en nouvelle-vieille ville: il reste encore des rues et ruelles plus ou moins intactes, mais l’opération est en cours pour démolir le tout et le remonter en faut vieux-neuf. C’est Zhangjiajie presque revisitée, sous d’autres perspectives… Plutôt triste à voir, comme ce l’était en 2009, tellement les nouveaux quartiers ainsi créés manquent de l’activité normale des résidents.
Le retour à l’hôtel en fin d’après-midi nous apprend que nous sommes identifiés comme terroristes potentiels par les policiers à l’entrée, étant les trois seuls clients de l’hôtel à part les participants à une grande conférence officielle du gouvernement provincial. On nous exige de partir tout de suite, il y a ensuite sursis pour une nuit, et le lendmain matin notre statut est changé pour nous permettre de rester la deuxième nuit. Quelques frousses, du stress pour notre guide, mais en même temps presque du spectacle, comme celui présente par un vieil officiel accompagné au train à Xinxiang par deux soldats armés de AK47 et qui est débarqué justement a Taiyuan. Dans notre cas, il s’agit de gardiens prenant trop au sérieux leurs responsabilités et passant proche du délire.
Vers le nord: Datong
Le voyage de 4 heures en train normal, mais en compartiment de couchettes, est assez facile, et me rappelle un voyage de 2011 dans le Gansu, entre Lanzhou et Zhangye, en moins intéressant. On voit que les gens se préparent pour l’ensemencement des champs, et de toute évidence, ce sera du mais. Comme en 2011, c’est fascinant de voir les tombeaux, de toutes dimensions, qui se trouvent partout dans les champs. Par contre, le sens d’une vallée avec des chaines de montagnes qui dominait à l’ouest et à l’est dans la vieille partie de la Route de la soie que nous traversions en 2011 au Gansu est presque absent lors de ce voyage, même si Datong est décrite comme occupant un site stratégique sur le plan militaire en fonction de sa géographie. C’est également fascinant de voir l’étendue de la pratique de couvrir les semences de plastique, à la grandeur des champs, ceux-ci des fois presque à perte de vue.
L’entrée à la gare nous montre peut-être les maisons les plus décrépites que j’ai vues jusqu’ici en Chine, pire que celles près de la vieille gare de Zhengzhou, mais avec des antennes paraboliques sur tous les toits. L’air de la capitale du charbon est presque crystallin. Notre chambre, pour une quarantaine de dollars, est la double de celle ou nous étions censés être en train de comploter, et nous donne de bonnes perspectives sur la ville, dont une sur une de ses trois centrales thermiques, des nuages de fumée sortant de ses quatre cheminées à la journée longue.
J’ai choisi Datong pour l’itineraire parce qu’elle est la porte d’entrée des régions de production de charbon, mais aussi parce qu’elle est située à une demi-heure des grottes bouddhiques de Yunhang, remontant à plus de 1000 ans et ayant des statues en remarquable état de conservation, pourtant plus ou moins en plein air. Nous prenons environ deux fois plus de temps que ce que las gens de l’hôtel nous avaient suggéré comme prévisible, et c’est intéressant, mais difficile à voir justifier des dèplacements de quelques milliers de kilomètres – pour les Chinois – ou de peut-ôtre 15000 kilomètres – pour des Américains.
Mon neveu partira le lendemain, et nous décidons de continuer l’exercice touristique et de viser la Grande muraille, section Datong, pour l’après-midi. La Grande muraille s’étend sur 7000 kilomètres, et je l’avais dèjà vu de l’avion, je l’ai visite près de Beijing ainsi que dans son état de ruines tout près de son extremité ouest au nord de Zhangye. Nous entendons qu’il se trouve tout près de l’hôtel tout comme qu’il faut presque une journèe aller-retour pour s’y rendre. Nous demandons au taxi de nous amener au site tout près.
Il nous laisse à une grande porte dans des fortification évidemment recentes, mais où la solitude règne et où il n’y a aucune entrée ni prévue ni possible. Nous sautons dans un deuxième taxi, et voilà, il sait ce qu’il nous faut. Il nous laisse à l’entrée des fortifications nouvelles de l’ancienne ville – une partie terminée de ce que le premier taxi voulait nous montrer, mais à tort. C’est l’œuvre du maire Geng qui misait sur la transformation de sa ville comme capitale du charbon à une destination touristique de haut niveau. Finalement, on croit comprendre que les fortifications auraient été un chaïnon dans la Grande muraille, mais rien de l’original n’existe aujourd’hui dans la ville.
Du haut des fortifications, où nous sommes presque les seuls visiteurs, nous voyons, d’une part, toute l’activité commerciale liée aux travaux de re-création du vieux et, d’autre part, des petits quartiers qui sont sûrement ce qui a réussi à résister jusqu’ici au projet de démolition du maire Geng. Cinq minutes plus tard, nous sommes en train de passer dans les ruelles de ces quartiers, où des maisons intactes jouxtent d’autres plus ou moins démolies. Encore une autre expérience plutot triste, mais des échanges avec quelques résidents, dont un couple où l’homme est bien fier de souligner qu’avec ses 78 ans il est plus vieux que moi. Il y a passé toute sa vie et est convaincu qu’il va pouvoir y finir ses jours. Nous n’en sommes pas aussi convaincus…
À part la rue piétonnière commerciale, nous avons l’impression, comme un visiteur sur Internet, que les gens de la ville, voire les touristes, ne s’intéressent pas à la création stérile du maire Geng et sont tout à fait sans connaissance des survivants de la vieille ville.
Un dernier musée/mine
En préparation pour quelques jours de visites dans le centre du Shanxi à la recherche de connaissances bien préliminaires d’une société fondée sur l’exploitation du charbon, nous nous dirigeons le 30 avril vers la seule mine en activité aoutour de Datong, et qui offre une visite de l’activité sous terre. C’est bien la mine que nous voyions la veille en visitant les grottes, une mine gouvernementale et la seule qui n’a pas été fermée dans la foulée des efforts de reconnaitre les impacts du charbon…
En arrivant, nous apprenons que la mine est fermée, mais qu’elle sera ouverte le lendemain, fête nationale du travail et journée où nous pensions quitter la ville pour rentrer à la campagne. Peine perdue, même en imagination: ils me permettent une entrée gratuite au musée, qui est ouvert, mais ils m’informent que toute personne agée de plus de 60 ans est interdite accès à la visite sous-terraine… Une visite du musée nous donne bien l’impression que nous ne trouverions pas de présentations intéressantes de toute façon avec la visite souterraine publicisée.
… et un dernier geste touristique
Nous abandonnons donc cette introduction souhaitée à l’activité minière et – face à un après-midi libre – nous décidons de suivre la suggestion des gens de l’hôtel, qui nous avaient déjà parlé de la Grande muraille… – à l’effet que le monastère bouddhiste Huayan mérite visite. Je sais d’avance que je ne sais pas comment rentrer dans une enceinte bouddhiste, ici davantage compliqué par les quelque trente édifices sur le site, et je me trouve aussi dépourvu cette fois-ci que lors d’autres tentatives. La plus vieille structure en bois de la Chine et un édifice où se trouve des reliques quelconques – dans une structure faite de plus de 100 tonnes de cuivre – impressionnent quand mëme…
Il s’agit d’une visite qui termine bien notre séjour à Datong. De l’intérieur du monastère nous voyons presque tout le tour un ensemble d’édifices des nouvelles-anciennes fortifications, l’entrée se trouve sur la rue commerciale qui constitue le seul lieu d’activité de l’ensemble et dont notre visite nous en a presque isolés pendant quelque temps. C’est le temps de partir, le lendemain matin, en apprenant qu’il n’y a plus de billets pour le train, et nous irons â notre prochaine destination en autobus local, ma préférence…
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