Cet article cherche à suggérer que les interventions face au projet d’oléoduc Énergie Est (tout comme face à la multiplicité d’études stratégiques ou moins stratégiques touchant l’ensemble du secteur énergétique) doivent s’insérer dans un cadre plus global qui dépasse la simple référence aux sables bitumineux comme étant la source de pétrole parmi la plus sale qui soit et qui tiennent compte des défis quantifiés qui définissent les débats maintenant.
Pour l’ex-environnementaliste que je suis, les débats sur l’oléoduc Énergie Est mènent à une réflexion plus large et en plusieurs étapes. Soit l’oppposition est fondée sur les risques associés au fait que cet oléoduc va traverser, entre autres, de nombreuses rivières et de nombreuses communautés dans la province. Dans un tel cas, elle continue dans la lignée du mouvement environnemental établie depuis des décennies, à la recherche de mitigations face aux impacts du développement. On en connaît les résultats, un échec sur le plan global à travers des victoires occasionnelles au niveau local. Soit l’opposition refuse les risques en cause, tout en acceptant que de tels risques soient encourus par de nombreuses autres sociétés, entre autres pour nous approvisionner en pétrole. (On reconnaît que le pétrole qui passera par l’oléoduc servira surtout pour l’exportation, mais cela ne change rien quant aux risques et aux impacts subis ailleurs.)
Soit l’opposition cherche à bloquer l’expansion de l’exploitation des sables bitumineux, celle déjà en cours ayant les moyens de transporter ses produits par les oléoducs, les voies ferrées et les voies navigables existants. Dans un tel cas, l’opposition cible davantage que les autres cas les orientations économiques du pays (du moins, celles du gouvernement Trudeau) où cette exploitation figure comme pilier central, avec d’autres, pour assurer une croissance économique.
Les deux premiers cas se situent dans une longue histoire d’interventions environnementales, et il n’y a pas beaucoup à ajouter, sauf pour signaler qu’elles ne voient pas assez grand. Dans le troisième cas, soit l’opposition croît que la croissance pourra se faire autrement, en mettant davantage d’accent sur le secteur manufacturier, par exemple, et les suites se feront ainsi par les agents économiques. Ce faisant, elle met en évidence une adhésion au modèle économique actuel et prône la poursuite du développement, prévoyant maintenir ses efforts à mitiger les impacts de celui-ci mais en éliminant au moins ceux de l’exploitation des sables bitumineux, en partie.
Soit l’opposition accepte un avenir probablement sans croissance – une sorte de «récession permanente» selon l’analyse de Tim Morgan – , et elle s’oriente en fonction d’une nouvelle vision de la société dont il faut dresser le portrait. Une telle vision comportera des changements importants et, vraisemblablement, une baisse du niveau de vie tel que nous le connaissons actuellement. (On peut bien faire l’argument qu’une qualité de vie tout à fait acceptable est compatible avec une telle baisse de niveau de vie, mais cela ne change pas les termes du débat.)
Et les changements climatiques dans tout cela…
À travers cette réflexion, en partant du choix de maintenir le modèle économique actuel, il y a une autre, liée mais en parallèle, portant sur les changements climatiques et les mesures nécessaires pour les contrer dans la foulée de l’adoption de l’Accord de Paris. Soit on croît que la COP21 à Paris a réussi à réduire les défis en matière de réduction de GES à un niveau «gérable», et on continue à travailler pour que la société pose les gestes permettant de limiter la hausse de température sous les 2°C. Dans un tel cas, le mouvement environnemental maintient les orientations qui le définissent depuis des décennies, en y associant un sentiment d’urgence. C’est le choix de l’ensemble du mouvement environnemental depuis Paris.
Soit on constate l’échec de la COP21 et on met en branle un processus d’intervention qui reconnaît la raison ultime de l’échec, l’incapacité des pays à réduire suffisamment leurs émissions sans mettre en cause leur développement économique qui est, finalement, derrière les émissions et qui prime toujours devant toute autre considération.
Pour ce dernier processus d’intervention, soit on cherche à identifier des mesures nécessaires – mais pas toujours suffisantes – pour réduire les émissions en ciblant le budget carbone établi par le GIÉC, cela en faisant des propositions touchant un nouveau modèle économique qui offrent un certain potentiel. Soit on remonte à la référence acceptée par presque tous en ce qui concerne le développement – ils le veulent «durable» – , le rapport de la Commission Brundtland de 1987, et on fait intervenir dans les calculs la reconnaissance du processus de contraction/convergence introduit par le rapport (voir son chapitre 7 sur l’énergie, qui manque le tableau sommaire dans la version en ligne mais en fournit les chiffres). Une telle reconnaissance, appliquée au budget carbone, aboutit à un constat que le déséquilibre entre les pays riches et les pays pauvres, préoccupation fondamentale pour la Commission Brundtland mais maintenant ayant connu trente ans de refus de mise en oeuvre, est irrésoluble sans de profonds bouleversements dans les sociétés.
… incluant le Québec
Finalement (…), pour ramener la réflexion aux enjeux pour le Québec, soit on cherche à déterminer la juste part du défi canadien qui incombe au Québec pour procéder à un plan québécois, et on constate qu’une telle piste est pleine d’embûches, parce qu’il ne semble pas exister un cadre consensuel pour procéder à une telle détermination.
Soit on procède comme si la province était assujettie aux obligations qui incombent aux États, et on cherche à identifier un plan d’action approprié. Dans son document préparatoire à la COP21 (où le ministre cite dans l’Introduction le titre du rapport Brundtland), le gouvernement calcule la possibilité maximale de réduction des émissions à environ 15% sur son propre territoire, et propose de procéder au processus d’échange d’émissions pour aboutir à une réduction totale de 37,5% d’ici 2030.
Le Québec agit déjà comme chef de file avec sa cible de réduction de GES de 20 % sous le niveau de 1990 d’ici 2020. Plus récemment, nous avons confirmé notre vision à long terme en annonçant que nous souhaitons réduire les émissions de GES de 80 à 95 % sous le niveau de 1990 d’ici 2050, comme le recommande le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). La prochaine étape pour le Québec consiste à déterminer la trajectoire qu’il empruntera pour atteindre cet objectif et donc à se doter d’une cible pour 2030. (mes italiques)
Le gouvernement suggère ainsi de respecter l’Accord de Paris pour ce qui est de la cible de 2050, mais sans aucune reconnaissance du processus fondamental pour le rapport Brundtland de contraction/convergence. Il semble également rejeter ainsi l’identification du budget carbone pour le Québec faite par des chercheurs québécois. (Ceux-ci ont même calculé un budget carbone à l’échelle internationale pour respecter le processus contraction/convergence.)
Déjà les objectifs des gouvernements québécois successifs ont été bien en-dessous des exigences d’un tel budget carbone; la décision de procéder à une entente avec d’autres juridictions pour établir un marché pour le carbone s’insère dans un contexte où il y a non seulement volonté d’utiliser les marchés pour permettre les réductions au coût moindre, mais également la volonté de ne pas perturber outre mesure le développement économique toujours jugé primordial pour la province. (À la limite, on pourrait proposer que l’entente présume que les autres juridictions vont se rallier à une orientation de contraction/convergence, mais il n’y a aucune raison de croire que cela est le cas.)
Il y a déjà un débat amorcé pour essayer d’estimer le coût pour le Québec des achats de droits d’émission dans le cadre de l’entente avec la Californie (et l’Ontario, et …); les chercheurs du DDPP/DDPC (sujet d’un prochain article du blogue) fournissent des estimations du coût de carbone dans le cadre plus global des objectifs établis par le GIÉC ($160 en 2030) et l’équipe de chercheurs de Marc Jaccard les calcule pour ceux établis par le gouvernement Harper ($350 en 2050). Les résultats des premiers frôlent l’imaginaire et ceux de Jaccard travaillent avec des objectifs bien en-dessous de ce qui serait nécessaire pour respecter l’Accord de Paris. On ne peut que soupçonner que les coûts estimés sont, par contre, bien au-dessus de tout ce que le gouvernement québécois est prêt à imaginer.
Où sont les fondements pour la décision de prendre l’Accord de Paris comme notre guide?
Il est temps de voir les groupes qui s’opposent à Énergie Est – je laisse de coté ceux qui ne font pas intervenir les enjeux économiques – tracer les grandes lignes de ce qui résulterait de l’arrêt de l’expansion de l’exploitation des sables bitumineux, comme première démarche. Comme deuxième démarche, il leur faut tracer les grandes lignes d’un plan d’action canadien respectant l’Accord de Paris. Comme troisième démarche, il leur faut réviser un tel plan d’action pour voir les implications d’une adhésion au processus de contraction/convergence. (Sans cette dernière démarche, l’opposition nous oblige à nous résigner à une menace permanente – et sur le plan moral, inacceptable – venant de la reconnaissance par les pays pauvres que les pays riches veulent maintenir le déséquilibre énorme – en accès à l’énergie, en niveau de vie tout court – qui prévaut déjà depuis des décennies.)
Bref, il n’est pas nécessaire de croire que les projections du modèle de Halte à la croissance sont fondées pour conclure – autrement, donc – que le maintien du système économique actuel est incompatible avec les objectifs profonds de la Commission Brundtland, qui incluent parmi leurs priorités l’élimination des déséquilibres profonds entre nations. On peut également conclure – mais laissons aux acteurs en cause les six mois qu’ils se donnent pour y arriver… – que le maintien de ce système est incompatible avec le respect par le Canada de l’Accord de Paris, même en faisant abstraction d’une obligation morale – et par intérêt pour sa sécurité, à moyen et long termes, sinon à court terme – d’éliminer les déséquilibres.
Le rapport de Greenpeace International que j’ai commenté dans mon dernier article représente un effort de choisir parmi un certain nombre des options esquissées, mais se distingue surtout, à ma lecture, par son rejet du processus de contraction/convergence, implicitement, de par ses résultats. Il représente ainsi la filière parmi ces options qui accepte le maintien du modèle économique actuel, qui en fait même la promotion, et qui propose que nous pouvons parvenir aux résultats recherchés par la COP21 en remplaçant l’énergie fossile par l’énergie renouvelable, cela à travers le maintien d’une croissance économique importante.
Sauf que, en même temps, il fournit l’argument à l’effet qu’il faut abandonner le modèle économique qui aboutit au maintien de tels déséquilibres. Laissant de coté de profonds doutes quant à ses calculs, entre autres parce qu’ils ne tiennent pas compte de l’énergie qui serait requise pour la transition proposée, on se trouve avec ce rapport assez proche de bon nombre des intervenants face à Énergie Est. Ils proposent l’arrêt de l’expansion de l’exploitation des sables bitumineux, l’intégration des émissions associées à la poursuite de l’exploitation des gisements déjà en cours dans un éventuel plan pour respecter l’Accord de Paris et un grand effort pour la production d’énergies renouvelables dans toutes ses manifestations pour pallier à la disparition des énergies fossiles.
Il s’agit du fondement pour presque toutes les interventions favorisant le modèle de l’économie et de la croissance vertes. Avec le calcul du budget carbone et celui de Greenpeace International, tout comme de ceux du DDPC et du groupe de Jaccard, nous sommes aujourd’hui devant des défis quantifiés et qui nous forcent à refaire nos propres calculs…
Les groupes d’opposition à Énergie Est manifestent une absence qui me paraît totale de propositions susceptibles de permettre au Canada d’atteindre cet objectif. Quant au Québec, le calcul de son budget carbone par l’IRIS aboutit à établir un objectif de réductions de 40%, cela non pas pour 2030 mais pour 2020… Nous n’avons même pas besoin d’attendre les résultats de six mois additionnels de tractations entre les provinces et territoires pour essayer d’aboutir à un plan d’action que nous savons d’avance ne cherchera même pas à reconnaître la pertinence du processus contraction/convergence. Il nous faut changer dès maintenant notre mode d’intervention.
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Bonjour Harvey,
Tous les enjeux (sables bitumineux dont l’extraction est énergivore et polluante; dangers associés au pipeline qui ne peuvent qu’augmenter avec le diamètre et la longueur de celui-ci et avec le nombre de cours d’eau traversés, et problématique des changements climatiques qui demande un changement de cap majeur sur le plan macro-économique) justifient pour moi le rejet du projet « Énergie Est ». Il faut selon moi accélérer l’électrification des transports (collectifs et individuels) et, dans la mesure où l’exploitation des sables bitum. se poursuivra, insister pour que la sécurité du transport par train soit rehaussée avec le recyclage du métal des vieux wagons pour, entre autres, fabriquer de nouveaux wagons plus sécuritaires en cas de déraillement.
J’ajouterais que malgré ses défauts, le train est plus flexible. Après Lac-Mégantic, nous sommes en droits d’avoir un rehaussement majeur des mesures de sécurité. Le cas échéant, un déraillement ne devrait entraîner qu’une fuite mineure, facilement repérable, ce qui n’est pas le cas d’une fuite d’oléoduc (mineure, elle peut passer inaperçue longtemps; en cas de phénomène géo-climatique extrême comme un glissement de terrain consécutif à des pluies torrentielles, un bris majeur pourrait entraîner le rejet de très grandes quantités). Dans le fond, je préfère voir se mettre en place une culture de sécurité accrue dans le milieu ferroviaire, impliquant de nombreux acteurs, plutôt que de faire confiance à une seule compagnie (TransCanada, pour le pipeline).
J’ai lu quelque part (et je le conçois aisément), que Train ou Pipeline? est une fausse dichotomie: un calcul simple montre que jamais le volume prévu par EnergieEst pourrait être atteint par le transport féroviaire, qui n’a émergé que faute de mieux. L’exploitation à pleine échelle des Tar sands est _conditionelle_ au passage d’un pipeline, coûte que coûte. Je peux retrouver la référence au besoin.
Le transport par train coûte plus cher, et des mesures de sécurité accrue ne peuvent que contribuer à augmenter son coût. Si c’est la seule option qui reste (suite au rejet du projet de pipeline), son usage sera limité et il y a fort à parier que l’expansion de l’exploitation des sables bitumineux sera compromise (tant mieux). Les Albertains devront se contenter d’exploiter les gisements actuels en attendant de réorienter leur économie. Il est clair pour moi que l’exploitation « à pleine échelle » des Tar sands est un scénario non souhaitable. Je ne pense pas toutefois qu’on pourra mettre un terme à l’exploitation, à court terme. C’est pour cela que je parle du transport par train… En ce qui me concerne, dans l’avenir (30 ans ?), il faudrait en venir à n’avoir besoin ni du train, ni de l’oléoduc.
Richard,
Bien sûr que nous ne voulons pas de cet oléoduc. Mon problème n’est pas avec les arguments contre, typiques du mouvement environnemental depuis des décennies. C’est avec le raisonnement économique qui va dans le sens opposé et qui doit être (enfin) attaqué de front. Dans le passé, ce raisonnement économique a généralement primé sur les arguments écologiques.
Il faut que nous décidions comment nous voyons le défi du pétrole, puisque c’est beaucoup trop restreint que de nous opposer aux impacts possibles chez nous alors que d’impacts similaires, ailleurs, ne nous dérangaient pas outremesure jusqu’ici et vont continuer à avoir lieu si nous continuous à nous alimenter d’outremer en ayant bloqué le transport des produits des sables bitumineux. Bref, le but de mon article était d’encourager tout ce mouvement de mémoires, de pétitions, de manifestations de s’enrichir avec une réflexion sur les sous-entendus de l’opposition et sur le défi majeur que constitue le retrait du pétrole – tout dépendant de l’urgence que l’opposition voit dans ce retrait.
Nous allons voir ce qui est en cause plus clairement en suivant les efforts des gouvernements canadiens à concevoir un plan d’action contre les changements climatiques tout en maintenant l’exploitation des sables bitumineux et l’expansion de celle-ci…
À noter que j’ai ajouté une mise à jour à mon article Interlude pour souligner un récent travail de l’équipe de l’IRIS qui montre assez bien que l’électrification des transports n’est pas une piste qui mène quelque part. J’y retourne également à un travail de 2011 de Vivre en ville et d’Équiterre sur l’ensemble de la problématique; l’urgence y était de mise, mais je ne vois pas beaucoup de suites.
— Assez curieusement, voilà Jean Trudel signer une courte lettre au PM dans Le Devoir le lendemain matin soulignant cette question d’enjeux moraux dans le débat. Il faudrait voir le BAPE et les rédacteurs de mémoires inclure dans leur travail une comparaison des risques associés au pipeline ici à ceux associés aux pays d’origine de nos importations dans l’hypothèse que le pipeline ici serait bloqué.
Entendons-nous bien: les technologies sont disponibles pour mettre fin à l’ère du pétrole. C’est sûr qu’il faut aussi des modifications sociales importantes (décourager l’étalement urbain et la culture de l’automobile individuelle), mais il a été prouvé que technologiquement, on peut sortir de l’ère du pétrole (voir Jacobson et Delucchi dans la revue Energy Policy, 2011).
Pour ce qui est du déséquilibre entre les pays riches et les pays pauvres (je préfère parler de ces derniers en disant qu’ils sont économiquement défavorisés), c’est sûr qu’il y a là un enjeu majeur, auquel il faudrait consacrer aussi beaucoup d’efforts. En définitive il s’agit de choix politiques basés sur une vision d’avenir. Il faudrait aussi pouvoir dire que la semaine de 4 jours est possible, que cela créé des emplois et permettrait un gain, en termes de qualité de vie, tout en signifiant une contraction du revenu pour certains. «Faites votre part: travaillez moins», était le titre d’un article paru dans L’actualité en oct. 1996.
Ceci dit, Harvey, je suis pessimiste; les choses vont empirer, à l’échelle globale, avant qu’une crise encore mal définie force les gens à revoir leurs façons de faire. La « crise des migrants » en Europe est un signal qu’il faut bouger. Un signal suffisant ? Ça dépendra de la réaction des gens, car nombreux sont ceux qui semblent tentés par le repli prôné par la droite identitaire.
Anyway, pour revenir «à nos moutons», tu as raison pour l’essentiel : la vue d’ensemble ne fait pas l’objet de débats, mais il faut bien voir que c’est là une des conséquences des politiques de Harper qui a modifié la loi pour que l’ONÉ soit responsable des évaluations environnementales; même le BAPE n’a pas le mandat de fouiller trop en détail la question des GES dû à l’extraction. Les pressions sont énormes pour que cet enjeu soit écarté, mais en ce qui me concerne on a plein d’autres bonnes raisons pour s’opposer à l’oléoduc.
Fort heureusement nombreux sont les jeunes qui s’activent aussi dans d’autres domaines, comme l’agriculture urbaine, contribuant à jeter les bases d’une autre société où l’achat local sera privilégié… On ne peut pas toujours développer, sur la place publique, une pensée globale mais ça ne doit pas empêcher l’action locale !
Le transport par train coûte plus cher, et des mesures de sécurité accrue ne peuvent que contribuer à augmenter son coût. Si c’est la seule option qui reste (suite au rejet du projet de pipeline), son usage sera limité et il y a fort à parier que l’expansion de l’exploitation des sables bitumineux sera compromise (tant mieux). Les Albertains devront se contenter d’exploiter les gisements actuels en attendant de réorienter leur économie. Il est clair pour moi que l’exploitation «à pleine échelle» des Tar sands est un scénario non souhaitable. Je ne pense pas toutefois qu’on pourra mettre un terme à l’exploitation, à court terme. C’est pour cela que je parle du transport par train… En ce qui me concerne, dans l’avenir (30 ans ?), il faudrait en venir à n’avoir besoin ni du train, ni de l’oléoduc.
Mon travail sur les travaux de Greenpeace International et du DDPP m’indiquent que même technologiquement la sortie de pétrole est loin d’être évidente (voir les articles). Tu réponds à ce qui est implicite dans ses travaux pour sortir du pétrole, que les inégalités vont perdurer, qu’il nous faut beaucoup d’efforts. Mon point est que ses efforts doivent être réorientés, ce que je ne vois pas dans l’opposition à Énergie Est. Mais voilà, cette idée de penser en termes de décennies (tu dis 30 ans?) élude ce qui est maintenant propre aux débats, les données qui nous disent que nous n’avons plus le luxe de penser en termes de décennies.
Pour le BAPE, attendons que les cours décident finalement si la légalité de la procédure actuelle va être mise en question et toute l’affaire reprise à partir de zéro. Mais je ne suis pas sérieux quant à l’idée que le BAPE devrait se pencher sur les risques outremer (tu sembles penser que je répétais la demande que les GES à l’extraction fasse partie du mandat)… Je voudrais juste voir les gens plus sensibles à la situation. Les gens qui travaillent sur les alternatives inscrivent dans leur démarche la réflexion globale, et je ne voudrais pas en faire des philosophes. Reste que les groupes de la société civile qui sont impliqués devraient certainement être capables de dépasser les enjeux locaux et mieux sensibiliser la population qui n’est pas en train de travailler sur les alternatives.