Rifkin: «la troisième révolution industrielle»

Cela fait plusieurs fois que je commence à lire ce livre The Third Industrial Revolution de Jeremy Rifkin, auteur que j’ai bien apprécié par des livres antérieurs. Ma première impression lors de courtes consultations : Rifkin embarque dans l’économie verte sans voir le portrait global, quand même surprenant pour un penseur de son niveau.Numériser

Maintenant, après lecture trois ans en retard, je vois d’importantes nuances à apporter à mes premières impressions presque aléatoires. Tout d’abord, l’essai constitue la meilleure approche à la promotion de l’économie verte que j’ai vue à date, et ce n’est presque pas cela. Finalement, la lecture en est fascinante. Rifkin est conscient d’un nombre impressionnant de facteurs qui entrent dans le portrait des défis actuels. On le trouve vendeur, entrepreneur, promoteur – de sa vision de la Troisième révolution industrielle (TIR), et, on sent, de lui-même : le livre détaille les nombreuses connaissances et contacts de Rifkin parmi l’élite politique, industrielle et commerciale de ce monde et, jusqu’à un certain point, la reconnaissance semble bien méritée.

Une narration qui se tient

En fait, après un premier chapitre qui détaille les énormes défis auxquels nous faisons face, Rifkin ouvre son jeu dans le deuxième. Pour réussir quelque chose, Rifkin insiste, il (lui) faut une narration, un «story line». Et il fonce : nous sommes devant une fin de partie («endgame») de l’ère industrielle du 20e siècle et en train de connaître sa transformation radicale, transformation qui constitue, finalement, un ensemble d’orientations en matière d’énergie et de stratégies de communication qui marque une nouvelle ère, une troisième révolution industrielle.

Rifkin met de l’avant les cinq piliers de la TIR et insiste sur leur importance comme un ensemble tout au long du livre : (i) la transition à l’énergie renouvelable; (ii) la transformation du capital bâti mondial en micro-centrales d’énergie; (iii) le déploiement partout dans le bâti et dans les infrastructures de technologies d’entreposage de l’énergie intermittente typique des énergies renouvelables ; (iv) l’utilisation de la technologie d’Internet pour transformer le réseau de distribution énergétique (le grid) partout en des réseaux qui partagent, agissant comme Internet; (v) la transition des équipements des systèmes de transport vers les technologies du plug-in et du fuel-cell reliées aux réseaux de distribution (37).

La narration, qui ne rejoint pas celles prônant l’énergie verte tellement elle comporte justement une vision cohérente qui ne s’insère presque pas dans l’économie actuelle, se tient. L’énergie renouvelable (i) comporte partout des limites, et nécessite une filière, le bâti (ii), qui permet de pousser plus loin ces limites ; l’intermittence de l’ensemble de ces énergies requiert des capacités d’entreposage (iii) pour rendre utilisable le nouveau potentiel et cela à son tour nécessite des réseaux de distribution et de transmission suivant un modèle proche de celui d’Internet; finalement, le transport, fondamental dans la civilisation moderne, se maintient seulement s’il s’insère dans l’ensemble, branché. (L’hydrogène y est toujours important dans le (iii) et le (v), fidèle à son livre The Hydrogen Economy, mais cette partie, non cruciale, n’est pas convaincante.)

La critique du modèle économique actuel inclut une réflexion sur une hypothèse de la TIR qui n’est jamais rendue explicite, même s’il reconnaît le défi en cause : une capacité, dans le respect des constraintes des ressources et de l’entropie (dont les changements climatiques), de produire les quantités d’énergie renouvelable impliquées partout dans la narration. Rifkin propose des gains en efficacité énergétique et en économies d’énergie mirabolants (210-212), mais qui sont néanmoins fort probablement essentiels pour ses propositions. À cet égard, on ne trouve nulle part le défi que constitue l’ÉROI plutôt faible des énergies renouvelables (et surtout de l’énergie solaire), et ceci est probablement le talon d’Achille de toute sa présentation. Pour les pays riches.

Une narration qui se tient (peut-être) pour les riches

Pour les pays pauvres, il ne se trouve dans le livre aucun effort d’esquisser ce qui serait en cause. Il fait référence au 40% de la population humaine qui cherche à survivre avec moins de 2$ par jour au début du premier chapitre (13), à la toute fin du dernier chapitre (269) et à une occasion dans la narration (63). Il exprime un espoir que cette masse d’humanité pourra connaître un saut dans son développement, qui ne serait pas obligé de passer par l’expérience des pays riches. La réflexion la plus proche à ce sujet se trouve dans la présentation des différents efforts d’établir des territoires continentaux de libre échange partout, en Afrique, en Amérique du Sud, en Amérique du Nord, en Asie du sud-est, là où les réseaux énergétiques du troisième pilier pourraient être intégrés. En dépit des défis, il dit ne pas voir de Plan B, une narration alternative.

Dans cette réflexion, comme un peu partout, Rifkin est tellement engagé dans l’application de la TIR à différentes échelles, celle de la ville (Rome, San Antonio, Utrecht), celle du pays (Espagne, Grande-Bretagne, Allemagne) et celle des continents qu’il semble oublier le contexte fourni par l’économie actuelle et sa recherche d’une croissance sans fin de l’activité. Les échecs dont il fait le constat dans le troisième chapitre où il passe «de la théorie à la pratique» mériteraient une meilleure caractérisation de la façon dont ses conseils étaient, ou n’étaient pas, impliqués dans tout ce qui se passait dans ces années juste avant (et juste après) la Grande Récession.

En effet, Rifkin le promoteur et le narrateur semble assez conscient des limites auxquelles son projet se bute, même en ne ciblant que les pays riches. Rifkin souligne (198) qu’il a publié en 1980 Entropy, intervention assez précoce pour le sujet et le Chapitre 7, «Retiring Adam Smith», fournit une sorte de cours 101 en économie écologique. Il y fait l’argument que le modèle économique actuel est complètement dépassé : en ce qui a trait à sa recherche de productivité, à sa conception même de propriété (vs. accès), à l’importance qu’il accorde au capital financier dans l’oubli du capital social, à la place des marchés par rapport aux réseaux sociaux (et autres) (227). Des changements fondamentaux dans ces composantes du modèle vont caractériser la nouvelle société de collaboration qu’il présente.

L’exclusion par les économistes des externalités dans leur recherche d’un équilibre entre l’économie de production et de consommation comporte l’oubli de celle de la nature et des lois de la thermodynamique. Rifkin complète cette critique en soulignant les faiblesses du PIB comme indicateur de cet équilibre, entre autres en fournissant des références aux études sur le rôle de la thermodynamique dans les améliorations de la productivité et dans la croissance économique elle-même (210-211). Il fait référence aux indicateurs qui en tiennent compte, entre autres l’Indice de progrès véritable (222), indicateurs qui seraient pertinents pour la nouvelle société collaborative.

Une vision limitée

L’ approche de ce promoteur d’un programme souffre constamment d’une vision qu’il semble bien consciemment accepter comme contrainte et limitée. En dépit de références ici et là, la TIR est conçue et vendue aux habitants des pays riches, ceux qui ont connu la deuxième révolution industrielle. Plusieurs milliards de personnes restent en marge, Rifkin exprimant l’espoir que les prochaines décennies de la TIR vont atteindre l’ensemble de la population humaine. La vision est proche de celle du The Resilience Imperative : Cooperative Transitions to a Steady-State Economy de Michael Lewis et Pat Conaty, une sorte de receuil d’un autre ensemble de préparatifs pour la société de collaboration, la société solidaire. Clairement, pour Rifkin, la société de consommation tire à sa fin, avec la transformation en cours et devant le pic non seulement du pétrole mais de la mondialisation elle-même. La nouvelle en sera une où le jeu profond (le «deep play») sera dominant et où le commerce qui domine aujourd’hui sera remplacé par la collaboration et une dominance de la société civile, le «troisième secteur».

Il est difficile de bien saisir le portrait du «paradigme économique en train d’émerger», même si, comme il dit, le livre est le récit d’un joueur de l’intérieur («insider») de cette émergence (4). Différents éléments de ce paradigme apparaissent ici et là dans le texte, et à répétition, et ils constituent peut-être les aspects les plus convaincants de son argument : agriculture soutenue par la communauté; impression 3-D; Grameen Shakti; les réseaux sociaux; Wikipedia; Linux; Commun’auto. On voit dans ses exemples, et beaucoup d’autres, des mouvements importants dans la société actuelle qui semblent suggérer différents aspects de la TIR. Et l’intervention de l’élite, les jeunes éduqués, surtout, de nombreuses sociétés dans le Moyen Orient et l’Afrique du Nord dans le printemps arabe lui suggère un aspect social de la transformation qui va s’imposer (en dépit des dérapages qui ont eu lieu après la publication du livre). D’autre part, ses excursions dans les exemples suggèrent que cette nouvelle société en serait une presque végétarienne et presque sans présence de l’automobile personnelle, mais il ne rentre justement pas dans ces «détails».

Finalement, Rifkin est intéressant pour son effort de construire le portrait d’une (nouvelle) civilisation ayant le potentiel de se maintenir dans le temps. Il tient compte de nombreuses tendances actuelles qui semblent là pour rester, et cela de façon déterminante. Il est bien conscient des crises qui sévissent, et ne semble même pas présumer qu’elles seront résolues de façon à permettre cette civilisation à percer.

En fait, le tout est présenté par un promoteur d’une narrative faisant abstraction de tout ce qui est impliqué dans les travaux actuels sur les échéanciers de plus en plus serrés et de plus en plus catastrophiques dans leurs implications. Nous ne semblons pas avoir les 40 ans qu’il propose comme son propre échéanier, et il est fort probable que n’ayons pas non plus les ressources, non renouvelables et surtout énergétiques, fondamentales pour la mise en place de cette civilisation. Toute la présentation de ce vendeur d’idées chevronné s’insère – assez mal, comme il le dit, dans les tendances contraires – dans l’esprit que j’ai déjà identifié (suivant l’Office national de l’énergie) comme celui des populations d’îles fortifiées; non seulement présente-t-il les énormes obstacles à son projet, dans les pays riches, il ne suggère d’aucune façon comment ce projet pourrait inclure les pays pauvres. Ceux-ci, doit-on insister, risquent de ne pas, de ne plus, accepter le sort que le modèle économique et politique actuel et l’héritage de la colonisation par les pays riches leur réservent.

À LIRE: The Zero Marginal Cost Society: The Internet of Things, The Collaborative Commons, and The Eclipse of Capitalism, publié en 2014.

 

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Paris et la COP21 : aucune entente meilleure qu’une entente qui ne respecte pas le budget carbone

Dans mes réflexions sur les rapports qui ont été publiés depuis l’été pour contribuer aux échanges et aux négociations préparatoires à la COP21 en décembre prochain, j’ai souligné (i) que le calcul du budget carbone par le GIEC et sa reconnaissance par les responsables de ces rapports représentent une avance majeure par rapport à Copenhague et (ii) que l’échec prévisible des efforts de respecter ce budget risque de résulter dans des dérapages importants dans les communications des responsables et dans la couverture par les médias. J’ai également insisté sur le fait que tous ces rapports représentent en priorité la promotion de l’économie verte plutôt que la recherche de solutions au défi des changements climatiques – et qu’ils échouent dans leurs efforts à date.

Je suis récemment tombé sur une entrevue intéressante qui souligne les mêmes risques, entrevue fournie à chinadialogue par Kevin Anderson, ancien directeur du Tyndall Centre, centre de recherche académique brittanique reconnu en la matière. Je suggère la lecture de cette entrevue. pour les perspectives qu’elle offre, histoire aussi de se préparer pour les discours qui passeront à coté des enjeux réels.

chinadialogue est un journal en ligne avec siège à Beijing, Londres et Delhi, et qui utilise des journalistes aussi bien étrangers que chinois. C’est un site intéressant pour suivre ce qui se passe en Chine en matière d’environnement tout comme pour une couverture des impacts de la Chine ailleurs. Récemment, il a publié des articles sur l’entente Chine/États-Unis, soulignant les énormes défis devant la nécessité d’abandonner l’accent sur le charbon dans ce pays.

MISE À JOUR: Anderson a fait une présentation il y a deux ans, en novembre 2012, sur l’ensemble de la problématique. «Real clothes for the Emperor: Facing the challenges of climate change» peut être consulté en version YouTube, en PowerPoint ou par transcription.

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Austérité des riches, austérité des pauvres

Résumé: De nombreuses analyses montrent que la croissance ne livre plus les résultats d’autrefois, et qu’il est temps de lui dire adieu. Jean Gadrey, économiste français bien orienté, souligne cette situation mais insiste que les critiques du dogme de la croissance, sans proposition d’une alternative, ne mènent nulle part. Sa proposition, prenant l’argent «là où il existe», sert à répondre aux défis budgétaires de la France, mais est finalement aussi illusoire que d’autres efforts; elle est faite sans recours à la croissance, mais dans une approche que l’on peut décrire comme celle des «gated communities». Des auteurs québécois sont intervenus récemment pour protester contre les programmes d’austérité et nous confrontent à un recul par rapport aux constats de Gadrey et à d’anciens acquis face au mythe de la croissance. Un document clé de l’IRIS publié en 2009, «Repenser la gauche économique selon ses propres critères» semble être complètement oublié, et mérite d’être revisité. Nous sommes devant une situation où les contraintes budgétaires sont réelles, où les interventions néo-libérales pour les résoudre évitent de cibler les vrais enjeux mais où l’ensemble des acteurs, dans leurs efforts de gérer les défis budgétaires actuels, oublient que ceux-ci ne sont que la pointe de l’iceberg. L’effort d’éviter l’austérité dans les sociétés riches passe à coté de l’austérité permanente vécue dans les sociétés pauvres et le fait que l’humanité dans son ensemble dépasse déjà la capacité de support de la planète.

Une relecture des rapports de la Banque mondiale sur les enjeux pour l’agriculture associés aux changements climatiques, une relecture de l’ensemble des rapports récents ciblant la COP21, permet de mieux en saisir les implications pour nous dans les pays riches. Je suis amené à aborder cette réflexion en regardant de plus près les efforts menés par les pays riches pour assainir leurs budgets en invoquant la nécessité de programmes d’austérité (relative…). Il faut bien reconnaître que la plupart de ces efforts s’insèrent dans un processus où la financiarisation des processus décisionnels et la recherche d’une «reprise» de la croissance économique s’associent à un modèle économique aux allures néo-libérales mettant un accent sur «les vraies affaires». Je suis bien d’accord avec les efforts de contester ce modèle, menés entre autres par les économistes hétérodoxes (et ceux atterrés), mais je veux mettre un accent sur ce qui me paraît plus fondamental mais négligé constamment par ces mêmes économistes.

 

 

Atelier de réparation de vélos à Nairobi

Le chemin d’une autre prospérité

Il faut regarder les enjeux d’un tout autre oeil pour mieux saisir les implications des effondrements projetés par le Club de Rome et probablement déjà en cours. (suite…)

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Et maintenant la Banque mondiale

Toutes les grandes institutions internationales vont y passer, la cible prioritaire actuelle étant une entente souhaitée à la COP21 à Paris en décembre 2015; préalable à la réflexion, toutes insistent et insisteront sur le maintien de la croissance économique que toutes sentent pourtant menacée. Depuis deux ans, sous le titre Baissons la chaleur, la Banque mondiale est intervenue avec trois rapports sur les incidences des changements climatiques sur l’agriculture et la production de nourriture pour l’humanité. DSC00378Le président du Groupe de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, en semble même un peu ébranlé, selon un article récent dans Le Devoir venant de l’Agence France-Presse (AFP). Selon l’AFP, Kim «appelle les pays à s’extraire des stratégies de croissance économique «intenables» tout en assurant qu’ils n’auront pas à renoncer à leur expansion et à leur développement, comme le redoutent certains grands pays émergents».

Je ne trouve nulle part dans les trois rapports une référence à une stratégie de croissance «intenable», mais on apprend qu’une «croissance peu durable» serait en cause en explication de nos problèmes. Dans le troisième rapport de la Banque, paru tout récemment, Kim soutient dans l’Avant-Propos, suivant l’ensemble des dirigeants, qu’il nous faut une économie et une croissance (plus) vertes qui doivent prendre leur place dans l’immédiat:

De plus en plus de voix soutiennent qu’il est possible d’assurer une croissance plus verte qui ne soit pas nécessairement plus lente. Nous savons aujourd’hui que des actions immédiates sont nécessaires pour faire face au changement climatique, mais elles ne doivent pas s’accomplir au détriment de la croissance économique. Nous avons besoin d’adopter des mesures intelligentes qui encouragent une transition vers des transports publics sobres en carbone; et la maîtrise de l’énergie dans les usines, les bâtiments et les équipements peut avoir des effets positifs aussi bien sur la croissance que sur l’environnement. (viii)

La première page du rapport fournit le lien de l’AFP:

Des mesures urgentes sont nécessaires pour aider les pays à s’adapter aux effets actuels du climat et aux conséquences inévitables d’un monde qui se réchauffe rapidement. Les avantages d’une action ferme et rapide en réponse au changement climatique, une action fondée sur des interventions peu polluantes et sobres en carbone, qui évite de s’enfermer dans des stratégies de croissance peu durables, dépassent largement les coûts envisagés. Bon nombre des pires effets prévisibles du changement climatique pourraient encore être évités en limitant le réchauffement à moins de 2°C. Mais c’est maintenant qu’il faut agir. (1)

En effet, ce qui est «intenable» est le type de croissance polluant et émetteur de beaucoup de carbone qui s’avère aux yeux de tout le monde (ou presque) «peu durable». Encore une fois, c’est «l’économie verte» qui se présente comme alternative. (suite…)

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Recognition by Science Borealis

Science Borealis is an operation put together by a group of volunteers with the objective of encouraging access to blogs in different fields of science. As they describe themselves, « Science Borealis is an inclusive digital science salon featuring Canadian bloggers from a wide array of scientific disciplines. Built on the principles of curiosity, engagement, and collaboration, this community-driven endeavour welcomes members and supporters who share a commitment to respect and encourage science communication in Canada. » I’m quite pleased to be recognized by Science Borealis for my blog, selected in the celebration of their first anniversary as their favourite in the category Policy and Politics. Their comment :science-borealis-box-eds-choice-badge

Policy and Politics (editors Pascal Lapointe & Karine Morin) – Unfortunately there is a dearth of science policy bloggers on the Science Borealis site (so if you blog on science policy, we’d like to hear from you!). Harvey is, by far, the most in depth of all our policy and politics bloggers. It is unfortunate, however, that he is also one of our few French bloggers and thus likely doesn’t get the wide readership that his posts deserve. We hope that membership in Science Borealis is broadening his exposure!

You’ll note on the right the badge they provide with the recognition. In the future, I’ll be placing on the left of my home page, with the badge, the indication I use with my signature, that while the blog is in French, Google Translate does a good job of converting the French into English (see the post in French for the translation in the other direction). For anyone coming to my blog from the Science Borealis site, I’m providing this post in English, and placing this note before the one in French, underscoring that the posts in French end up in language fairly close to what I’ve written if you use the on-line translator.

Science Borealis has links with the Agence Science-Presse, another operation which organized last year a collection of selected posts from French-language blogs and is working on a second edition for 2014. The Agence has been around for over 30 years, and their blog site for close to 10 years. The winners appear in a publication by MultiMondes (the publisher of my book on the GPI).

Finally, thanks to Émile Carrier for his help with the technical aspects of the blog since the beginning.

 

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Reconnaissance par Science Borealis

Il me fait bien plaisir de signaler ici que le site de blogues en science Science Borealis vient de reconnaître mon blogue comme leur favori 2014 dans la catégorie Politiques et Politique. Science Borealis est un site qui cherche à diffuser les travaux de blogueurs dans différents domaines scientifiques. Il a publié ses premiers choix de blogues favoris récemment en célébrant son premier anniversaire d’existence.science-borealis-box-eds-choice-badge

Les responsables de ma catégorie notent (j’utilise pour la traduction du texte en anglais, et tel quel, celle fournie par Google Translate, histoire de fournir une indication de ce que cela donne) :

Politique et la politique (editors Pascal Lapointe & Karine Morin) Malheureusement, il y a une pénurie de blogueurs de la politique de la science sur le site Science Borealis (si vous bloguez sur la politique de la science, nous aimerions entendre parler de vous!). Harvey est, de loin, le plus en profondeur de tous nos blogueurs politiques et le politique. Il est regrettable, cependant, qu’il est aussi l’un de nos quelques blogueurs français et donc probablement ne pas obtenir le large public que ses messages méritent. Nous espérons que l’adhésion à la Science Borealis élargit son exposition!

En effet, je suis bien conscient que le fait que mon blogue (tout comme mon livre sur l’IPV) soient en français résulte en un nombre de contacts sensiblement réduit, même si je suis surpris de voir le nombre d’entre vous qui y mettez de votre temps. Comme je l’indiquerai désormais sur la page d’accueil de mon site, Google Translate et d’autres programmes de traduction en ligne font un travail impressionnant. C’est pour signalier ceci qu’un premier article sur la reconnaissance paraîtra plus haut en anglais, pour des lecteurs qui auraient été tentés d’y jeter un coup d’œil en lisant l’annonce de Science Borealis.

Science Borealis semble avoir des liens avec l’Agence Science-Presse, une agence de presse qui diffuse depuis plus de 30 ans des informations sur la science et la technologie, entre autres, et plus récemment, en publiant des blogues (mes articles vont commencer à y paraître sous peu) . L’Agence a tenu un concours d’articles de blogue en 2013, dont les gagnants (je n’y étais pas) figurent dans une publication de MultiMondes, mon éditeur. Le concours de 2014 est en marche (je crois avoir soumis ma candidature en retard…)…

Finalement, mes remerciements à Émile Carrier pour son aide dans les aspects techniques du blogue depuis le début.

 

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Pétrole : «Développement dur» et «développement flou»

L’actualité récente met en évidence plusieurs enjeux importants, mais sa couverture nous confronte à une ambiguïté importante quant à notre développement. Keystone sera vraisemblablement approuvé dans les prochains mois, pas une surprise de toute façon. Il est fort probable que Énergie-Est le sera aussi. Le résultat sera, d’ici deux ou trois ans, un accès aux marchés internationaux pour environ 2 millions de barils de pétrole par jour issu des sables bitumineux. En parallèle aux nouvelles et aux débats sur les pipelines, le prix du pétrole a baissé de façon marquée, entre autres en raison d’une baisse des importations par les États-Unis, qui produisent depuis quelques années de grandes quantités de pétrole (et de gaz) de schiste. Cela met ses (anciens – et futurs…) fournisseurs à la recherche de nouveaux clients.

La question du véritable coût associé à l’exploitation du pétrole

Un élément de base dans l’analyse qu’il faut faire de la situation est le coût de la production de ces nouvelles sources de pétrole. La production du pétrole des sables bitumineux nécessite un prix du baril au-delà de $100 le baril, sauf pour certaines productions déjà en cours; ces dernières exigent quand même un prix dépassant le $80, celui qui a cours actuellement. On lit que l’exportation par Suncor du pétrole des sables bitumineux à partir du port de Sorel est suspendue actuellement…

Projections pour le pétrole d'ici 2030

 

Un autre élément de base concerne le rendement énergétique (ÉROI : retour en énergie sur l’énergie investie) de ces nouvelles sources non-conventionnelles de pétrole, et dont on n’entend pas parler du tout. Alors que le rendement des premiers gisements de l’Arabie Saoudite était d’environ 100 barils produits pour un baril équivalent investi (un ÉROI de 100), l’ÉROI de la moyenne mondiale actuelle est d’environ 17, une énorme perte de rendement, pour la production, et pour l’économie. Pire, le rendement des sources non conventionnelles est en-dessous de 10 pour le pétrole de schiste, histoire des coûts énergétiques (et monétaires par conséquent) des forages requis en continu, en-dessous de 5 pour celui des sables bitumineux, histoire des énormes quantités d’énergie nécessaires pour extraire le pétrole des sables et pour le rendre utilisable par la suite.

Un dernier élément concerne le véritable portrait économique de la situation des pays producteurs. D’une part, il est reconnu par presque tous (mais les Républicains aux Congrès américain et les Conservateurs au gouvernement canadien font exception) que le PIB est un mauvais indicateur de notre progrès, même si tout le monde continue à l’utiliser. Les PIB des provinces productrices au Canada et des États producteurs aux États-Unis sont en hausse importante depuis quelques années, en lien avec l’importante activité correspondante nécessaire pour assurer l’exploitation des gisements; cette activité influe de façon également importante sur le PIB du Canada et des États-Unis. Un jugement favorable par rapport à cette activité fondé sur le PIB néglige le coût des externalités de la production et de la consommation, maintenant reconnu comme élément incontournable du portrait, du calcul des bénéfices, même par le FMI. Le coût de ces externalités est finalement et en grande partie le coût des changements climatiques.

La question du véritable rendement, pour la société, de cette exploitation

L’ÉROI bas de cette production d’énergie «non conventionnelle» influe assez directement sur l’économie et sur la société. D’analyses dont les conclusions sont presque une évidence suggèrent qu’il faut un ÉROI d’au moins 10 pour qu’une source d’énergie réponde aux besoins fondamentaux des sociétés modernes. (suite…)

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Un mythe sur la transition énergétique bien plus fondamental que les trois mythes pétroliers

Un rapport de l’Union of Concerned Scientists (UCS) couvert par un article de 2012 dans The New York Times, « How Green Are Electric Cars? » concluait que les véhicules électriques émettaient souvent plus de GES que les hybrides, cela pour 45% des États-Unis. Récemment, le journal a couvert une mise à jour de la situation produite par l’UCS, « Coal Fades, So Electrics Get Cleaner ». En raison d’une baisse du recours au charbon pour les centrales qui produisent l’électricité dans ce pays, les véhicules électriques aujourd’hui seraient aujourd’hui meilleurs que les hybrides en matière d’émissions dans 60% du pays. De façon générale, il y a eu une baisse dans l’utilisation du charbon d’environ 5% entre 2010 et 2014 et des améliorations correspondantes en termes d’émissions.

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Les rapports – et les articles – ne mentionnent pas qu’une bonne partie des réductions proviennent de l’accroissement de la production de gaz naturel par le fracking (et une baisse importante dans le prix de ce gaz pour des raisons conjoncturelles). Les calculs sont donc incomplets. Les travaux de Marc Durand et des économistes biophysiques en général suggèrent que le fracking utilisé pour cette production génère des émissions beaucoup plus importantes que la production traditionnelle du gaz naturel et du pétrole.

Cette situation, finalement un effort de suivre la progression de «l’économie verte» dans le secteur des transports, sert à mettre en perspective un mythe que je dénonce depuis plusieurs années maintenant, soit que nous pourrons mettre rapidement en place des mesures prônées par le mouvement environnemental depuis des décennies et atteindre des résultats probants. Les dérives et les effets pervers se trouvent partout sur notre chemin.

Un tout récent article d’Éric Pineault et de Laure Waridel permet de voir jusqu’à quel point même les sociologues les mieux placés pour voir clair les défis auxquels nous sommes confrontés ne réussissent pas à faire la part des choses. (suite…)

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Croissance et contrôle des émissions: Le fluff s’ajoute au bluff

Le récent rapport de Calderón et Stern, Better Growth, Better Climate, représente un énorme investissement de ressources humaines et couvre très grand. Dès le départ, il nous informe que l’investissement aboutit au constat que ses efforts n’ont pas produit un portrait permettant de croire qu’il est possible, en maintenant la croissance économique, d’atteindre les objectifs jugés nécessaires par le GIEC et par l’ensemble des pays. Le résultat, le rapport, est ce que j’appelle le bluff dans le jeu de poker décrit dans mon dernier article.

La lecture des chapitres sectoriels représente un défi autre, surtout dans un effort d’en vulgariser le portrait qu’ils présentent, comme je voulais faire ici. L’expérience n’est pas nouvelle. Les chapitres présentent des portraits avec lesquels il est presque difficile à être en désaccord, tellement il résume (comme pour Rio+20 en 2012) ce que les mouvements environnemental et social prônent depuis des décennies. Ce qui est peut-être le plus frappant dans cette plus récente mise à jour est la transparence avec laquelle le rapport souligne les défaillances de marché (comme il les appelle, s’agissant en bonne partie des externalités jugées traditionnellement «externes» à l’activité économique proprement dite) et des obstacles que le rapport appelle les «barrières de l’économie politique». Il s’agit des obstacles politiques et sociaux que le rapport détaille, page après page, pour aboutir à l’espoir que j’associe au bluff.

Je présenterai donc ici quelques constats, sans prétendre à un résumé de cet énorme travail, des centaines de pages appuyées par des références dans les centaines.

Les villes de l’avenir : économie et société

Le Chapitre 2 s’intitule « Cities, Engines of National and Global Growth » et comporte trois sections qui partent du constat du défi des émissions, qui viendront en bonne partie des villes, expliquent le fondement de ceci dans l’étalement urbain et passent à l’énoncé d’un espoir pour une nouvelle vague de productivité urbaine en matière d’utilisation des ressources (le thème reviendra dans le chapitre sur l’énergie). Le document fournit un inventaire impressionnant d’exemples et d’analyses montrant les avantages économiques d’une approche de bas carbone dans le cadre de l’urbanisation massive qu’il voit comme dominant l’avenir de l’humanité. Il n’est pas nécessaire de revenir sur cet inventaire, assez connu; une lacune intéressante et importante permet plutôt d’en souligner une faiblesse liée à son orientation de base, le maintien de la croissance économique et modèle économique qui le soutient.Vivement 2050 Figure 1 p.4 2

Les auteurs abordent la présentation en faisant une division des villes des prochaines décennies en trois groupes, en fonction des défis économiques propres à chacun : villes émergentes, méga-villes globales, villes matures. Un quatrième groupe constitue une sorte d’«externalité» à l’approche, soit les bidonvilles où vivent et vivront peut-être le tiers des populations urbaines (dans le document, le mot «slum» est utilisé une seule fois, mettant les bidonvilles en relation avec les «gated communities» comme éléments créant des villes divisées socialement… – p.6).

Ces bidonvilles n’ont vraisemblablement pas d’incidence sur les économies des villes, et ne figurent tout simplement pas dans la présentation. Il s’agit d’une carte que Calderón et Stern ne veulent pas jouer, en présumant que le financement d’une «mise à niveau» de ces populations n’est pas gérable dans l’orientation du document, même s’il y a quelques références à l’idée, par exemple, celle d’essayer de leur fournir de l’électricité… En fait, le modèle économique dans sa forme mondialisée crée les conditions favorables à l’existence de ces bidonvilles, et le document ne met pas en question une telle défaillance du modèle (défaillance qui n’en est pas une de marché, thème majeur du rapport).

Le modèle économique ne peut que laisser ces populations pour compte. En fait, conforme à l’idée de base qui cherche à identifier un potentiel de croissance qui contribuerait en même temps à une réduction des émissions de GES, une bonne partie de l’approche au défi urbain de l’avenir est faite en fonction de l’auto et des transports, alors que probablement plus de la moitié de l’humanité n’a pas d’auto ni de perspectives pour en avoir… Dans cette partie du travail, la contrepartie n’est donc pas un retour à l’âge de pierre (Desrosiers), mais le maintien de conditions primitives pour environ un milliard de personnes, sinon plus. (suite…)

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Le jeu de poker face aux changements climatiques

Sur la page titre, le récent document de Calderón et Stern sur les enjeux économiques associés aux changements climatiques s’affiche : «Nous vivons à un moment de grand potentiel – We live in a moment of great opportunity». Nous avons déjà vu ce discours ici, lors de la parution du document de consultation de la Commssion sur les enjeux énergétiques du Québec. Celui-ci proposait que la menace apparente des changements climatiques constituait plutôt une occasion d’affaires. Après des mois de consultation et d’analyse, les commissaires ont fait amende honorable dans leur rapport final. Leur conclusion : le Québec ne pourra même pas atteindre un objectif de réduction de ses émissions qui correspond à ce qui est jugé minimalement nécessaire par le GIEC, alors qu’en même temps nos dirigeants fonçaient les yeux fermés dans le sens opposé, avec leur Manifeste pour tirer profit collectivement de notre pétrole.

Comment comprendre le message de Calderón et Stern?

Le problème avec un document comme celui de Calderón et Stern est qu’il ne constitue pas une analyse de la situation actuelle et à venir, mais l’imposition d’une orientation et la présentation de toute une série de mesures qui – si elles étaient réalistes – pourraient concrétiser l’orientation dans la réalité. C’est un peu comme un jeu de bluff au poker, DSC00365.JPG - Version 2sauf que les

 

mains sont ouvertes. Le lecteur qui l’analyse est obligé d’y aller avec la démonstration de sa faiblesse, alors que le journaliste ne fait que constater la gageure. C’est ce que fait Éric Desrosiers à deux reprises dans Le Devoir, d’abord dans un reportage intitulé «Protéger la terre à un coût dérisoire», ensuite dans une chronique intitulée «Rompre avec l’inertie».

Desrosiers revient sur le jeu de poker en soulignant, dans un autre contexte, la faiblesse de l’ensemble des efforts de gérer les risques de l’avenir avec une planification sérieuse :

Aussi boiteux que puisse souvent être l’exercice, le fait d’attribuer un coût monétaire à un problème est parfois le meilleur moyen de mettre en lumière son importance (gravité) relative et de se faire entendre dans un monde où l’économie est la valeur cardinale.

Une commission indépendante a dévoilé cette semaine un volumineux rapport dans lequel des experts estiment le coût économique de la lutte contre les changements climatiques d’ici 2030 à moins de 1 % à 4 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, soit l’équivalant d’un petit retard de croissance de 6 à 12 mois sur un horizon d’une quinzaine d’années.

On pourrait discuter longuement de la fiabilité de telles estimations sur des phénomènes aussi complexes, ainsi que du caractère réducteur de ramener à un coût économique un problème touchant tellement d’autres facettes de notre vie sur terre. Ces chiffres ont tout de même le mérite de retourner contre leurs auteurs les arguments de ceux qui — sur la base de données factuelles tout aussi fragiles sinon plus encore — disent que la bataille contre les changements climatiques ramènerait nos économies à l’âge de pierre.

Ce message est repris en éditorial par Guy Taillefer le lendemain du sommet de New York où il note quand même qu’il n’y a pas de plan B, que le bluff est dangereux. Jeudi le 25 septembre Gérard Bérubé ajoute sa voix à ce qui semble être une unanimité au sein des journalistes du Devoir, à l’effet que les leaders économiques ont fourni les réponses aux catastrophistes et que le tout semble raisonnablement en main.

Mes efforts comme catastrophiste de vulgariser les travaux du Club de Rome et d’une multitude d’autres analyses concernant les effondrements possibles dans un proche avenir constituent une mise blank, un appel au bluff où je présente mon jeu, aussi défaillant soit-il. Pour poursuivre l’image, (suite…)

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