C’était une expérience intéressante que de faire une entrevue de plus d’une heure avec Marie-Eve Tremblay, animatrice de l’émission Corde sensible, qui produit des balados pour Radio-Canada. Un premier balado tiré de l’entrevue vient de sortir, intitulé «La grande désillusion d’un environnementaliste de 88 ans». [À noter que j’ai 78 ans et non pas 88 ans; le titre a été corrigé, mais la narration n’a pas pu l’être.]
Mikaël Rioux y est comme contrepoids, et mon seul commentaire à cet égard est qu’il semble conclure de ma position que cela paralyse. Je suggère que deux livres et un blogue où paraît presque chaque semaine un nouvel article indiquent que mon constat en 2007-2008 qu’un effondrement arrive ne me paralyse pas.
En effet, la «désillusion» dont il est question dans le titre du balado est plutôt, je dirais, un constat de ce qu’est la réalité, l’abandon d’approches longtemps utilisées mais vues maintenant comme mal orientées et la poursuite de l’intervention d’une autre façon. Je me considère un «optimiste opérationnel», suivant une caractérisation que se faisait de lui-même Maurice Strong. La priorité aujourd’hui est d’intervenir en cherchant à préparer la fin d’un monde (et non la fin du monde) et le début d’un nouveau, pour citer le sous-titre de mon livre…
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Bonjour M. Mead, Je vous découvre avec cette entrevue et j’ai carrément honte. J’ai lu le premier livre de Pablo Servigne ainsi que Nourrir l’Europe en temps de crise. J’ai aussi lu le Petit traité de résistance de Cyril Dion, regardé toute la web série Next et voilà que seulement aujourd’hui, je découvre qu’une personnalité sérieuse de chez moi dénonce la même chose. Adepte convaincue de la décroissance, déterminée à mettre en place dans les mois à venir un projet d’autosuffisance avec mon mari, je suis heureuse d’avoir pris connaissance de cette entrevue que je vais relayer en premier à mes enfants mais aussi à ma famille. Je vais me procurer votre livre avec grand intérêt. J’aimerais savoir quand vous donnerez vos prochaines conférences. Au plaisir.
Mme Marquis,
Merci de la note. Il n’est pas toujours évident comment pénétrer la couverture des médias et d’autres et mon livre, bien couvert, ne l’a pas été à des émissions de grande écoute (sauf Les Éclaireurs). Bref, la honte n’est pas appropriée!
Je fournis les liens à mes deux dernières conférences, l’une lors d’un colloque du groupe de Simplicité volontaire à Québec, l’autre au Centre des arts Skol à Montréal, dans le premier des deux articles sur l’effondrement. Pour le moment, pas d’autres en vue, mais mon site contient une multitude de documents – articles, publications, conférences, etc. pour voir plus loin dans mes positions.
Effectivement, pas toujours bien visible en librairie le livre. Si vous êtes à Québec, il a été bien visible quelque temps à la Librairie Laliberté. Maintenant, il faut le demander au commis pour le trouver.
Pour ma part, n’étant pas du tout une économiste, j’ai dû me familiariser avec ces notions (contraction/convergence, etc.) et faire d’autres lectures parmi les auteurs cités, ainsi que Servigne que vous mentionnez. J’en suis maintenant à la relecture pour mieux l’intégrer.
Cette notion d’effondrement semble plus répandue et acceptée en Europe, même si ça reste marginal. Je me trompe? J’ai également l’impression que depuis quelques mois on entend des entrevues en ce sens dans les médias, ce qui n’était pas du tout le cas auparavant.
D’opposer Harvey Mead avec un quarantenaire, en ajoutant dans l’amorce de l’émission: « Pour les jeunes militants, qui n’ont pas 50 ans de désillusion derrière la cravate, où trouver la motivation pour poursuivre le combat? », c’est de créer un non-événement. Car ce sont précisément des quarantenaires qui aujourd’hui sonnent l’alarme de l’effondrement. Parmi eux, les « collapsologues » français et belges, Pablo Servigne, Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle, mais également l’astrophysicien Aurélien Barrau, ainsi que Cyril Dion, militant écologiste et coréalisateur du film « Demain ». Il ne s’agit pas ici de pessimisme, mais de réalisme. Poser un diagnostic réaliste sur des crises qui se profilent dans un horizon pas si lointain ne peut que permettre d’y faire face en prenant les bons moyens pour tenter d’en amoindrir les chocs. Je préfère une telle volonté de clairvoyance que le déni bon teint, mais qui en amenuisant les conséquences appréhendées, nuit à la prise de conscience collective. Or c’est pourtant ce que font trop de têtes d’affiche écologistes au Québec (voir https://lautgauche.com/2018/11/les-illusionnistes/ ).
Excellent texte sur lautgauche, M.Cotnoir. J’apprécie votre vocabulaire, ‘suranné’…
Parlant de Servigne, quelqu’un d’autre a visionné cet épilogue de la série NeXT où le réalisateur Clément Monfort interpelle directement les président et premier ministre français?
https://www.youtube.com/watch?v=lkDEnyIgGR0
Ça force la question: nos dirigeants pensent-ils être à l’abri des troubles sociaux qui viennent? Sont-ils victimes du « fortified mansion syndrome » ie « moi et mes enfants seront à l’abri dans notre maison gardées par des mercenaires privés et alimentée par une génératrice dernier cri. »
Encore bravo M. Mead pour votre persévérance (et votre patience devant tant d’ingénuité….). Cette entrevue donne à vos travaux une exposition certaine mais la forme m’agace: je crois comprendre que Mikaël Rioux et vous ne discutiez pas ensemble mais que le montage audio vous réunit, est-ce exact? Pourtant un échange aurait été plus fructueux, non?
Je trouve également que M. Rioux surestime l’importance de leur action vis-à-vis l’abandon d’Énergie-Est. Le coût faramineux du pipeline (et la faiblesse du baril) ont fait basculer les pétro-financiers vers le pipeline Trans Mountain (finalement supporté par Trudeau et la Canada Development Investment Corporation!).
Mais en effet, seule l’action directe et la désobéissance civile (je salue son courage) peuvent faire ouvrir les yeux et les consciences.
« où trouver la motivation pour poursuivre le combat »?
Mais ce n’est pas un combat! Il n’y aura que des perdants qui vivront une existence misérable. Principalement (si le passé est garant de l’avenir) dû aux guerres inutiles que les démagogues (et les marchands d’armes) ne manqueront pas de susciter durant les troubles qui viennent, à moins que l’on éduque nos jeunes à la paix (en instillant en eux l’horreur de la guerre).
à ce propos, j’ai été accroché par le mouvement Place publique qui ne cible pas principalement les changements climatiques mais aussi (et c’est là l’intérêt) les crises sociales qui en émanent. https://www.youtube.com/watch?v=b1w4t36ydOw
Les deux entrevues étaient faites séparément; on m’en avait avisé. Ce que je trouve intéressant est que Mikaël Rioux me donne raison dans l’analyse, mais semble penser que cela aboutit à la paralysie – d’où le titre de cet article -et il veut continuer à vivre la vie humaine. D’où mon argument dans le petit texte de l’article où l’insiste sur la distinction entre la fin du monde et la fin d’un monde.
Je suis bien d’accord avec l’argument à l’effet que le pipeline Énergie Est a été abandonné pour des raisons d’affaires et financières. Tout le mouvement d’opposition pense le contraire et tire de cela la motivation pour continuer. J’ai fait au moins trois articles sur ce dossier en cherchant à mieux situer le cadre pour l’action. Sans reconnaître ce cadre, international et touchant un ensemble d’enjeux, les interventions ressemblent plus à des réactions NIMBY.
http://www.harveymead.org/2016/03/12/energie-est-les-enjeux/
http://www.harveymead.org/2017/11/02/energie-est-sous-la-surface/
http://www.harveymead.org/2018/01/29/et-apres-labandon-denergie-est/
Et voilà, il aurait été en effet intéressant d’échanger avec Rioux pour insister sur la façon d’établir des priorités en matière d’action aujourd’hui.