Pour sortir du désastre:
L’économie biophysique comme approche de base
Mots clé : ÉROI, économie biophysique, sables bitumineux, prix des ressources, croissance zéro, énergies non conventionnelles, économie verte, boucles de rétroaction positive et négative, effondrement, Indice de prix à la consommation (IPC), récession
Tout récemment un collectif d’auteurs parmi les hétérodoxes, de grande qualité, a publié un livre dont le titre souligne l’objectif. Sortir de l’économie du désastre[1] (plutôt que « sortir l’économie du désastre ») fait un bon portrait de l’ensemble de dérapages de l’économie néolibérale. Le livre termine avec un bref essai qui fait le bilan de la « crise de la pensée économique » décrite par les auteurs.
Nulle part dans l’analyse, nulle part dans la réflexion qui marque tout le livre, ne trouve-t-on reconnaissance, voire mention de ce qui est la véritable crise de la pensée économique. Malgré leurs orientations on ne peut plus soucieuses de notre bien-être comme société, les auteurs laissent de coté la crise des fondements, non seulement ceux de la pensée néolibérale mais également ceux de la pensée hétérodoxe. Tout se passe comme s’il faut corriger le tir, mais non revoir les bases.
En fait, il est évident (pour certains) que le livre manque un chapitre sur les fondements écosystémiques de tout le processus social, économique et politique décrit par les auteurs. Ce qui est moins évident est qu’un tel chapitre aurait ébranlé la réflexion qui traverse le livre. Notre société, tout en étant confronté à de nombreux défis représentés par le titre faisant allusion à une économie de désastre, se trouve aujourd’hui devant un défi encore plus profond. Ce défi constitue, finalement, une révolution et une crise pour notre société tout comme pour notre économie, pour notre avenir.
C’est dans un tel contexte qu’il était fascinant de voir les principales institutions internationales des pays riches se préparer pour Rio+20. La Banque mondiale (avec le gouvernement de la Chine) a sorti une programmation cherchant à permettre à ce pays émergent de rejoindre les pays riches – d’éviter « le piège du revenu moyen » – en ciblant une économie verte[2]. L’OCDE pour sa part a publié ses « perspectives environnementales » pour 2050 dans un monde qui selon elle se dirige directement dans un mur, et bien avant cette date, à moins d’adopter une économie verte[3].
Des changements dans l’air
Ce qui est plutôt déconcertant dans ce positionnement des grandes institutions internationales – et des économistes hétérodoxes ? – est qu’il arrive au même moment où de nombreux critiques lient les crises actuelles au modèle économique en place et au recours à la croissance et au PIB qui la mesure comme guide.
D’une part, le Rapport Stiglitz soumis au gouvernement de la France en 2009 souligne de façon claire les problèmes associés au recours au PIB, dont le fait qu’il représente plutôt un mauvais indicateur de notre progrès. Il est pourtant utilisé à cette fin encore et partout, en dépit des critiques. D’autre part, des travaux du Club de Rome (et plus généralement, les travaux sur la dynamique des systèmes), se voient aujourd’hui validés par les données réelles : le scénario du pire de Halte à la croissance ! (celui du « business as usual ») de 1972 se réalise et la date butoir pour le début de l’effondrement des systèmes non seulement écologiques mais sociaux et économiques surviendrait aux environs de 2025-2030[4]. Finalement, en dépit du rejet par les principaux pays d’une approche mondiale dans la lutte aux changements climatiques, les milieux de la finance commencent à voir de sérieux problèmes dans les perspectives qui se profilent devant eux (et nous)[5].
Jeremy Grantham[6] était fondateur en 1977 de GMO, fonds d’investissement bien connu dans les milieux de la finance er qui gère environ 100 G$ ; il est aujourd’hui Stratégiste en chef pour les investissements de GMO Capital. Il est intervenu récemment pour souligner qu’un changement de paradigme est en cours en ce qui concerne la valeur au marché des biens fondamentaux de nos sociétés. En 2011, il a produit un rapport basé sur l’Indice des commodités de GMO, qui suit le cours du prix de 33 biens à la base du commerce international et, finalement, de notre civilisation. Le rapport se résume par le titre : « C’est le temps de se réveiller : Les jours de ressources abondantes sont terminés, pour toujours ». Le constat est appuyé par une analyse poussée et illustré par un graphique [7] :
Figure 1 : Indice des commodités de GMO: « le grand changement de paradigme »
Grantham avance que la hausse des prix depuis 2002, contrairement aux hausses antérieures, est une anomalie représentant un « grand changement de paradigme » ; elle ne continue pas dans la trajectoire baissière du siècle précédent, la demande énorme de la Chine étant le principal facteur en cause.
Un an plus tard, en 2012, Grantham revient sur la question, dans un texte qui esquisse les implications de cette situation :
La méthodologie comptable actuelle ne peut pas gérer de façon appropriée la hausse des coûts des ressources. Dépenser à l’avenir 150-200 $ par baril dans les gisements brésiliens en mer pour livrer le même baril de pétrole qui coûte à l’Arabie saoudite 10 $ résultera en une hausse énorme et perverse du PIB du Brésil. En réalité, ces hausses des coûts des ressources devraient être comptabilisées comme une contrainte pour le reste de l’économie, baissant notre utilité globale. Mesurer l’autre partie non liée aux ressources produit le bon résultat. La part du coût des ressources a augmenté d’un étonnant 4 % du PIB global entre 2002 et aujourd’hui. Ainsi, elle a réduit de 0,4 % par année la croissance de la partie non liée aux ressources. En mesurant de façon conservatrice, les hausses des coûts ont été de 7 % par année depuis 2000. Si cette tendance se maintient dans un monde où l’économie croît à moins de 4 %, et à moins de 1,5 % dans les pays riches, il est facile de voir comment la contrainte va s’intensifier.
La hausse des prix pourrait même accélérer avec l’épuisement des ressources les moins chères. Si les coûts des ressources augmentent de 9 % par année, les États-Unis atteindront une situation où toute la croissance générée par l’économie sera requise pour simplement obtenir les ressources nécessaires pour faire fonctionner le système. On atteindrait ainsi une croissance négative au bout de seulement 11 ans. Si, par contre, notre productivité en matière de ressources augmente, ou si la demande diminue, les hausses des coûts pourraient augmenter de 5 % par année et nous laisser 31 ans pour nous organiser.[8]
Les ressources et la croissance
Cette analyse est plus que pertinente pour le mouvement hétérodoxe, et rejoint celle de Jeff Rubin, ancien économiste en chef de CIBC World Markets[9]. Il s’agit d’une analyse fondée sur notre utilisation des ressources naturelles, mais menant à des constats n’ayant presque rien à voir avec les impacts environnementaux de l’exploitation de ces ressources. Grantham doit se préoccuper de l’économie, pour bien servir ses clients, et il constate que l’effondrement de cette économie – la fin de l’ère de croissance – est imminent[10]. Cela rejoint aussi les constats actuels de Dennis Meadows et Graham Turner concernant les projections de Halte à la croissance ![11] et le fonctionnement du modèle économique dans de telles circonstances. Ils fournissent ainsi des perspectives et un incitatif pour un changement d’orientations dans les interventions de la société civile.
Ceci se voit assez facilement si l’on substitue aux références à l’exploitation brésilienne du pétrole en mer d’autres ciblant l’exploitation des sables bitumineux au Canada. En effet, l’Alberta et la Saskatchewan montrent la plus importante croissance du PIB de toutes les provinces canadiennes (Terre Neuve et Labrador ayant eu cette même expérience récemment, liée à son exploitation de pétrole en mer). Presque toute la politique économique du gouvernement canadien est fondée sur le maintien, voire l’augmentation de cette croissance, à laquelle contribue l’exploitation des sables bitumineux et, plus généralement, celle des énergies fossiles. Le Plan Nord québécois semble avoir été conçu et être poursuivi selon un même raisonnement.
Pour Grantham, il est question d’un ensemble de ressources qui alimentent notre civilisation. Sans en tenir compte, l’objectif des économistes responsables des documents de la Banque mondiale et de l’OCDE est de maintenir la croissance, seul outil connu pour assurer le bien-être que les pays riches ont connu depuis la Deuxième Guerre mondiale. L’économie verte est censée s’intégrer dans ce modèle économique ciblant la croissance, contribuant à celle-ci (voir les notes 2 et 3). Nulle part ne voit-on dans les propositions pour une croissance verte une reconnaissance que l’activité économique bien en place pendant ces décennies est finalement nocive pour les écosystèmes (et pour les trois-quarts de l’humanité) et dépend de l’absence d’une économie verte, de l’ensemble des améliorations souhaitées par ces économistes mais qui en constituent un frein.
Problèmes avec le PIB comme indicateur
La croissance fondée sur l’exploitation des ressources, selon Grantham, est négative dans ses implications. Cette hausse n’entraîne pas seulement des impacts environnementaux visibles de l’espace ; elle comporte une diminution de la vitalité de tout le reste de l’économie, qui fonctionne sur une base énergétique et matérielle incontournable et qui coûte de plus en plus cher, ce qui est visible de la terre.
Les analystes financiers comme Jeremy Grantham critiquent les déficiences du PIB comme guide pour nos décisions. Ils soulignent par ailleurs que ce même PIB est en déclin dans les pays riches, tendant vers une situation dans les prochaines années où la croissance frôlera le zéro ou deviendra négative ; il est même en déclin dans les pays émergents et à l’échelle mondiale[12]. La figure 2 montre ces tendances constantes et inéluctables de l’activité économique pour le Québec et le Canada, et cela pour une période de 50 ans [13]:
Figure 2 : PIB du Canada et du Québec 1962-2009, par décennie
La croissance récente du PIB canadien, où les activités reliées à l’exploitation des sables bitumineux joue un rôle, devient plus ou moins négative pour le reste de l’économie, et pour le pays, lorsque l’on réalise que le prix nécessaire pour une exploitation profitable des sables bitumineux est aux alentours de 80 $, et que cela est le prix (au minimum) payé par le reste du pays pour leur énergie importée. Ce n’était que 20 $ il y a 10 ans…
Ceci est indépendant de la « maladie hollandaise », qui joue également un rôle. L’argument tient dans un contexte où la hausse du prix des commodités, dont le pétrole, est plus importante que la faible hausse du PIB; la situation est pire si, suivant Grantham, l’on soustrait de cette faible hausse la partie attribuée à l’exploitation des combustibles fossiles. Finalement, si l’on considère que le PIB tel qu’utilisé pour le Québec surestime par trois fois le véritable apport au progrès représenté par l’activité économique qu’il mesure (voir référence de la note 11), la situation est plutôt dramatique, un désastre.
L’économie biophysique pour fonder de meilleurs calculs
Fin octobre, à Burlington, au Vermont, a eu lieu un colloque réunissant un groupe d’économistes écologiques (et d’autres) qui mettent de l’avant une approche plus ciblée de cette discipline, qu’ils appellent l’économie biophysique[14]. Il s’agit d’un effort pour mettre un accent explicite et central sur les questions touchant l’énergie dans l’analyse économique. L’approche analytique des économistes écologiques/biophysiques constitue un complément à celle de financiers comme Grantham et Rubin[15].
Ces économistes prônent une conception du progrès qui insiste sur le fait que l’économie est, essentiellement, un processus physique et que la prospérité et la civilisation viennent de l’utilisation des ressources matérielles de la planète. Contrairement à la plupart des économistes[16], ceux-ci soulignent une combinaison de hausse démographique et de consommation de ressources matérielles depuis plusieurs décennies comme étant à l’origine des crises d’aujourd’hui, alors que nous avons dépassé les limites de la capacité de support de la planète pendant cette période.
L’analyse de GMO prétend que la situation actuelle représente un changement de paradigme par rapport aux récessions récentes. En soustrayant le secteur économique qui fonde la croissance, soit celui de l’exploitation des énergies fossiles (et plus généralement, des ressources naturelles, en hausse de prix pour l’ensemble), nous devons constater que le reste de l’économie est fort probablement en « récession » permanente, et cela depuis au moins vingt ans : comme le souligne Grantham, l’obligation de payer si cher pour l’énergie et les autres ressources réduit d’autant la possibilité de développement autre.
L’exploitation des sables bitumineux, dossier phare pour les groupes environnementaux canadiens, est donc beaucoup plus dommageable que par ses seuls impacts environnementaux reconnus et combattus. Même le plus haut niveau d’émissions associé à leur exploitation qui marque leur contribution aux changements climatiques, en raison de la plus grande quantité d’énergie nécessaire pour en extraire l’énergie, doit être mis en contexte. Les réserves globales de l’ensemble des combustibles fossiles, de plus en plus non conventionnelles et associées à des émissions plus importantes, représentent probablement cinq fois la quantité nécessaire pour pousser la planète au-delà d’une hausse de 2 degrés C et un emballement du climat[17].
Les présentations au colloque de Burlington mettaient un accent sur l’importance de l’ÉROI, le retour en énergie sur l’investissement en énergie ; il s’agit d’un indicateur fondamental pour l’économie biophysique, permettant de suivre et d’évaluer la capacité de la civilisation à se maintenir au-delà du simple niveau de survie, capacité qui est fonction de son utilisation d’énergie, ultimement puisée dans la nature. Comme nous proposerons à la fin de ce texte, les enjeux énergétiques s’avèreront probablement plus importants que ceux climatiques dans les années à venir.
Baisse de l’ÉROI et des rendements
Le graphique suivant présente les tendances de l’ÉROI pour les États-Unis [18].
Figure 3 : Baisse de l’ÉROI pour l’énergie aux États-Unis depuis 80 ans
Non seulement l’ÉROI du pétrole exploité aux États-Unis a-t-il baissé dramatiquement pendant la période, mais c’est le cas également pour le pétrole importé. L’ÉROI actuel de l’ensemble de l’exploitation dans le monde tend vers 20, et est en baisse ; le coin inférieur gauche du graphique positionne les sables bitumineux, avec un ÉROI en bas de 10.
Figure 4 : L’ÉROI du pétrole extrait des sables bitumineux au Canada [19]
Ce dernier constat mérite d’être présenté de façon plus claire :
L’économie biophysique estime qu’un ÉROI à ce niveau ne permet pas à la civilisation d’être soutenable, ce qui nécessite un ÉROI d’au moins 10[20]. Nous n’élaborerons pas sur cette question ici, insistant sur le caractère presque intuitif de ce constat même s’il n’en est aucunement question dans les débats habituels concernant l’énergie[21]. On doit comparer ce constat à celui de Grantham, qui soutient que la hausse du prix dans le secteur énergétique, associée à l’exploitation de ressources à faible ÉROI comme les sables bitumineux, fait augmenter proportionnellement le PIB, mais comporte un impact négatif pour le reste des activités de la société.
En fait, chaque récession depuis 1970 a été précédée par une hausse importante du prix du pétrole (le PIB de l’activité associée à la production et à la distribution du pétrole a augmenté, mais celui de l’ensemble de la société, ou des sociétés n’ayant pas de pétrole, a chuté, et davantage). Cette hausse de prix peut être associée plus ou moins directement à la baisse de l’ÉROI des approvisionnements (sauf pour les décisions de l’OPEP).
Figure 5 : Lien apparent entre les récentes récessions et la hausse du prix du pétrole [22]
En même temps, la croissance de l’activité économique dans le monde au fil des récentes décennies a été néanmoins intimement liée à la production (et à l’utilisation) du pétrole. Selon Hall et Murphy, 50 % de la variation du PIB au fil des ans s’explique directement et simplement par la consommation de pétrole – mais de pétrole bon marché [23].
Figure 6 : La croissance de l’activité économique mondiale et celle de la production de pétrole 1986-2006
Approvisionnements à risque
Hall et Murphy ajoutent quelques autres constats pour compléter leur présentation. D’une part, et contrairement à des postulats économiques courants, la hausse du prix de pétrole n’a pas entraîné une hausse de la production, en dépit d’un accroissement de l’effort (présumément parce que la hausse était insuffisante).
Figure 7 : Production et exploration 1940-2010 [24]
Pire, l’exploration trouve de moins en moins de pétrole (conventionnel) pour constituer nos réserves.
Figure 8 : Découvertes cumulatives de pétrole conventionnel, par décennie 1930-2000 [25]
Finalement, et tel que mentionné plus haut, l’ensemble des découvertes récentes se trouve dans les zones où l’accès est difficile, souvent comportant des risques et presque toujours dispendieux. À ceci est associé, en partie en raison de la demande accrue pour l’énergie nécessaire pour en faire l’exploitation, en partie en raison d’une qualité inférieure, un ÉROI plus bas des ressources exploitées. Les récentes découvertes sont des combustibles fossiles « non conventionnels », presque exclusivement le sujet des débats contemporains.
Figure 9 : La géographie des découvertes récentes [26]
Une reconnaissance de cette dépendance de la société du pétrole et des autres combustibles fossiles devient aujourd’hui cruciale pour une compréhension des enjeux du développement, maintenant que tout est question de ressources non conventionnelles[27]. Le pétrole contribue au développement – il en est le moteur – mais cela s’avère seulement dans le contexte historique, quand le pétrole était bon marché. Aujourd’hui, avec le pic du pétrole ET l’exploitation de gisements de faible ÉROI, de moins en moins accessibles et de moins en moins importants, les pays riches sont confrontés à une situation critique et permanente. Ces facteurs sont derrière une partie importante des problèmes d’approvisionnement, et de prix. L’ÉROI du pétrole utilisé baisse de plus en plus dangereusement vers un niveau incapable de soutenir la civilisation.
Cette situation se jumèle à une baisse constante et inéluctable du PIB depuis des décennies, PIB qui entre dans une zone où la croissance risque de disparaître; cette baisse est possiblement une indication malgré lui de la situation que nous décrivons dans ce texte. Et à cela on doit ajouter le constat que ce PIB, déjà un indice presque mauvais par ses énormes lacunes constituant entre autres des incitatifs mal orientés, attribue à cette hausse du coût des commodités une valeur positive, gardant techniquement le PIB en zone positive. Pourtant, il s’agit d’intrants essentiels pour les économies des sociétés du monde et la hausse du coût de ceux-ci représente une ponction directe et négative pour ces économies.
Récession permanente
Bref, il y a lieu de croire qu’une « récession » permanente s’installe. Une réévaluation du PIB en fonction du coût des externalités et maintenant du coût des intrants suggére même qu’une telle « récession » est en place depuis assez longtemps. La figure 10 présente graphiquement des constats clé de l’économie biophysique par rapport à cette situation [28].
Figure 10 : Le prix de production de pétrole et l’ÉROI de cette production depuis 100 ans
En ciblant l’ÉROI, l’économie biophysique met en évidence aussi les enjeux financiers de la situation contemporaine, incluant « l’émergence » de pays comme la Chine. Fournissant des perspectives très différentes de celles fournies par les institutions internationales comme la Banque mondiale et l’OCDE, et par les économistes biophysiques eux-mêmes, des intervenants invités pour leurs activités dans les milieux de la finance ont cerné les contraintes qu’ils voient pour les années qui viennent.[29] Ils poussaient plus loin les analyses ciblant la hausse du prix des ressources, avec ce que cela implique.
Steven Kopits, de Douglas Westwood[30], conseillers des grandes pétrolières, a fourni une analyse et montré des graphiques qui ensemble présentaient le risque d’une « fin de civilisation » pour les États-Unis (et même pour l’Europe), face à une demande mondiale pour le pétrole qui en dépasse la production.
D’une part, devant une production incapable de répondre à une hausse importante du prix, ce seront les pays émergents qui se montreront capables d’intervenir pour obtenir le pétrole, et cela aux dépens des pays riches. C’est surtout la Chine qui se montre capable de mieux gérer les arbitrages sur les marchés internationaux et qui accapare les « surplus » sur les marchés, à un prix qui ferait imploser les économies des pays riches.
Figure 11 : Consommation du pétrole, pays OCDE et pays non-OCDE [31]
Devant les contraintes, les pays riches devront céder leurs approvisionnements et leur consommation aux pays émergents, faute de capacité à payer. Même pour la Chine, la situation est plutôt critique. Les contraintes en termes de production nécessitent une baisse dans ses prévisions de consommation[32] tout comme une mise entre parenthèses des perspectives de la Banque mondiale et du gouvernement chinois pour ce pays.
Kopits souligne l’importance des contraintes en montrant les tendances selon le cadre plutôt traditionnel des analyses, une comparaison avec l’expérience dans le passé récent du Japon et de la Corée du Sud (avec du pétrole beaucoup moins cher), et les perspectives pour l’avenir qu’il juge plus réalistes, comportant une réduction des deux tiers par rapport à cette expérience antérieure [33].
Figure 12 a et b : Consommation du pétrole par la Chine, sans contraintes et sous contraintes
À titre de référence, la consommation projetée pour la Chine par la figure 12a, étendue à l’ensemble des pays non-OCDE, représenterait une consommation d’environ 80 mbpd à l’horizon de 2030, soit la totalité de la production actuelle! Les meilleurs estimés pour la production en 2030, selon Kopitz, sont de 110 mbpd…
Rien dans les portraits présentés au colloque ne permet de croire que l’avenir offrira une solution au pic du pétrole. Suivant l’EIA, Kopitz s’est risqué à présenter des perspectives jusqu’en 2017, avec un graphique montrant tout tendant vers le haut, y compris la capacité de soutenir la hausse du prix par les pays riches, cela en présumant d’une reprise de la croissance de l’activité économique.
Figure 13 : Perspectives du prix de pétrole jusqu’en 2017 [34]
Comme souligne Grantham, avec de telles perspectives, nous ne sommes pas loin de sociétés n’ayant aucun budget pour autre chose que pour l’énergie nécessaire pour maintenir le statu quo. Si on inclut dans l’analyse une croissance économique tendant vers zéro, même en incorporant l’apport des industries soutenant la production des commodités, qui est finalement négatif, et si on retient que le PIB ne tient pas compte du coût des externalités, souligné par l’IPV, la situation devient dramatique, un désastre.
Enjeux financiers traduits en système
Chris Sanders, de Sanders Research Associates[35], autre conseiller dans les hautes sphères de la finance, a souligné que son arrivée au sommet est venue avec une reconnaissance du vide qui s’y trouve. Il s’est acheté une ferme en Irlande (en soulignant que la valeur des terres agricoles dans le monde dépasse aujourd’hui tous les anciens records) et est en train de se réfugier du secteur. Sa contribution était la présentation du contraste entre le modèle de « centralisation », qui achève sa dominance, et celui de la « dévolution », qui arrive, mais peut-être trop tard. En fait, il proposait un portrait de la société de transition : moins dépendante des technologies informatiques (y compris pour les investissements spéculatifs); moins intensive en énergie et, en contrepartie, plus intensive en travail physique; une consommation restant dans les limites de la production; une agriculture véritablement « soutenable » pour les milliards que nous serons; plus généralement, un développement plus régional et local que global. Les tendances vers une urbanisation (plus consommatrice d’énergie et de ressources que la ruralité) toujours croissante se buteront aux contraintes et s’estomperont.[36]
Finalement, sans résoudre le peu d’écoute obtenue par l’économie biophysique, Sanders lui donnait raison dans sa critique du modèle néolibéral. Clé de son portrait du déclin, il fournissait des courbes comparant différents calculs de la situation énergétique en fonction de l’inflation (déformée par les gouvernements des pays riches et corrigés par Shadowstats.com), et qui finissent par montrer qu’il n’y a eu aucun progrès depuis 40 ans en ce qui a trait à l’efficacité énergétique à l’échelle mondiale.
Un graphique de la valeur des actions à la Bourse en fonction de trois indices montre l’approche pour arriver à la véritable valeur des biens [37].
Figure 14 : Stocks de Standard and Poor’s 500 selon trois indicateurs
C’est le complément des corrections de Grantham et d’autres au PIB; il faut corriger les statistiques pour l’emploi, pour le chômage et pour l’Indice des prix à la consommation pour enlever l’effet des interventions qui cherchent à cacher l’état critique de la situation. Les investisseurs/spéculateurs, en fonction de leurs réserves en or comme protection contre les aléas des marchés actuels, évaluent assez bas la valeur de la Bourse. Comme Kopitz l’indique au début, les petits investisseurs (retail investors) la fuient ou l’ont déjà fui.
Pas plus que le PIB, la Bourse ne fournit pas une bonne indication de valeurs économiques, et l’ensemble des informations sur les réserves de combustibles fossiles (et d’autres ressources) ne fournit pas une bonne indication de l’avenir des approvisionnements. En contraste, l’empreinte écologique sert à identifier les contraintes en fonction d’un portrait global des écosystèmes en perte de leur capacité de fonctionner et l’ÉROI complémente l’empreinte pour mieux cerner ce qui est derrière les impacts croissants de l’exploitation des combustibles fossiles.
Lorsque les analystes financiers cherchent à identifier les pistes pour faire un portrait du milieu d’investissement pour l’avenir, ils arrivent au mur décrit par d’autres suivant d’autres pistes; les indicateurs permettant d’intervenir sur des bases relativement solides doivent contourner les efforts de cacher la situation. Plus généralement, les décideurs, et les économistes qui les conseillent, sont loin de comprendre le fait que nous sommes en dépassement de la capacité de support de la planète, peu importe les réserves qu’on prétend bonnes pour des décennies, et qu’une « récession » permanente avance au même rythme que la détérioration des ressources.
Boucles de rétroaction positive et négative
Dennis Meadows, principal auteur de Halte à la croissance! de 1972 et ainsi une sorte de gourou de l’analyse de la dynamique des systèmes qui caractérise l’approche de l’économie biophysique, permettait dès le départ de situer les travaux sur les défis énergétiques dans le cadre plus global des activités de base des sociétés, incluant les enjeux sociaux et environnementaux.
Meadows insiste dans son analyse sur les boucles de rétroaction négative typique des systèmes naturels (et de son travail dans Halte!), qui cherchent toujours l’équilibre face aux perturbations venant de l’extérieur; les liens entre une centaine de boucles de ce genre constituent la base du modèle de 1972 [38].
Figure 15 : Boucles de rétroaction de Halte à la croissance!
Ces boucles contrastent avec les boucles de rétroaction positive typique des systèmes financiers contemporains, qui sont explosives et cherchent à grossir ces perturbations et s’éloigner de l’équilibre. Ces boucles marquent les tendances lourdes qui séparent la civilisation définie par les pays riches et son accent sur la finance et la croissance de ses fondements dans les écosystèmes naturels de la planète [39].
Figure 16 : Boucles de rétroaction positive (systèmes financiers) et négative (ressources non renouvelables, écosystèmes naturels généralement)
Meadows (et Sanders) insistaient sur le fait que la Bourse s’active en fonction d’investissements décidés par des algorithmes dans le jeu de boucles de rétroaction positive. Aujourd’hui une action en Bourse est retenue en moyenne 7 minutes, en contraste avec 7 années en 1975.
L’ÉROI introduit une approche qui permet de signaler les contradictions dans la logique en cause. Les projections de croissance dans l’exploitation des sables bitumineux représente une instance de contradiction, lorsque mis en contexte par les travaux esquissés ici. Les financiers Grantham, Kopitz et Sanders, voient les problèmes en termes de contradictions, même si leur motivation, le succès dans les investissements, comporte les mêmes principes que les gouvernements néolibéraux, dont celui du Canada, qui encouragent la recherche des déséquilibres. Les investisseurs comprennent assez bien les enjeux, même s’ils semblent presque paralysés dans leurs gestes, alors que les promoteurs davantage sur le terrain – et les politiciens suivant des traditions maintenant dépassées – n’ont pas cette compréhension, et foncent dans le mur.
Les prix établis par les mécanismes du paradigme actuel ne suffisent pas pour aider à s’adapter à une « récession » permanente et à la fin du paradigme économique actuel, la fin de la croissance – même s’ils en sont non seulement un indicateur, mais une cause. L’article de Bill McKibben sur la « mathématique terrifiante » des changements climatiques constate l’échec de l’ensemble de ses efforts depuis trois décennies, mais McKibben cherche néanmoins à lancer une nouvelle campagne dans la même veine contre les détenteurs des réserves de combustibles fossiles.
Selon les analystes du Carbon Tracking Initiative, les investisseurs dans les entreprises possédant ces réserves se trouvent devant un risque très important de perdre leurs investissements, de se retrouver avec des « stranded assets », en fonction d’une baisse de valeur de ces entreprises résultant des perturbations appréhendées et de l’impossibilité de « mettre en valeur » leurs réserves.
Mise à jour de Halte à la croissance!
L’économie biophysique offre des pistes importantes pour éviter les effondrements des systèmes naturels et économiques projetés par Halte à la croissance!. L’analyste australien Graham Turner a comparé récemment la cohérence avec les données réelles des projections des trois scénarios de Halte!, celui du « business as usual », celui de la technologie compréhensive et celui d’un monde stabilisé. Les projections de ce travail vieux de 40 ans sont transformées en prédictions par la comparaison. C’est le premier, qui est, finalement, le scénario du pire aussi, qui correspond aux données pour la période de 40 ans [40].
Figure 17 : Une partie du travail du Club de Rome, mise à jour par Turner 1970-2010
Turner superpose les courbes pour les données réelles sur le graphique du scénario de base, dans la figure 18 [41].
Figure 18 : Le scénario « business as usual » du Club de Rome, mis à jour par Turner
Turner résume les résultats de son travail sur le scénario de base de Halte ! en ce sens, rappelant en même temps la conclusion de Grantham dans son suivi de l’Indice de 33 commodités de GMO, à l’effet qu’il y a un changement de paradigme en cours :
L’effondrement projeté dans le scénario de base résulte à prime abord de l’épuisement des ressources et de la réponse du modèle qui détourne du capital d’autres secteurs pour permettre l’accès à des ressources devenues moins accessibles. La preuve que ce mécanisme s’applique dans le monde réel est fournie par une comparaison avec les données sur l’énergie requise pour obtenir le pétrole. De fait, l’ÉROI a baissé de façon importante au cours des dernières décennies, et ceci est cohérent quantativement avec le paramètre en cause dans le modèle World3. Cette confirmation du mécanisme clé du modèle qui soutient la dynamique du scénario de base renforce la véracité de ce scénario. L’enjeu du pic du pétrole a également influencé l’accès alimentaire et a joué de façon évidente un rôle dans l’effondrement financier global actuel. Bien que cette crise ne soit pas le reflet direct de l’effondrement dans le scénario de base, elle peut bien y être associée indirectement.
La corroboration ici du scénario de base de Halte ! implique que l’attention scientifique et publique accordée au changement climatique, bien qu’importante, est hors de proportion avec, et même une influence délétère qui distrait de l’enjeu des contraintes en regard des ressources, et en particulier du pétrole. En effet, si un effondrement global s’avère comme dans ce scénario de base de Halte !, les impacts associés à la pollution seront résolus dans l’ordre des choses, bien que pas dans un sens idéal quelconque.[42]
En effet, on voit dans le graphique de ce scénario de base du travail de 1972 que la courbe pour la pollution indique un effondrement subséquent à celui de la production industrielle per capita.
Conclusion
Nous sommes avertis. Poursuivre les batailles environnementales et sociales sans inclure directement et explicitement les paramètres économiques en cause dans les crises actuelles nous condamne à poursuivre l’échec des dernières décennies. Continuer à rechercher de meilleures orientations pour la société sans remettre en question le modèle de croissance en cause nous mène à l’effondrement et d’énormes pertes sociales et environnementales. La période de ressources abondantes et bon marché est terminée, pour toujours, comme le soulignent Grantham, l’analyste financier, et Turner, l’analyste de systèmes, suivant des projections vieilles de 40 ans et dramatiquement prescientes. La recherche de modulations dans le modèle actuel est vouée à l’échec.
C’est le temps pour la société civile à faire siennes les analyses de système au cœur des travaux de ce qui est la principale référence des « catastrophistes », Halte à la croissance !, et d’intégrer dans ses interventions les principes de l’économie biophysique contemporaine fondée sur les mêmes principes scientifiques, pour sortir du modèle actuel et chercher à prévenir la catastrophe. Penser « sortir de l’économie du désastre » doit impliquer une meilleure compréhension des désastres non reconnus dans Sortir, compréhension qui met en question de grands pans de notre activité économique et sociale.
[1] Bernard Élie et Claude Vaillancourt, coordonnateurs, Sortir de l’économie du désastre : austérité, inégalités, résistances, M Éditeur, 2012
[2] China 2030 – http://www.worldbank.org/content/dam/Worldbank/document/China-2030-complete.pdf Voir aussi http://www.gaiapresse.ca/fr/analyses/index.php?id=160 « Post-Copenhague : la destruction mutuelle assurée » et http://gaiapresse.ca/analyses/echec-et-mat-la-fin-du-mouvement-environnemental-selon-jeff-rubin-290.html « Échec et mat? La fin du mouvement environnemental selon Jeff Rubin »
[3] Perspectives de l’environnement de l’OCDE à l’horizon 2050 : Les conséquences de l’inaction – http://www.oecd.org/document/15/0,3746,fr_2649_37465_49673487_1_1_1_37465,00.html Voir aussi http://gaiapresse.ca/analyses/le-paradigme-economique-et-ses-defis-une-reductio-ad-absurdum-pour-rio20-280.html « Le paradigme économique et ses défis : Une reductio ad absurdum pour Rio+20 »
[4] Voir l’article en référence à la note 2. Nous revenons à ces travaux à la fin de ce texte. Il n’est pas nécessaire de chercher une grande précision dans la validation, un horizon d’une ou deux décennies étant suffisamment préoccupant pour revoir nos façons de faire.
[5] Nous insistons sur des indications propres à la situation actuelle, en mettant un accent sur la nouveauté qui est caractérisée par des contraintes presque absolues en termes de matière et énergie de basse entropie et la mise en cause du fonctionnement des écosystèmes planétaires associée à nos rejets de haute entropie. Nous ne cherchons pas à regarder la possibilité que cette situation s’insère dans des cycles économiques à grande échelle. Le mathématicien russe Kondratieff a proposé en 1923-1924 l’existence de grands cycles économiques de l’ordre de 70-80 ans, cycles qu’il a pu documenter sur une période de plus de 300 ans (avec des données débutant vers 1600). Sur la base de ces travaux, il a annoncé une crise majeure pour la fin des années 20 et le début des années 30. Carmen M. Reinhart, professeure d’économie à l’Université du Maryland, et Kenneth S. Rogoff, professeur d’économie à Harvard, ont proposé que depuis le Moyen-Âge les crises financières présentent de nombreux traits communs et qu’on est probablement en plein milieu de la fin d’un cycle et du début d’un nouveau. La 3ème phase, dans laquelle nous nous trouverions, serait celle où tous les problèmes qui ont été repoussés reviennent en force. On cherche à les régler à coup d’expédients, ce qui ne ferait que retarder l’arrivée du prochain cycle – ou de l’effondrement, tout simplement.
[6] Voir http://en.wikipedia.org/wiki/Jeremy_Grantham . On y note que Grantham a été identifié par Bloomberg Markets parmi les 50 personnes les plus influentes au monde dans les domaines de la finance, parmi les 10 « money managers » d’entre elles.
[7] Voir http://www.theoildrum.com/node/7853 Les tableaux des pages 8 et 9 sont particulièrement pertinents. On peut trouver une critique de son rapport par Tradersnarrative à http://tradersnarrative.wordpress.com/2011/04/26/grantham-days-of-abundant-resources-are-over-forever/ où l’auteur note que Grantham est « one of the luminaries of the investment world at the top of his game ».
[8] Voir http://www.gmo.com/websitecontent/JG_LetterALL_11-12.pdf GMO Quarterly Letter, novembre 2012 : « On the Road to Zero Growth », p.2. Notre traduction. En effet, une baisse de la demande pourrait bien figurer dans une perspective où les coûts augmentent, entraînant une « récession » permanente.
[9] Voir http://gaiapresse.ca/analyses/echec-et-mat-la-fin-du-mouvement-environnemental-selon-jeff-rubin-290.html « Échec et mat ? La fin du mouvement environnemental selon Jeff Rubin »
[10] Dans le texte cité, Grantham établit la date possible pour un effondrement du système entre 2023 et 2043.
[11] Nous reviendrons à la fin de ce texte aux projections du Club de Rome, aujourd’hui corroborée par les données réelles, et qui ciblent la même période que celle indiquée par Grantham.
[12] Semble-t-il, ceci ne cause pas nécessairement de problèmes pour les investisseurs qu’il conseille; les actions dans les secteurs des commodités iront raisonnablement bien, selon son analyse – du moins pour un certain temps.
[13] Source : Harvey L. Mead avec la collaboration de Thomas Marin, L’indice de progrès véritable : Quand l’économie dépasse l’écologie, MultiMondes, 2011, tableaux de données en ligne. La ligne pointillée indique le niveau de croissance estimée nécessaire pour éviter un chômage structurel; la croissance économique du Québec est en-dessous de ce niveau depuis 30 ans.
[14] Les racines de ce mouvement remontent aux années 1970, avec les travaux de Nicholas Georgescu-Roegen. Voir entre autres The Entropy Law and the Economic Process (1971) et Energy and Economic Myths (1976).
[15] L’ensemble de présentations du colloque se trouve à http://www.uvm.edu/~jdericks/BPE4/BPE4-FinalSchedule-21Oct12bpk.htm . Les références dans cet essai se feront en indiquant seulement le nom de l’auteur de la présentation. En effet, cet essai constitue une sorte de compte-rendu commenté de la conférence.
[16] Les économistes « hétérodoxes » se distinguent de leurs collègues « orthodoxes », néoclassiques, voire néolibéraux, par leurs orientations et leurs préoccupations plutôt de gauche, mais semblent rejoindre les autres dans leur conviction que le progrès dépend de la croissance de l’activité économique.
[17] Cf. l’article de Bill McKibben, « Global Warming’s Terrifying New Math », Rolling Stone 1162, 2 August 2012 – http://www.rollingstone.com/politics/news/global-warmings-terrifying-new-math-20120719 . Voir aussi la référence à l’article de GaïaPresse dans la note 2 pour une mise en contexte autre de cette donnée « terrifiante ».
[18] Tiré de la présentation de Hall et Murphy au colloque, diapositive 55. Les articles cités dans la note 20 et 21 permettent d’en saisir les implications.
[19] Présentation d’Alexandre Poisson, diapositive 12. Egan Waggoner a fourni une analyse de l’ÉROI du pétrole extrait des schistes de Bakken, surtout dans la Dakota du Nord aux États-Unis. L’Annexe A du texte de 2012 de Grantham cité dans la partie 1 fournit une analyse financière de cette situation. L’ÉROI préliminaire de ce pétrole est environ 13, mais les réserves en paraissent plutôt marginales par rapport à celles du pétrole conventionnel.
[20] En général, les « énergies renouvelables » (éolienne, solaire, géothermale, autres) ont un ÉROI semblable à celui du pétrole conventionnel contemporain, et beaucoup plus bas que ceux des combustibles qui ont alimenté la croissance de la longue période de prospérité après la Deuxième Guerre mondiale. Nous n’en parlons pas dans le présent article, mais ce constat comporte d’importantes conséquences pour la transition, tout comme le fait que les combustibles fossiles non conventionnelles (sables bitumineux, pétrole et gaz de schiste, pétrole en eau profonde ou en Arctique, etc.) ont également un ÉROI bas. Seul le charbon représente un ÉROI élevé. Voir http://www.mdpi.com/2071-1050/3/10/1796 pour un survol des données actuelles à ces égards.
[21] Pour une présentation de cette interprétation, voir « What is the Minimum EROI that a Sustainable Society Must Have? » Charles A. S. Hall, Stephen Balogh et David J.R. Murphy – http://www.mdpi.com/1996-1073/2/1/25
[22] Hall et Murphy, diapositive 17. Rubin présente le même constat dans ses récents livres.
[23] Ibid. diapositive 11
[24] Hall et Murphy, dispositive 51
[25] Ibid., diapositive 20
[26] Ibid., diapositive 23
[27] Le chapitre de Mousseau dans le livre Sortir de l’économie du désastre est pertinent et intéressant, mais ne se penche pas sur cet élément critique de l’analyse, ni ne cible les combustibles fossiles lorsqu’il est question de ressources non renouvelables. Tout le dossier de l’exploitation des ressources non conventionnelles, dont le pétrole et le gaz de schiste, mérite un traitement dans une analyse à part, mais ne remet pas en question les analyses présentées ici.
[28] Hall et Murphy, diapositive 37
[29] Il n’était pas par contre évident qu’ils saisissaient les enjeux tels que présentés par les économistes biophysiques, dont ceux associés à l’ÉROI.
[31] Kopitz diapositive 9. La prétention de devenir auto-suffisants avec l’exploitation de gaz et de pétrole de schiste mérite un traitement à part.
[32] Il faut rappeler le changement de paradigme de l’Indice des commodités de GMO; les contraintes pour la Chine et d’autres pays émergents ne sont pas seulement en termes de combustibles…
[33] Ibid. diapositive 12; l’EIA est l’Energy Information Administration des États-Unis, et l’IEO est l’International Energy Outlook de l’EIA. Les projections concernent sa capacité interne de production. Il ne semble pas que la programmation de la Banque mondiale et du Gouvernement de la Chine dans China 2030 tienne suffisamment compte de ces contraintes.
[34] Ibid., diapositive 13
[35] Voir http://www.sandersresearch.com/ . « Caveaut emptor : Investing in the Second Half of the Age of Oil ». Il est à noter que ces deux conférenciers se distinguaient nettement du troisième, Peter Tcherepnine de Loeb Partners Management ) http://investment-advisors.findthebest.com/l/33414/Loeb-Partners-Management-Inc ). Tcherepnine, parmi les quelques 3 % des investisseurs qui suivent encore les compagnies inscrites en bourse plutôt que de suivre l’approche algorithmique décrite par Sanders et suivie par la vaste majorité d’investisseurs, a présenté sa façon de tenir compte des enjeux énergétiques dans l’évaluation financière des grandes corporations; tout en fournissant un exemple des grands investisseurs de Wall Street, il s’est montré incapable de reconnaître les enjeux débattus au colloque.
[36] Voir Sanders diapositive 16
[37] Ibid. diapositive 6
[38] Dennis L. Meadows, Donnela H. Meadows, Jörgen Randers, William W. Behrens III, The Limits to Growth : A Report for the Club of Rome’s Project on the Predicament of Mankind, 1972, p.102-103.
[39] Meadows, diapositives 4 et 5
[40] Graham Turner, « On the Cusp of Global Collapse? Updated Comparison of The Limits to Growth with Historical Data », Gaïa – Ecological Perspectives for Science and Society, 21(2), 116-124, p.121 – http://www.ingentaconnect.com/content/oekom/gaia/2012/00000021/00000002/art00010. Nous présentons dans cette figure les résultats pour seulement deux des éléments en cause, portant sur les ressources et sur la pollution (finalement, les changements climatiques). Ce document fournit les détails de la recherche, qui est présentée plus généralement dans « Population Growth : Have We Reached the Limits to Growth? », Chemistry in Australia, octobre 2012 – http://search.informit.com.au/documentSummary;dn=874844875283097;res=IELENG
[41] Graham Turner, « A Comparison of The Limits to Growth with Thirty Years of Reality » (2009) – http://www.csiro.au/files/files/plje.pdf Turner a poursuivi et rapporte que les données pour 40 ans continuent à confirmer l’intérêt des travaux de Meadows.
[42] Turner, op. cit. 2012 dans Gaïa, p.123. Le modèle de Halte! s’appelle World3.