Le 18 novembre dernier, Nature Québec a célébré son 40e anniversaire. Par un curieux hasard, le 17 novembre Radio-Canada a publié un court documentaire sur le 40e anniversaire de la création du Parc national de la rivière Jacques-Cartier. J’étais au coeur du premier événement, j’étais sur le tard dans le cas du deuxième, arrivant du Nouveau-Mexique, territoire de grands paysages et de grandes montagnes, en 1973.
J’ai grandi en Californie, et j’ai passé mon adolescence dans un état (voire un pays) où cela faisait longtemps qu’une vision de la conservation de certains territoires a abouti à un réseau de parcs nationaux (et même d’état) impressionnants. À l’âge de 16 ans, j’ai passé une semaine à faire du camping dans l’arrière pays du parc Yosemite, pas loin du réservoir Hetch Hetchy créé des décennies plus tôt par un barrage sur la rivière Tuolomne, pour fournir de l’eau à San Francisco. Pendant cette semaine, nous avons observé un éclair suivi un peu plus tard par du tonnerre: ils venaient d’exploser un test nucléaire dans le Nevada, pas très loin… Bref, il y avait du territoire conservé, mais il y avait beaucoup d’activité humaine qui en transformait sa nature progressivement. Pendant mes quatre années de collège, je faisais l’aller-retour tous les jours en passant par une forêt de Sequoias de deuxième génération que la route a conservée en suivant les contours de la vallée. À la fin de la période, ou peu après, toute la forêt a été coupée et les contours éliminés pour faire place à l’autoroute MacArthur.
Jean Bédard et sa communauté à Tewkesbury ont fait face à une expérience similaire, dix ans plus tard. La reconnaissance de la création du Parc de la Jacques-Cartier en 1981 souligne une dizaine d’années consacrées à un travail pour rendre cela possible. Jean est passé ensuite aux îles du Saint-Laurent, créant la société Duvetnor pour cibler la protection des oiseaux marins et la protection des îles qui leur servent d’habitat. De mon côté, j’ai poursuivi pendant 25 années des activités de plein air dans les aires protégées du Québec, dont plusieurs descentes en canot de la Jacques-Cartier, et pendant quatre décennies j’ai cherché les moyens d’éviter l’effondrement projeté par Halte.
La soirée de célébration de ses 40 ans chez Nature Québec était plaisante, incluant même l’attribution de la Médaille de l’Assemblée nationale à un des plus actifs du groupe depuis ses débuts, l’écologue forestier Louis Bélanger.
Durant la soirée, Alice-Anne Simard, la nouvelle directrice générale, a nommé membres honoraires à vie trois personnalités de l’organisme, dont deux anciens présidents (Harvey Mead, 1982-1989, 1994-2006; Michel Bélanger, 2006-2017) et son ancien directeur général Christian Simard (1988 à 1996, 2007-2019).
Le documentaire de Radio-Canada paru la veille termine avec la vision actuelle de Jean Bédard sur la situation.
C’est là la dualité du biologiste de 83 ans. Il a consacré sa vie à la lutte pour la protection du territoire.
Il va mourir en faisant ça, souligne son ami Jean Huot. Pourtant, Jean Bédard est depuis longtemps fataliste quant à l’avenir de cette planète, qu’il juge surpeuplée et malmenée par le genre humain. Il ne voit pas la solution.C’est évident qu’on est trop. On fait quoi? La biodiversité, ce n’est pas notre bataille. C’est l’Afrique, l’Asie. C’est le Brésil et la forêt amazonienne. Mais, tout à coup, on s’aperçoit qu’on est aussi fragiles. Tu regardes les grands feux dans l’Ouest. Ça va venir pour nous aussi. La faune forestière, l’approvisionnement en eau de nos grands réservoirs nordiques, tout ça est menacé à moyen terme.Pourquoi, alors, vouloir se battre jusqu’au bout pour protéger le territoire?Pour moi, c’est d’essayer de garder des morceaux avant que tout ne disparaisse. Les îles, le mont Wright, le parc ici : ces morceaux-là, personne ne va les avoir.
En préparation pour l’événement, j’ai rédigé un court texte où, tout en reconnaissant les mêmes constats que Jean Bédard, j’ai indiqué ce qui fait que je me trouve sur ce blogue plutôt que dans des batailles d’autrefois. Nous sommes devant l’effondrement de notre société, et il faut se préparer. Mon texte termine ainsi.
Nous voilà donc devant des années – prévisibles depuis au moins Halte à la croissance, publié en 1972 – où les perturbations dans les sociétés vont être telles que les efforts d’amélioration de la planification et de l’aménagement du territoire – l’objectif que s’est donné Nature Québec – seront plutôt peine perdue. Les groupes de la société civile ne semblent pas reconnaître la gravité de la situation, mais le mouvement environnemental doit désormais rechercher (i) une vision d’une société à l’avenir beaucoup moins riche que celle d’aujourd’hui et (ii) travailler auprès de la population pour qu’elle comprenne et accepte la nouvelle situation, que l’on peut appeler un effondrement. C’était le but de mon livre Trop Tard : Fin d’un monde et le début d’un nouveau (2017) de contribuer à cet effort.
Clé pour les interventions dans un tel contexte est une expertise dans les problématiques touchant l’énergie. Cette énergie (en pensant surtout au pétrole conventionnel) amorce un déclin; l’ensemble des sociétés doivent travailler pour en accélérer ce déclin, puisque son utilisation est à la source de la crise climatique et l’avenir de l’humanité sera fonction de sa capacité de se sevrer de cette source d’énergie. Ce faisant, ce que l’on appelle la décroissance depuis des années sera l’ordre du jour de ces sociétés, cela dans un contexte où peut-être les trois-quarts de le population humaine vit dans une pauvreté plus ou moins importante.
by Lire la suitePour préparer l’avenir, ce n’est plus une question de « transition », que cela soit énergétique ou autre. Le Québec est dans une meilleure situation que la très grande partie des autres sociétés riches, pouvant recourir à une énergie (ne disons pas « propre ») qui ne contribue pas au réchauffement climatique et qui est installée pour des décennies. Un premier objectif de la société est de constituer un système où la mode de vie ne dépassera pas dans ses besoins l’énergie qui sera fournie par notre hydroélectricité. Un deuxième objectif sera de reconnaître que la mode de vie dépendant d’importations venant de partout sur la planète fera face à un système d’approvisionnement où les sociétés sources de cet approvisionnement seront vraisemblablement perturbées comme pendant la pandémie, sauf qu’elles ne se remettront pas de l’effondrement comme elles cherchent actuellement à se remettre de la pandémie.
Pendant que j’écrivais mon dernier article sur la question de la pénurie de main-d’oeuvre, j’ai été saisi en y regardant le graphique de Halte; il m’a fait réaliser qu’il fallait que je revienne de mes références courantes en démographie (ou tout le monde parle d’environ 9 milliards d’habitants sur la planète vers 2050) pour revenir à ma référence depuis 50 ans. En effet, nous sommes dans la décennie projetée pour l’effondrement par Halte et devant nous la projection suggère que la population mondiale va se stabiliser et ensuite diminuer pendant cette prochaine décennie, alors que personne n’en parle[1].
Il y a quelques années, j’ai consulté World3 pour voir que le modèle de Halte comporte peut-être 200 équations; pour mieux comprendre la situation, on doit regarder les autres projections et l’ensemble du modèle. La première chose à remarquer est que la composante pour l’alimentation atteint un pic et baisse avant celle de la composante population, tout comme celle sur la pollution globale. Et là, je reviens à une autre sorte de surprise: en consultant l’original de Halte, j’ai confirmé que leur référence pour la pollution globale (parue dans la même année que le premier sommet mondial sur la pollution industrielle, à Stockholm en 1972) était les changements climatiques, à une époque où la question était à peine reconnue. Et la production industrielle, une autre des composantes du modèle, arrive aussi à son pic avant celui de la population.
Pour comprendre la projection démographique, donc, il faut induire que la population va diminuer suite à des problèmes mondiaux d’alimentation et d’impacts des changements climatiques (entre autres, sur les terres arables de la planète). Ici, on se reconnaît mieux. En pour conclure ce retour aux projections: Halte indique que la composante Ressources non renouvelables (finalement, les énergies fossiles, avec le pétrole en premier) déclinent depuis le début des projections du modèle. À cet égard. et encore que la couverture de la situation actuelle met tout l’accent sur la question des émissions de GES, les Français Jancovici et Auzanneau du Shift Project nous mettent dans un récent livre (Pétrole: le déclin est proche, auquel Hortense Chauvin est associée) devant la question du déclin du pétrole conventionnel, élément fondamental de la composante Ressources non-renouvelables de World3.
En fait, nous ne pensons pas beaucoup à la source de la multitude de produits et de services rendue par notre approvisionnement en pétrole conventionnel (et depuis quelques années, et pour un temps limité, en pétrole non conventionnel). Le plus proche contact vient quand nos remplissons le réservoir de notre bagnole. Les auteurs du récent livre nous en fournissent une meilleure idée
Beaucoup moins de pétrole, cela signifie beaucoup moins de supermarchés avec beaucoup moins de choses dedans: de vêtements, d’objets électroniques, mais aussi de légumes, de viandes, de pâtes alimentaires, d’huile et même de sel, lesquels aujourd’hui viennent presque toujours de fort loin. Cela veut dire globalement moins de matières premières dépendantes de flux logistiques rapides et à longue portée: minerais de fer indien, ou encore cuivre et lithium chilien, bauxite d’Australie, cobalt et coltan congolais, terres rares chinoises. Parce qu’il permet leur extraction massive, le pétrole est la mère de toutes les matières premières: le pic pétrolier signifie probablement un pic de presque tout.
Outre sa domination toujours quasi absolue dans les transports terrestres, maritimes et aériens, le pétrole est utilisé dans une infinité de processus chimiques. Près d’un quart du pétrole consommé dans le monde l’est par l’industrie, soit comme matière première via la pétrochimie, soit comme combustible. Bien souvent, les matériaux transformés sont eux-mêmes produits grâce au pétrole, ou à base de pétrole, et bien souvent les deux à la fois. C’est notamment le cas dans le secteur de la construction et dans l’industrie pharmaceutique. Un très grand nombre de revêtements, de médicaments ou de produits[…].
pages 119-121
Les auteurs fournissent des mises à jour du déclin projeté en graphiques.
Dans mon livre de 2017, j’ai mis l’accent sur cette situation, en me fiant à des données venant de l’AIE datant de 2008. Auzanneau et Chauvin, via Rystad Energy, utilisent les données jusqu’un 2020; ceci ne change pas mon analyse de 2017, mais la précise avec des données à jour.
Un tiers de la production existante totale en 2019 aura disparu en 2030, estiment aussi bien Rystad Energy que l’AIE. Cela signifie que les pétroliers devront d’ici là, ne serait-ce que pour maintenir la production mondiale à son niveau de 2019, mettre en production l’équivalent de la somme de la production de l’Arabie Saoudite, des États-Unis et de la Russie, les trois premiers producteurs actuels.
p.69
Les auteurs fournissent le portrait datant de 2020.
On peut multiplier les images pour décrire les risques de la situation présente. Ne pas virer de bord maintenant pour sortir du pétrole revient à continuer à nous laisser dériver sous le vent, entre le tourbillon de Charybde (le réchauffement climatique) et le rocher de Scylla (le pic pétrolier). Sachant que heurter Scylla ne suffira pas à nous empêcher de tomber en Charybde. Dit autrement, et contrairement à ce qui a été affirmé parfois par certains écologistes, le pic pétrolier ne résoudra pas le problème du climat. Car, d’une part, le rythme d’un déclin géologique post-pic pétrolier ne sera très vraisemblablement pas aussi rapide que la décroissance systématique des émissions de gaz à effet de serre, de l’ordre de 5 à 10 % par an, nécessaire pour parer l’essentiel du risque climatique. Et, d’autre part, en particulier dans une situation économique marquée par de très forts niveaux d’endettement et une croissance fragile, les alternatives les plus simples au pétrole se trouvent être bien souvent en pratique, hélas, les deux autres sources d’énergie carbonée émettrices de gaz à effet de serre: gaz naturel ou, pire, charbon.
p.111-112
Tout, dont la COP26 en cours, suggère que l’humanité ne réglera pas le défi des changements climatiques par ses propres décisions, et les données alimentant le scénario de base (BAU) de Halte depuis près de 50 ans suggèrent plutôt que l’effondrement projeté globalement est à prévoir. La composante Ressources non renouvelables de Halte prenait en compte l’ensemble des sources fossiles, et nous verrons si la réorientation suggérée par la citation s’avère une mise en question du scénario. Finalement, il semble que l’effondrement se joue entre le déclin du pétrole et les impacts des changements climatiques.
Mais World3 est plus complexe que cela… Une autre publication récente (septembre 2020) du Shift Projet, signé Mathieu Auzanneau, The European Union Can Expect to Suffer Oil Depletion by 2030, fournit le portrait de l’avenir de cet important bloc économique. Je l’ai déjà fait en suivant une présentation d’Auzanneau remontant au 7 février 2019: «This Time the Wolf is Here». Un article de mon blogue fournit la présentation PowerPoint qu’il utilisait. La déstabilisation de l’Europe par un manque de pétrole dans les prochaines années pourrait bien contribuer à ce qui est présenté dans les projections de Halte…
[1] Le lendemain de la publication de cet article, je suis tombé sur «La dépopulation a déjà commencé», chronique de Philippe Fournir en science dans L’actualité de décembre 2021. Fournier indique qu’il va revenir sur la question dans sa prochaine chronique.
by Lire la suiteL’adhésion à la mythologie de la croissance est tellement ancrée dans la pensée politique contemporaine qu’il est difficile à voir comment aborder les éléments de la situation, par exemple celui de la démographie, qui est, finalement, une de surpopulation, au Québec, dans les pays riches, dans le monde entier. D’une part, mon calcul de l’empreinte écologique quand j’étais Commissaire au développement durable montrait que notre mode de vie ici dépasse par trois fois la capacité de support de la planète. Cela fait que nous dépassons déjà et que chaque personne ajoutée à notre population augmente le dépassement. À différents niveaux, d’est le cas dans l’ensemble des pays riches.
Dans les pays pauvres, leur incapacité à soutenir leurs populations est une évidence – à laquelle la réponse mythique (cela remonte au président américain Harry Truman en 1948, qui nous a donné le terme «sous-développés» pour les décrire) est d’encourager le développement économique (lire: la croissance économique) à l’image des pays riches. Cela fait trois-quarts de siècle que nous essayons de faire cela, sans succès.
Des alternatives pour l’avenir
Dès que nous regardons la situation, nous nous trouvons devant une impasse, sempiternellement cherchant à résoudre nos défis dans une perspective de court terme et de courte vue. Au début des années 1990, quand je devenais sous-ministre adjoint, la nouvelle équipe gouvernementale dont je faisais partie a reçu une formation incluant des présentations sur des scénarios démographiques pour les décennies à venir. Nous savions déjà que la croissance de la population associée à la génération des babyboomers n’allait pas continuer, qu’il y aurait une période où la population par conséquent allait se stabiliser et ensuite décliner. C’est ce qui est projeté pour l’ensemble de la population humaine, dans Halte.
Le tout se passe comme projeté, et nous voilà à une période où la société québécoise se trouve devant une «pénurie de main-d’œuvre», le temps que les activités sociales et économiques s’ajustent d’une période intense rendue possible par la population croissante et ses activités, générant depuis des décennies un PIB en hausse, passant aujourd’hui à une période plus proche de ce qui serait soutenable. La pandémie nous a frappé avec des situations qui ressemblent à celle qui nous attend, où les activités habituelles sont ralenties (voire arrêtées). Dans le cas de la pandémie, il s’agit pouvons-nous croire d’une situation temporaire, mais ce que la pandémie nous révèle s’avère permanent.
Il semble y avoir deux ou trois alternatives quant aux actions à poser. (1) D’une part, nous pourrons chercher à compenser les tendances démographiques baissières par une hausse de l’immigration. Dans ce contexte, nous pouvons constater que la population mondiale a cru en même temps que celle du Québec, passant de 2 536 274 721 habitants en 1950 à 7 794 799 en 2020. Disons qu’il y a beaucoup de monde dans les pays pauvres prêts à émigrer vers les pays riches… Le problème est que leur croissance des dernières décennies, comme celle du Québec, n’est pas soutenable: l’humanité est devant une population qu’elle ne peut pas soutenir avec les ressources disponibles sur la planète et qui comporte un grand nombre de personnes prêtes à migrer en des lieux plus propices pour leur bien-être.
En fait, le Québec n’a qu’à décider combien d’immigrants il veut, et lesquels, puisqu’il y a disponibilité presque sans limitations. Voilà donc l’occasion pour une réflexion sur la population «optimale» définie comme – dans la pensée politique partout – celle requise pour le maintien de la croissance économique, mais qui peut être, doit être définie autrement.
(2) En contre-courant, l’automatisation (robots, etc.) nous offre une façon de pallier la pénurie et de poursuivre sans même nous préoccuper de la taille de la population et du statut de cette population, en termes de ses possibilités de travail. En effet, je ne connais pas de documents, de réflexions dans ce deuxième sens, ce qui me surprend depuis longtemps. C’est tout simplement une autre indication de l’omniprésence de l’idéologie de la croissance.
La surpopulation qui en résulte ou qui accompagne la croissance économique – il n’y a aucune incitation à contrôler notre population – est ressentie dans ses effets dans de nombreux pays, mais au Québec (et au Canada) il n’y a aucune perspective pouvant nous guider dans une réflexion sur la situation, sur notre avenir. L’alternative est quand même de poursuivre dans les tendances des dernières décennies, sur le plan de la croissance démographique interne (et donc, une baisse), ou de continuer les débats sur la croissance venant de l’immigration.
Les réflexions sur ces alternatives n’aboutissent pas à une planification qui fournit une confiance quant à la capacité d’assimiler de nouveaux arrivants – du moins, si nous nous attardons aux nombreux défis qui sont reliés déjà à la taille de notre population. En fait, nous ne sommes pas en pénurie de main-d’œuvre, mais en surpopulation.
– Tout d’abord, nous devons faire face à nos émissions de GES pour éviter des changements climatiques catastrophiques. Cela suggère que nos transports (entre autres) doivent être radicalement changés, alors qu’il n’y a pas de tendances en ce sens et les solutions, une augmentation de notre approvisionnement en énergie (hydroélectrique) ou une baisse du nombre de véhicules…
– L’étalement urbain en cours depuis des décennies est le résultant de différentes décisions cherchant à répondre à l’augmentation de la population. Celles-ci comportent entre autres des problèmes en termes de protection du territoire agricole et du maintien de territoires permettant une certaine sauvegarde de la biodiversité, tout comme des coûts exorbitants pour fournir les services de bases aux populations des banlieues.
– Un niveau de vie qui dépend en bonne partie d’importations – nous ne sommes autosuffisants en rien, sauf peut-être le bois et l’eau… – , qui doivent être justifiées par des exportations pour éviter un élément négatif dans le bilan économique (où plus de 60% du PIB est liée à la consommation). Cela exige des productions ici, alors que nous sommes en situation de dépassement.
(3) Une troisième alternative est de (i) reconnaître qu’il y a des limites quant à la taille de la population humain, (ii) reconnaître qu’agir en fonction de cette reconnaissance comporte des effets directs et indirects importants sur les populations actuelles et (iii) poursuivre comme si rien n’était.
La vieillesse
On peut voir le défi autrement en regardant de plus près la situation, ce qu’un récent article de L’actualité aborde avec une entrevue avec Guy Rocher, 97 ans («Voir la vieillesse autrement», octobre 2021)
Un article du Devoir du 30 octobre.«Le multiculturalisme: ambiguë, erroné et dangereux», signé Pierre Duchesne, biographe de Rocher, fournit une vue d’ensemble de la contribution importante de cet homme. Pour les besoins de cet article, ill est plutôt fascinant de voir la perspective de Rocher sur la baisse démographique du Québec, en réponse à la question: Pouvez-vous nous dire ce que vous entrevoyez comme avenir pour le Québec?
Il y a des tendances lourdes qui, déjà, peuvent annoncer l’avenir. La première, c’est la démographie. On ne peut pas la contredire. Elle dit ce qu’elle a à dire. Ce qui est frappant, au Québec comme dans certains autres pays, c’est le taux de natalité très faible. Trop faible pour que la population se renouvelle naturellement. Notre taux est autour de 1,6 ou 1,7 alors qu’il doit être de 2 à 2,5. Nous sommes dans une société déclinante démographiquement. Et, par conséquent, vieillissante. Une société qui, dans l’avenir, va se réduire numériquement ou va perdurer par l’apport de l’immigration.
C’est un aspect très important de l’avenir du Québec. Aurons-nous une politique nativiste ? Je ne pense pas. J’ai eu connaissance que M. Lévesque aurait voulu instituer une politique nativiste, et ça a été très mal reçu. Ça veut dire que, pour l’avenir du Québec, c’est encore plus important de donner aux générations qui viennent une culture du Québec vivante, riche, attrayante. Parce que c’est évident que le déclin démographique pose un problème d’identité collective. C’est inévitable.
En ce moment, nous travaillons à une politique linguistique, mais elle ne peut pas être détachée d’une politique culturelle pour l’avenir. C’est-à-dire une politique culturelle basée sur une connaissance de notre histoire, qui nous dit à la fois ce que nous avons été, mais aussi ce que nous pouvons encore être.
Pour une population stable, le taux de remplacement des générations est environ 2,1, mais Rocher n’a jamais vu, pendant sa longue vie ici, une population stable. Elle est en constante augmentation depuis des décennies; après la génération de ses parents, où le taux de natalité (avec les grandes familles visant la revanche des berceaux) était important mais le niveau de vie probablement encore respectant la capacité de support de la planète (et du territoire de la province), l’après-guerre a donné lieu au boum démographique, celui des babyboomers. C’est après cette expérience et d’autres que les femmes, alors participant plus directement aux activités sociales et économiques, ont pris connaissance des exigences des familles nombreuses. C’est cela, entre autres, qui a donné lieu au taux de natalité autour de 1,5 mentionné par Rocher.
En effet (je n’ai pas les chiffres – quelqu’un peut aider?) – , sans les babyboomers (qui se trouvent de plus en plus à la retraite maintenant…) et sans l’immigration, la population de base au Québec est probablement en baisse depuis 20 ou 30 ans. Il s’agit d’un paramètre (parmi cinq ou six) de ce que Halte à la croissance associait à l’effondrement projeté vers 2025. La façon dont nous allons gérer ce défi sera déterminante pour l’avenir du Québec, mais pas nécessairement celui envisagé par Rocher. Nous rentrons plutôt dans la période de l’effondrement projeté.
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