Pour son calcul de la quantité de gaz à effet de serre que l’humanité pourra émettre sans compromettre profondément les chances d’éviter que le climat ne s’emballe, le GIEC identifie les émissions de CO2 occasionnées par la combustion de pétrole, de charbon et de gaz et par la production du ciment, environ 70% de toutes les émissions. Le calcul n’inclut pas une prise en compte des émissions des autres gaz à effet de serre comme le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O). Comme le résume pour décideurs du rapport du premier groupe de travail du GIEC souligne (p.25-26), tenir compte de ces autres émissions exigerait des réductions correspondantes dans les émissions anthropogéniques de CO2.
Le calcul du budget carbone utilisé par le DDPP dans son récent rapport préliminaire s’avère donc très conservateur, c’est-à-dire très en dessous de ce qui est vraisemblablement nécessaire pour éviter un réchauffement excessif de la planète. Tel qu’esquissé dans la première partie de cet article, les travaux du DDPP estiment néanmoins qu’il faudrait presque éliminer l’utilisation de l’énergie fossile pour respecter notre budget carbone. Du moins, les émissions par personne doivent être réduites de 70% et la capture et la séquestration des émissions restantes s’avèrent clé dans leurs projections. Bref, le DDPP, dont les scénarios frôlent l’irréalisme, nous donnent une bonne idée des énormes défis en cause pour la COP-21 à Paris en décembre 2015.
En dépit du fait que la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec a montré de façon convaincante qu’il sera impossible d’atteindre une réduction des émissions du Québec de 20% d’ici 2020, l’ensemble des acteurs continuent à prôner cet objectif (qui était une réduction de 25% pour le gouvernement précédent). Nous semblons être devant une situation au Québec où la reconnaissance de l’impossibilité d’atteindre en suivant notre paradigme actuel nos propres objectifs, beaucoup trop restreints, aboutit à une sorte de paralysie (pour voir des indications que le présent gouvernement n’a pas l’intention de l’atteindre, voir le dossier de la cimenterie Port-Daniel).
De la même façon, il est difficile de croire que les auteurs de Deep Decarbonization et de ses stratégies pays par pays (DDP) croient en leurs propositions, tellement elles exigent des interventions que l’on doit juger irréalistes. Le travail fait fi de tout ce qui a bloqué celles des mouvements environnemental et social pendant des décennies : croissance économique prioritaire, contraintes politiques, intérêts divergents, actifs et investissements majeurs confrontés à un échouage, recherche de compétitivité alors que tout dépend dans le DDPP d’une collaboration à l’échelle planétaire. Plus important, probablement, il y a la question des coûts, que les auteurs du DDPP remettent à une deuxième étape de leur travail, la première étant consacrée de façon presque exclusive à détailler les approches technologiques concevables. Le tout se fait, par ailleurs, sans aucune prise en considération d’autres contraintes, d’autres crises ; le DDPP ne cherche que les moyens d’éviter un emballement du climat maintenant qu’ils sont convaincus, enfin, qu’il s’agit d’une véritable menace.
Les stratégies pays par pays, le test
Pour ce dossier, c’est un peu le message de l’économie verte en général, où on nous présente les propositions du mouvement environnemental maintenant repris par des entrepreneurs, des gouvernements, par tout le monde – ou presque… Deep Decarbonization, mené par des gens les plus sérieux du monde, propose en fait qu’il faudra reconnaître le caractère de «stranded assets» – des actifs échoués – pour la plus grande partie des réserves fossiles, se confrontant à la réalité déjà en place et créant de nombreux problèmes politiques.
On peut jeter un coup d’œil aux scénarios (préliminaires) pour 4 des 15 pays, l’Australie, la Chine, le Canada et les États-Unis, pour se donner une petite idée (le commentaire de Paul Racicot sur la première partie de cet article allait dans ce sens). Pour atteindre l’objectif du respect du budget carbone, le DDPP propose qu’il faut que l’Australie élimine complètement l’utilisation du charbon (tout en gardant une industrie pour l’exportation, mais cela vers des pays qui réduisent eux-aussi leurs émissions)…. Un changement radical récent dans les orientations gouvernementales (avec un changement de gouvernement) va tout simplement dans le sens contraire, et est en train d’éliminer les énergies renouvelables.
L’exploitation des sables bitumineux au Canada serait stabilisée selon son DDP, contrairement aux intentions profondes du gouvernement et des investisseurs de les voir s’accroître. Tout ce qui bouge dans le secteur sera assujetti aux exigences de la capture et de la séquestration des émissions. En même temps, on note que cette technologie est devenue hors de prix et est en train d’être abandonnée.
Le DDP pour la Chine, suivant les orientations de China 2030, prévoit l’urbanisation d’environ 13 millions de personnes par année, et reconnaît les immenses quantités d’acier et de ciment qui seront requises, générant d’emblée d’immenses quantités d’émissions correspondantes. Pour éviter ce résultat, le DDP compte sur des améliorations substantielles dans la l’énergie nécessaire pour la production de ces deux intrants (entre autres), tout en ciblant des technologies en basse teneur de carbone pour l’ensemble du secteur de la construction. Le PIB par personne du pays, le plus populeux du monde, s’accroîtra de six fois d’ici 2050, là aussi suivant les orientations du travail de la Banque mondiale et du Gouvernement de la Chine dans China 2030.
À la lecture du DDP pour les États-Unis, on est surtout frappé par ce qui semble être des incertitudes partout, sauf en ce qui concerne la croissance de son PIB, le plus important du monde; l’activité économique de ce pays augmentera de 269%… On se bute ici aux constats de l’OCDE dans son travail sur l’économie verte préparatoire pour Rio+20 en 2012; les auteurs ont constaté que les projections du style «business as usual» nous mènent dans le mur, et ont fait une révision en profondeur de l’ensemble des défis qu’il faut relever avant de sortir leur document.
Paris 2015: un défi hallucinant…
L’objectif de la rencontre des Nations Unies en septembre prochain sera de maintenir la pression en vue de la COP-21 à Paris en décembre 2015, où le défi sera de trouver les mesures permettant d’éviter un réchauffement au-delà de 2 degrés C. Deep Carbonization et ses suites visent à fournir un contenu pour de telles mesures. Avec cette initiative, ces promoteurs d’une économie verte font ressortir le défi des changements climatiques du domaine des externalités, implicitement gérables, et foncent.
Les autres enjeux restent, semblerait-il, des externalités à gérer, que ceux-ci soient la disponibilité des ressources non renouvelables essentielles pour la mise en œuvre même des différentes technologies ciblées, le maintien de la biodiversité nécessaire pour l’alimentation de centaines de millions de personnes (ex. les écosystèmes halieutiques) pendant la «transition» ou la simple disponibilité de l’eau nécessaire pour l’importante activité industrielle fondamentale dans le portrait esquissé sans même tenir compte des besoins en agriculture et en eau potable pour l’ensemble de l’humanité.
Tout est axé sur la réduction massive des émissions pour éviter que les changements climatiques deviennent hors de contrôle, essentiellement par un recours tout aussi massif à des interventions technologiques. Il n’est évidemment pas possible de s’attaquer en même temps à l’ensemble des questions qui nous confrontent, et ce défi est parmi nos plus grandes priorités. Il est néanmoins nécessaire de tenir compte de l’ensemble des enjeux dans nos interventions, telles celles du DDPP, mais aussi telles celles des chercheurs dans les domaines touchant les écosystèmes. Comme Living Beyond Our Means le souligne, ce deuxième groupe de mesures constitue finalement un prérequis pour le premier groupe, suivant en cela les principes de l’économie écologique.
Il est presque hallucinant d’essayer d’imaginer la suite de l’étude du DDPP pour le seul enjeu des changements climatiques, aussi important soit-il. Elle va essayer de mettre de l’avant le budget financier – les coûts impliqués et les sources de revenus pour les couvrir – pour l’ensemble des interventions technologiques extrêmement importantes qu’il juge requises par le respect du budget carbone, alors que les contraintes financières actuelles sont tellement importantes qu’il est raisonnable de constater que nous ne sommes même pas sortis (encore…) de la Grande Récession. L’ensemble des pays de la planète sont déjà endettés au-delà de leurs moyens d’envisager le remboursement. Et l’endettement n’est pas que financier ou monétaire, comme Living Beyond Our Means le souligne en insistant sur l’endettement écologique.
Le défi est toujours de rendre notre développement soutenable; nos interventions technologiques ou autres visent à assurer un bien-être pour les milliards d’êtres humains que nous sommes. Pour le répéter, sans régler cet endettement écologique, plus global que celui touchant le seul climat, nous ne pouvons espérer régler la question de la pauvreté, sujet du livre de Sachs en 2005 et cible prioritaire des Objectifs du Millénaire. Qu’on pense avoir atteint certains objectifs des ODM, par exemple en voyant des milliards de personnes ayant au moins 1.25$ par jour, laisse encore de la place pour amélioration… Et nous savons que l’objectif d’atteindre le respect de la capacité de support de la planète ne sera pas atteint.
… à travers des projections pour une croissance économique de 346% d’ici 2050
À moins de maintenir, comme axiome dans le modèle économique conçu de façon presque mathématique, que la croissance sera telle que tout cela pourra se régler comme à l’occasion dans le passé. Le DDPP prend comme une évidence que la croissance économique continuera, doit continuer et que toute proposition pour Paris 2015 qui n’endosse pas cette évidence recevra un accueil glacial de la part des décideurs politiques. Le deuxième rapport du DDPP, prévu pour dépôt en 2015 avant la rencontre de Paris, est censé chercher à intégrer l’ensemble des enjeux, précisant dans le détail comment nous pourrons atteindre les deux objectifs de croissance économique robuste (346% d’ici 2050, p.28) et de décarbonisation profonde (p.xi). Il n’y a pas dans Deep Carbonization, il n’y aura pas dans les rapports à venir, l’expression du moindre soupçon que cette croissance est ce qui nécessite la décarbonization profonde mais que les deux objectifs sont contradictoire (on peut encore regarder le dossier de la cimenterie de Port-Daniel pour voir l’application de l’axiome au Québec).
Nulle part l’équipe sous la direction de Sachs ne suggère et ni suggérera une prise en compte, également dans le détail, des constats du Millenium Ecosystem Assessment à l’effet que «la mise en œuvre des technologies et des connaissances ne se fera pas tant que les services écosystémiques resteront libres et sans limites aux yeux des décideurs» (Living Beyond Our Means, p.3). Pourtant, les travaux du Millenium Ecosystem Assessment montrent que le bilan comporte déjà beaucoup plus de rouge que de noir, qu’en dépit d’énormes progrès, nous avons dépassé la capacité de support de la planète, non seulement face à nos émissions de GES, mais de façon générale. Nous sommes déjà en train de dépenser notre capital à grande échelle, avant même d’imaginer les énormes investissements nécessaires pour les DPP, les programmes pays par pays. Le calcul du rapport de septembre sur les façons de payer les interventions technologiques projetées sera nécessairement fait en fonction d’une croissance du PIB des pays en cause, finalement, pays riches et pays pauvres.
Presque une décennie après la publication de l’Assessment et de The End of Poverty, nous voilà toujours, mais de façon de plus en plus dramatique, confrontés à un «choc de cultures», celle des scientifiques qui regardent le monde naturel dans l’ensemble de ses dimensions et constatent un bilan négatif qui s’accroît, celle des économistes qui suivent les traces d’un modèle qui a permis un progrès remarquable d’une partie importante de l’humanité pendant la période après la Deuxième Guerre mondiale mais qui ciblent toujours une sortie du bilan négatif qu’ils constatent. La paralysie que je constate au Québec se manifeste à la grandeur de la planète.
Une «entente forte sur le climat» à COP-21, vraiment?
L’expression, le souhait, sont du DDPP. L’ensemble des rapports pour les pays (les DDP) partagent, dans le travail du DDPP, plusieurs hypothèses jugées nécessaires pour les rendre réalisables, cela dans un contexte axiomatique de croissance : il y aura suffisamment de recherche et de déploiement des technologies à basse teneur en carbone, et suffisamment de coopération internationale, pour rendre les technologies viables et disponibles à grande échelle; il y aura certaines nouvelles technologies critiques qui deviendront compétitives et abordables par un ensemble de mesures prises è l’échelle internationale; les technologies à basse teneur en carbone seront rendues disponibles à l’ensemble des pays par différents moyens, entre autres par des mécanismes de financement et par l’élimination des barrières (p.xviii).
Les auteurs de Deep Decarbonization, dont l’économiste Sachs, oublient en effet ce que Turner nous montre dans «On the Cusp of Global Collapse?», que mettre trop d’accent sur les changements climatiques nous fait oublier que – suivant les projections de Halte mises à jour avec les données réelles sur 40 ans – le détournement de fonds pour les ressources devenant de plus en plus rares et de plus en plus chères, dont celles nécessaires pour notre fonctionnement énergétique de base, mais aussi celles nécessaires pour l’énorme intervention requise pour contrôler nos émissions de GES – ce détournement nous mène dans le mur. Comme Turner conclut, «la corroboration du scénario de base de Halte implique que l’attention scientifique et publique accordée au changement climatique, tout en étant importante, est hors de proportion avec l’enjeu des contraintes de ressources, voire distrait de façon délétère de cet enjeu, en particulier celui du pétrole. Si l’effondrement global arrive tel que projeté par le scénario de base de Halte, les impacts seront résolus, mais non d’une façon idéale» (p.123).
Les auteurs de Deep Decarbonization «règlent» le défi du pétrole et des autres énergies fossiles en en éliminant l’utilisation. Ils ne règlent pas le défi de toutes les autres ressources, surtout non renouvelables, nécessaires pour que leurs hypothèses soient crédibles et qu’il y ait ce déploiement massif des technologies au fil des 35 années qui viennent. Leur culture semble clairement négliger, voire éliminer les problèmes soulevés par le Millenium Ecosystem Assessment (et une multitude d’autres travaux), maintenant l’insistance sur la croissance économique robuste en l’imaginant quasiment virtuelle quant à ses fondements, de moins en moins matériels, croient-ils.
On dit que les environnementalistes veulent tout bloquer, et sont irréalistes dans leurs propositions (depuis longtemps). Le travail du DDPP, conseiller de Ban Ki-Moon, est tellement plus irréaliste que les écologistes sembleraient presque des sages sauf que, pour bon nombre, ils partagent la confiance dans l’économie verte qui motive le DDPP… Tout comme l’IRIS a montré les limites dans notre effort de contrôler nos émissions, au Québec, le DDPP a l’énorme mérite de montrer les mêmes limites, à l’échelle planétaire, et l’échec prévisible de Paris 2015.
MISE À JOUR Tout récemment, l’Agence internationale de l’énergie a publié un rapport qui renverse ses prévisions pour les États-Unis de 2012 à l’effet que ce pays allait dépasser l’Arabie Saoudite comme exportateur de pétrole. Le nouveau rapport suggère que d’ici 2020 les États-Unis seront de retour à une dépendance d’importations du Moyen Orient. Voir le commentaire sur le reportage du PBS sur le site intégral permaculture.
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À l’échelle planétaire, les mois de mai et de juin 2014 furent les plus chauds depuis 1882, je crois. Placotant avec les locataires du six-plex que j’habite, je leur conseille d’apprendre à leurs enfants à jardiner à leurs côtés. J’arrose chaque jour mes fines herbes et je regarde pousser les plants de tomates que Steve a plantés à l’arrière du bloc.
Pour le moment, tout va bien. 😉
Je n’ai rien à ajouter, la démonstration est sans appel et le résultat, des plus prévisibles. Je vous laisse ceci à titre de mot d’encouragement, bien qu’«encouragement» ne soit peut-être pas le mot le plus approprié dans ce contexte!
Je partage le pessimisme ou plutôt le réalisme de MM. Racicot et Gauthier. Quand près des deux tiers de l’humanité adhèrent encore à des explications religieuses pour comprendre le monde et la civilisation dans lesquels nous vivons, quand un autre tiers, dans sa pluralité, ne se montre satisfait que dans la préservation de son mode de vie opulent comparativement à celui des autres, il y a de quoi désespérer de la condition humaine.
Toutefois, un regard plus froid m’incite à penser que notre espèce n’est pas différente des autres et que ce sont les changements apportés à son biotope qui commandent les transformations entraînant soit son adaptation, soit sa disparition. Nous sommes déjà entrés dans une telle ère. Or, la mémoire génétique est devancée au sein de notre espèce par la mémoire culturelle, mais ce sont les mêmes contraintes qui s’appliquent à l’une ou l’autre, permettant l’assimilation du changement ou l’accommodation à celui-ci. L’assimilation, dans ce cas, s’apparente à la résilience d’une culture vis-à-vis du changement; l’accommodation génère des transformations brusques, des effondrements, des ruptures, d’où parfois peuvent émerger de nouvelles adaptations (voir la théorie évolutive de la saltation de Gould). Toutefois, les traits culturels aptes à assurer la mutation de notre civilisation doivent déjà être présents sous une forme ou une autre pour que ceux-ci puissent un jour devenir dominants. Quels sont-ils?
Se pourrait-il qu’ils résident dans une remise en question fondamentale de la propriété privée en relation avec le bien commun, dans un rejet de l’assimilation des droits de l’entreprise, vue comme une « personne morale » disposant des mêmes droits qu’un individu, dans la compréhension que le désir d’accumuler toujours plus de richesse correspond à une maladie, la ploutopathie, qu’il faudrait plutôt soigner, et que la coopération plutôt que la compétition est au cœur du bien vivre de notre espèce comme de bien d’autres?
Malheureusement, rien ne garantit que ce sont ces remises en question qui prévaudront; on peut s’attendre plutôt à une fuite vers l’avant autour de régimes de plus en plus autoritaires tentant de préserver les privilèges de l’oligarchie… jusqu’à l’effondrement final de cette civilisation mondialisée dans des conflits autodestructeurs, desquels survivront quelques poches d’humains pris au piège de conditions environnementales dégradées jusqu’à l’extrême: mers polluées, vidées de leurs ressources et envahissant les littoraux, chaleurs accablantes et régimes climatiques exacerbés, écosystèmes perturbés sinon détruits, zones dévastées pour des millénaires par les radiations héritées de notre usage du nucléaire tant à des fins pacifiques que peut-être même militaires. Je pourrais poursuivre cette liste des calamités annoncées, mais non, car elle se retrouve bien détaillée dans une publication telle que «Vivre au-dessus de nos moyens» du Millenium Ecosystem Assesment (voir http://www.millenniumassessment.org/fr/Index-2.html).
Cet horizon dual où la frontière entre l’effondrement et la survie devient aussi incertaine, pouvant basculer entre l’une et l’autre option, se dessine maintenant. Ce sont nos efforts actuels qui en nourrissent les possibles bifurcations. Cet avenir n’est pas linéaire, il s’apparente aux modèles issus de la théorie des catastrophes de René Thom dans lesquels des systèmes dynamiques non linéaires sont à l’œuvre. Comment faire pour que les bruissements d’ailes des papillons que nous sommes engendrent les changements colossaux que l’avenir réclame? Je n’en sais rien, sinon que cette allégorie a ses limites. Aussi, je milite pour le développement d’alternatives qui ne soit pas le produit d’un repli sur soi ou sur sa seule communauté (comme dans l’approche des «villes en transition»). C’est le coopératisme qui constitue pour moi une partie de la solution au blocage de notre adaptation aux conditions changeantes déjà prévues il y a 42 ans par le Club de Rome. Même si je sais qu’au sein du monde des coopératives, l’on y trouve des comptables ne remettant rien en question, particulièrement dans les préceptes de l’économie orthodoxe, je sais aussi que l’on y retrouve les porteurs d’un changement de culture. Or c’est à ceux-ci que je m’identifie, car ils incarnent plus que les premiers la nature même du coopératisme.
Voilà écrit en quelques mots ce qui me désespère, m’anime et m’encourage tout à la fois.
Pierre-Alain Cotnoir dit qu’il est d’accord avec Paul Racicot, mais je suggère que la fin de son commentaire indique une position qui rejoint plus la mienne. Il rejette «le repli sur soi ou sur sa seule communauté», ce qui semble décrire une partie de ce que Paul Racicot décrit, pour favoriser un mouvement coopératif (mais n’inclut pas dans un tel mouvement, je ne sais pas trop pourquoi, celui des villes en transition).
De mon coté, je n’écris pas pour exprimer un découragement mais pour essayer de maintenir un dialogue, dans l’espoir que la paralysie que je vois au sein des groupes environnementaux, par exemple, soit transformée en des interventions qui partent du constat de notre échec. Consacrer les prochains dix-huit mois à un effort de préparer la COP-21, en pensant que cette rencontre pourra aboutir à une entente à la hauteur de ce que le GIEC juge nécessaire, évite justement une mobilisation pour préparer «l’accommodation».
Pierre-Alain nous fournit le lien pour le document Living Beyond Our Means dans sa version française, alors que j’en fournissais le lien pour la version anglaise. Il y a quelque temps, il nous a fourni le lien pour la version originale anglaise de Vivement 2050!, alors que j’en utilisais la version française! Merci.