Notes de la Chine – Shanxi 2: charbon et loess

Encore une fois, une sorte de travelogue, avec un peu plus d’apprentissage sur le plan du développement. Pour ceux et celles qui seraient peut-être intéressés par un petit récit venant des entrailles de la Chine. Je mettrai des photos en galerie à mon retour à la mi-mai.

L’espoir pour les deux prochains jours est de rentrer dans des régions où les mines de charbon dominent l’économie et la société, pour voir ce que cela donne. En parallèle, nous aurons l’occasion de commencer notre vrai contact avec le Plateau de loess. En 2011, j’ai survolé la région entre Baotou, dans la Mongolie intérieure, et Xi’an, dans le sud du Shaanxi, et j’étais frappé de voir, même des airs, une topographie complexe où l’érosion avait laissé ses marques partout, mais où il était clair que l’agriculture était pratiquée également partout. C’était le Plateau du loess. À Baotou même, nous avons vu une aluminerie alimentée en énergie par une centrale au charbon et une traînée sans fin de camions fournissant le charbon qui venaient du sud. Je m’étais dit que je reviendrais voir ce territoire.

Une consultation sur le web par mon guide indique que nous allons y trouver beaucoup de mines fermées sur notre trajet… Lors de notre effort d’acheter des billets de train pour Shan Yin la veille, la femme au guichet nous a même demandé ce qu’il y a voir à Shan Yin, pourquoi quelqu’un voudrait y aller…

Shan Yin

Les quelques heures en autobus nous montrent un paysage plutôt agricole, sans grandes installations. À l’arrivée, nous consultons un chauffeur pour planifier notre après-midi habituel, une tournée dans la région au bout de la route du bus, et le chauffeur se montre plutôt confus, sans pouvoir proposer un prix pour la visite: je n’ai jamais eu un voyage comme vous proposez, nous dit-il. Il est de la place, et ce n’est pas long avant qu’il ne commence à prendre goût à notre aventure, tout en soulignant que toutes les mines dans la région sont fermées. Nous allons entendre plusieurs explications de cette situation pendant les prochains jours: fermeture par ordre gouvernemental; fermeture en raison du faible prix du charbon; épuisement des gisements. La vingtaine de mines autour de Shan Yin ont été regroupées en trois grandes opérations et – apprenons-nous finalement – il y a une mine qui explique les camions qui passe: un de ses cinq puits fonctionne encore.

En altitude et plus au nord, nous sommes ici au début du printemps, les boutons des arbres à peine sortis avec leurs feuilles. Plusieurs arrêts en route nous fournissent une explication préliminaire des paysages pittoresques, marqués par des sortes de terrasses qui ne sont pas, selon le chauffeur, dans le loess et qui doivent composer plutôt, d’après ce que je comprends, avec la présence de pierres. Ce sont par ailleurs un fond rocheux dans les montagnes que nous traversons qui distingue la région de celles où nous trouverons le loess. Reste que nous voyons des plantations un peu partout, certaines «artificielles», d’autres avec de la végétation indigène, suggérant que l’érosion est connue ici aussi. Certaines longues pentes douces, toujours quand même entrecoupées de ravins, se trouvent sans plantations, et le chauffeur nous dit qu’elles resteront comme cela, étant privées… Autre élément du paysage: de nombreuses grandes éoliennes le long des crêtes qui ne tournent pas et qui, selon le chauffeur, n’ont jamais tourné depuis leur installation il y a trois ans. Explication au mieux partielle: les gens préfèrent utiliser le charbon…DSC08665

Finalement, l’après-midi de cinq heures se transforme et s’adapte. Nous prenons bien note de plusieurs mines qui n’opèrent pas, nous montons sur la colline par-dessus celle qui opère, presque en cachette, pour voir ce qui peut se voir de l’extérieur. Plus intéressant, plus important, nous visitons trois villages, dont l’un, Beizucun, est averti de notre arrivée par le chauffeur, et où nous échangeons avec une trentaine de villageois sur leur situation. Ce sont des fermiers cultivant surtout du millet et des pommes de terre, ce qui explique qu’ils s’y trouvent encore, tout près de la mine partiellement ouverte. Les jeunes du village ont dû quitter faute de travail, même si quelques uns sont en visite justement cette journée de fête nationale. Et le chauffeur nous explique la présence de tout ce monde en plein sur le chemin: ils sont en train d’exiger un paiement de 50 yuans par camion pour l’utilisation de la route du village, la seule qui mène à la mine. D’après le chauffeur, ils obtiennent plus de revenu ainsi que par leur travail.

Nous visitons aussi le «nouveau» village qui, il y a une trentaine d’années, a permis le déménagement des résidents du «vieux» village qui paraît toujours de la route, et qui est carrément dans la tradition architecturale du Shanxi. Il s’agit de portes d’entrée courbées dont la forme s’explique par l’origine de la tradition, les maisons troglodytiques creusées à même les falaises du Plateau de loess et dont la courbe d’entrée, continuant à l’intérieur, représentait sûrement la meilleure façon de protéger les résidents d’effondrements des toits intérieurs. Peu importe qu’il soit «nouveau», ce village a subi les mêmes impacts que les autres, une bonne partie de la population ayant été obligée de partir pour la ville, faute de travail.

Nous suivions pendant la journée une nouvelle autoroute qui traverse la région de Shan Yin dans les montagnes; notre départ le lendemain nous oblige de faire près d’une demi-heure en taxi pour atteindre la nouvelle gare ferroviaire, loin dans la campagne. Il faut croire que le trajet avait d’autres priorités que de desservir directement la petite ville de 300,000 personnes, même si, quand les mines opéraient, l’ancienne route était presque impassable, selon notre chauffeur. Ces nouvelles infrastructures sont presque le pendant des «villes fantômes» dont nous avons observé la présence partout, même dans Shan Yin, phénomènes reliés à un boom dans la construction qui avait sûrement un lien avec la croissance phénoménale de l’économie chinoise depuis plusieurs années. Ici, les édifices restent inoccupés parce que trop chers, nous dit-on, comme on entendra ailleurs aussi.

Xuan Gang

Nous arrivons le lendemain à Yuan Ping avec l’idée de nous promener dans une autre région où le charbon est/était maître, mais nous constatons tout de suite que nous sommes en plein milieu de la vallée qui ne paraissait pas toujours clairement lors de notre montée vers Datong. Vérification faite, une région importante pour le charbon se trouve dans les montagnes vers l’ouest, à une cinquantaine de kilomètres, autour du village de Xuan Gang. On se dirige immédiatement vers la gare d’autobus, le chauffeur de taxi voit notre autobus déjà sorti de la gare, et nous y embarquons de la rue – il reste deux places… J’ai une place en avant, et puis suivre notre ascension dans les montagnes Tuolantuo Shan pendant le trajet de plus d’une heure. Il y a des camions de charbon sans arrêt sur la route, et je vois trois trains de charbon sur ce qui semble être une nouvelle voie ferrée.

Pas de taxi dans le village, nous marchons 10 minutes sur le chemin principal pour atteindre l’hDSC09019ôtel (ma «valise» se transforme en sac à dos qui, n’ayant qu’environ 35 livres, m’a permis les déplacements assez facilement un peu partout). Et nous voilà prêts à chercher un chauffeur pour nous montrer sa région. Il n’est pas long avant d’apprendre de lui que toutes les mines de charbon autour sont fermées, cette fois-ci en raison de l’épuisement des gisements. Il nous mène sur l’autre coté des montagnes Tuolantuo pour rentrer dans la vallée de Ningwuxian où nous apprenons que plusieurs mines opèrent, certaines ouvertes tout récemment. Au loin, une autre rangée de montagnes, les Guogin Shan.

En cours de route, nous obtenons une explication de toute l’activité. Les camions viennent d’Ordos dans la Mongolie intérieure (d’où venait sûrement les camions vus à Baotou en 2011) passant au Shanxi sur un pont du fleuve Jaune près de Baode et Fugu, que nous trouvons sur ma carte. Leur destination est la province à l’est du Shanxi, le Hebei, et nous n’avons pas besoin d’autres questions pour comprendre qu’ils alimentent des centrales au charbon qui fournissent l’électricité pour Beijing, pas très loin à l’est. Les camions sont pour le moment sur les routes de montagne en attendant qu’une nouvelle autoroute qui rejoindra Yuan Ping soit terminée.. Quant aux trains, ils viennent aussi de la Mongolie intérieure, et se rendent jusqu’à Dalian sur la côte du Pacifique. Il ne m’est pas clair ce qui se passe là, mais j’avais déjà appris que la Chine est pleinement engagée dans le commerce international du charbon, important et exportant selon les marchés et les besoins. Au tout début de la visite du Musée des mines à Taiyuan, par ailleurs, nous avons été informés que les trois régions de la Chine riches en charbon sont le Xinjiang, dans l’extrême nord-ouest du pays, où d’énormes gisements ont été découverts récemment, la Mongolie intérieure et, en troisième lieu, le Shanxi où nous nous trouvons mais où tout semble être fermé, ou presque. Le portrait se précise un peu, sauf pour le Shanxi, que j’avais choisi en raison de son importance pour le charbon…

Notre parcours est presque sans incident: quelques mines abandonnées, une qui opère et qui alimente une centrale thermique près de Xuan Gang, une rencontre avec trois paysans en train de semer des fèves sur une petite parcelle près d’une mine apparemment en opération. Cette dernière rencontre constitue une sorte d’introduction à la culture sur le Plateau du loess: la parcelle pourrait facilement laissée à l’abandon, mais est disponible alors que leurs propres terres sont plutôt loin. Comment ils se déplacent reste sans réponse. De retour dans le village, nous prenons notre souper là où nous avions dîné, choisi par mon guide parce qu’il veut absolument des nouilles et presque rien d’autre. Nous découvrons que c’est un restaurant maintenu par une famille de musulmans; un jeune homme est responsable de la fascinante préparation des nouilles à partir de paquets de pâte, cela presque en continu au fur et à mesure des commandes. La petite ville elle-même, même s’il y a de l’activité partout, a perdu beaucoup de sa population avec la fermeture des mines, plusieurs personnes rendues maintenant l’autre coté des montagnes où les mines sont en opération.

Lüliang

Nous partons le lendemain matin pour Lüliang, à environ 4 heures de route en autobus, passant une autre fois par Taiyuan. Lüliang, d’après mes recherches, serait le centre d’importantes activités gouvernementales touchant les programmes d’intervention dans le loess pour contrôler l’érosion. Suivant les pistes que j’avais trouvées, dès notre arrivée nous cherchons en ligne des universités où les travaux de recherche se font, mais sans succès. Des contacts le lendemain matin (le lundi) sont aussi infructueux. Nous sommes réduits à notre approche habituelle, mais après un premier contact avec un chauffeur possible, je réalise qu’encore une fois, nous sommes dans une assez grande ville (peut-être seulement 1 million d’habitants, difficile à juger tellement les sources manquent de précision) alors que je m’attendais à une communauté beaucoup plus petite; il nous faut sortir de la ville pour rejoindre la campagne. Il n’y a pas de loess dans les montagnes rocheuses au nord de la ville, apparemment, et il semble qu’il n’y en a pas plus au sud. L’échange nous fournit le nom d’une ville vers le sud et voilà que nous prenons celle-ci comme destination. Une heure plus tard, nous sommes à Zhong Yang. Sauf que nous sommes de retour dans le charbon…

L’échange avait indiqué que Zhong Yang n’était pas une belle ville et que nous allions avoir de la difficulté à y trouver ce que nous cherchions, une région du Plateau du loess. En effet, je n’ai jamais vu une circulation de camions aussi intensive et, avant de débarquer de l’autobus, nous longeons pendant plusieurs kilomètres l’aciérie dont on nous avait parlé. Le tout est à une échelle chinoise, les camions sur une ou deux voies sur des kilomètres – et, confirmé par le chauffeur, cela à l’année longue. Une visite des installations en Mongolie intérieure complèterait en quelque sorte le portrait, là où – contrairement aux provinces de Shanxi et Shaanxi et ailleurs en Chine – les mines sont à ciel ouvert. Et je dois bien admettre que je pourrais plus facilement me rendre dans les Appalaches pour voir ce qui se passe plus près de chez nous plutôt que de me rendre jusqu’en Chine pour le spectacle. Aux États-Unis, je comprends que la moitié de toute la marchandise transportée sur les voies ferrées est du charbon; on me dit qu’en Chine une partie de la justification de la construction des voies de TGV était pour dégager les voies nécessaires pour le transport du charbon à travers le pays…DSC09306

L’échange entre le guide et le chauffeur de taxi avec qui nous établissons le contact au bout de la route du bus – on sent que la poussière de charbon est partout – est plutôt long, et encore une fois, il ne comprend pas bien ce que je voudrais faire (pas plus qu’un jeune avec qui nous échangions sur l’autobus même, les deux ne pouvant penser qu’à du tourisme). On s’entend pour un essai et on part. Premier arrêt, après 15-20 minutes de route: un site où arrêtent les touristes pour voir je ne sais quoi. L’échange reprend, et voilà, le chauffeur nous invite à visiter un village qu’il connaît; j’indique que cela m’intéresse, et nous repartons – au début, à travers les camions sans arrêt – pour un autre secteur. Et pendant encore quatre heures, nous quittons le charbon et l’aciérie pour une visite de la région. En route, nous voyons des flancs de montagne couverts de forêt et, presque toujours, il s’agit de forêts naturelles et là depuis longtemps, selon le chauffeur.

Le chauffeur connaît les gens dans au moins deux villages, et nous avons le privilège de non seulement voir le vieux et le nouveau mais d’entrer encore une fois en contact direct avec les gens, de visiter leurs maisons troglodytiques anciennes (dans la falaise) ou récente (comportant le même arrangement à l’intérieur, mais avec façades plus modernes). Au premier village, les nouvelles maisons se situent carrément dans la zone de culture, chose interdite dans le passé, mais certainement plus facile pour la vie quotidienne que celle dans les falaises mêmes. Ce chauffeur aussi insiste qu’il n’y a pas de problème d’érosion, que le loess est plutôt ailleurs mais il nous rend dans les hauteurs, dépassant les montagnes justement rocheuses pour atteindre une sorte de plateau et ce que je crois bien être un élément du Plateau de loess. En 2011, un paysan dans la Manchourie m’a donné un épi de maïs en guise de reconnaissance; cette fois-ci, ce sont deux pommes de terre qu’une femme m’offre quand je décline son invitation d’arrêter manger.

Je venais de visiter l’équivalent, en mieux, de Lijiashan, prochaine étape prévue sur notre itinéraire, soit un vieux village de maisons troglodytiques devenu un objectif de tourisme (les touristes doivent s’y rendre à pied, d’après mes recherche Google, mais ceci est contredit plus tard à Qikou, où notre chauffeur offre de nous y rendre). Non seulement avons-nous visité un tel village, mais nous avons échangé avec de vrais résidents (connus d’ailleurs par notre chauffeur). J’avais eu le même privilège en 2011 à Yan’an, dans le Shaanxi juste à l’ouest, et c’était aussi émouvant. C’est une nouvelle expérience pour mon guide, par ailleurs, qu’il semble apprécier.

Les grands champs de culture dans les hauteurs ne semblent pas être le vrai Plateau de loess, ce que le chauffeur nous dit, tout en insistant que ce sera plutôt du coté du fleuve Jaune et du vieux village de Qikou devenu lui-aussi un site touristique que nous trouverons les phénomènes du loess. Nous terminons la visite avec un arrêt à chacun des 10 points d’entrée de l’aciérie, sans pour autant bien distinguer les étapes du processus qui sont derrière l’étendu de l’installation et sans même que mon guide ne réussisse à comprendre mon intérêt.

Qikou et le Plateau de loess

Mes plans ont changé en cours de route. Nous ne ferons pas une deuxième journée autour de Lüliang, mais partirons dès le lendemain pour un aller-retour à la région de Qikou. En dedans de 15 minutes d’autobus en direction ouest le lendemain matin, nous voilà dans le Plateau de loess reconnaissable, et cela continue – on m’a donné un siège à coté du chauffeur pour mieux voir – pendant les deux heures du voyage. Je sais trop bien ce qui m’attend à Qikou même, et nous visitons le village à l’envers, d’abord passant dans les ruelles du vrai village habité, assez intéressant, pour nous rendre à la section transformée en accueil touristique, où le vieux devient ici encore du nouveau vieux. La planification de la transformation du village s’étend de 2008 à 2025, et il reste encore beaucoup à faire; le tout a commencé près du fleuve, et nous voilà encore une fois, à la frontière ouest du Shanxi, au bord du fleuve Jaune, à la limite ouest de mon voyage cette année et prêts à rebrousser chemin.DSC09900

Un contact avec un chauffeur potentiel dans le secteur touristique n’aboutit pas, sans surprise, et nous nous dirigeons de nouveau vers le secteur encore dans son état normal. Un chauffeur que nous y trouvons accepte l’idée d’une visite de peut-être trois heures, et nous partons vers les hauteurs par où nous venons d’arriver en bus. Le chauffeur connaît le coin et nous voilà partis cette fois-ci pour des visites de villages carrément installés sur le loess, où les champs – et les villages mêmes – sont entrecoupés de ravins tels que nous avons vus dès les premières heures dans le Shanxi sur le TGV en direction de Taiyuan. Ni le chauffeur ni les résidents ne reconnaissent de sérieux problèmes d’érosion, et nous ne pouvons que contempler la complexité de ce que j’avais vu des airs en 2011: des champs coupés par des ravins, cultivés jusqu’en bordure de ces ravins, les fonds des ravins reconstitués en champs faits par les sols érodés au fil des décennies, sinon des siècles ou millénaires. Nous sommes en contact direct avec ce que les gouvernements de différents niveaux cherchent à mieux gérer, la délicate opération de gestion de la culture dans ce territoire propice à l’érosion.

Nous apprenons qu’il est interdit de faire brouter les chèvres et les moutons, et nous les voyons dans des enclos. Nous comprenons que le gouvernement récompense les paysans pour le retrait de leurs parcelles de culture, mais nous ne voyons pas beaucoup de places où la culture semble abandonnée. Nous comprenons que de nombreux jeunes des villages où nous passons trouvent de l’emploi dans une mine de charbon (et une autre, de bauxite) assez près mais, comme ailleurs, les villages sont peuplés surtout des personnes plus âgées, les plus jeunes ayant quitté les lieux pour les villes. Nous demandons au chauffeur s’ils trouvent de l’emploi dans les villes, et il répond que non, le mieux étant des emplois précaires et peu rémunéré. Le portrait reste celui de l’ensemble du voyage, une migration à la grandeur de la Chine des jeunes dans les villages ruraux vers les villes, laissant en perspective un énorme territoire qui ne sera presque plus habité une fois les résidents actuels, plutôt âgés, seront disparus.

Ce n’était pas le portrait que j’avais retenu de mes visites antérieures, probablement influencées assez fortement par des séjours dans les régions des minorités. Et je n’avais pas posé toutes mes questions lors de notre passage en Manchourie en 2011, où les paysans récoltaient encore des milliers de kilomètres carrés de maïs à la machète. J’ose croire que là aussi les jeunes ont vu, au moins à la télévision, la vie plus facile que nous menons comme citadins.

 

 

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Notes de la Chine – Shanxi 1: un tourisme plutôt banal

Comme pour les deux derniers articles, celui-ci est une sorte de travelogue, sans beaucoup d’apprentissage sur le plan du développement. Pour ceux et celles qui seraient peut-être intéressés par un petit récit venant des entrailles de la Chine. Je mettrai des photos en galerie à mon retour à la mi-mai. 

Le TGV quitte Xinxiang pour faire 200 kilomètres vers le nord, changeant de direction à Shijiazhuang, capitale de Hebei, pour se diriger vers l’ouest. Nous quittons le Great Northern Plain pour monter sur le Plateau du loess. Les tunnels commencent tout de suite, et presque aussitôt les paysages qui paraissent entre les tunnels en montrent les signes: des ravins un peu partout et de plus ou moins grande profondeur, des petites plaines de sédimentation dans le fond des ravins, déjà en train d’être préparées pour la saison de culture qui commence. Partout aussi nous retournons au printemps, les arbres et les arbustes en fleurs ou en début de feuillage. Le voyage change d’étape.

Taiyuan

Taiyuan, capitale du Shanxi, se présente comme encore une autre grande ville  – 4,1 millions d’habitants – et nous voilà prêts pour une nouvelle visite. La ville est réputée parmi les 10 plus polluées de la planète et des 4 plus polluées de la Chine, mais nous sommes presque exemptés de l’expérience –  nous l’avions vu d’assez près à Zhengzhou, également sur la liste…

Le lendemain matin, c’est le Musée des mines qui nous attire, et nous voilà de retour à l’esprit de Zhangjiajie: le tout se manifeste avec le film de présentation, où je change de siège parce que je me crois responsable du mouvement – bien non, c’est plutôt le Musée, qui veut «animer» mon expérience, cela en lien avec des chaises, en mouvement ou non, qui rendent l’anglais en bas de l’écran illisible, le tout dans un jeu qui ne fait que souligner la banalité de la présentation et de la visite guidée, qui restent sur la surface tout au long des 90 minutes. Cela se termine en vantant les «villes de charbon» de la province, en commençant par Datong, notre prochaine destination.

Pour l’après-midi, j’avais demandé au guide de trouver un quartier où nous pourrions voir les gens dans leur vie quotidienne. Il propose le Liu Shan Jie, une rue piétonnière qui me fait craindre le pire, et c’est bien cela: un centre commercial tout le long de la rue. Sauf que les gens lui avaient dit qu’il y a des vieux quartiers tout près. Voilà, pour une rare fois depuis mon voyage de 2009 quand c’en était le thème, nous sommes témoins de la transformation de la vieille ville en nouvelle-vieille ville: il reste encore des rues et ruelles plus ou moins intactes, mais l’opération est en cours pour démolir le tout et le remonter en faut vieux-neuf. C’est Zhangjiajie presque revisitée, sous d’autres perspectives… Plutôt triste à voir, comme ce l’était en 2009, tellement les nouveaux quartiers ainsi créés manquent de l’activité normale des résidents.DSC07732

Le retour à l’hôtel en fin d’après-midi nous apprend que nous sommes identifiés comme terroristes potentiels par les policiers à l’entrée, étant les trois seuls clients de l’hôtel à part les participants à une grande conférence officielle du gouvernement provincial. On nous exige de partir tout de suite, il y a ensuite sursis pour une nuit, et le lendmain matin notre statut est changé pour nous permettre de rester la deuxième nuit. Quelques frousses, du stress pour notre guide, mais en même temps presque du spectacle, comme celui présente par un vieil officiel accompagné au train à Xinxiang par deux soldats armés de AK47 et qui est débarqué justement a Taiyuan. Dans notre cas, il s’agit de gardiens prenant trop au sérieux leurs responsabilités et passant proche du délire.

Vers le nord: Datong

Le voyage de 4 heures en train normal, mais en compartiment de couchettes, est assez facile, et me rappelle un voyage de 2011 dans le Gansu, entre Lanzhou et Zhangye, en moins intéressant. On voit que les gens se préparent pour l’ensemencement des champs, et de toute évidence, ce sera du mais. Comme en 2011, c’est fascinant de voir les tombeaux, de toutes dimensions, qui se trouvent partout dans les champs. Par contre, le sens d’une vallée avec des chaines de montagnes qui dominait à l’ouest et à l’est dans la vieille partie de la Route de la soie que nous traversions en 2011 au Gansu est presque absent lors de ce voyage, même si Datong est décrite comme occupant un site stratégique sur le plan militaire en fonction de sa géographie. C’est également fascinant de voir l’étendue de la pratique de couvrir les semences de plastique, à la grandeur des champs, ceux-ci des fois presque à perte de vue.

L’entrée à la gare nous montre peut-être les maisons les plus décrépites que j’ai vues jusqu’ici en Chine, pire que celles près de la vieille gare de Zhengzhou, mais avec des antennes paraboliques sur tous les toits. L’air de la capitale du charbon est presque crystallin. Notre chambre, pour une quarantaine de dollars, est la double de celle ou nous étions censés être en train de comploter, et nous donne de bonnes perspectives sur la ville, dont une sur une de ses trois centrales thermiques, des nuages de fumée sortant de ses quatre cheminées à la journée longue.

J’ai choisi Datong pour l’itineraire parce qu’elle est la porte d’entrée des régions de production de charbon, mais aussi parce qu’elle est située à une demi-heure des grottes bouddhiques de Yunhang, remontant à plus de 1000 ans et ayant des statues en remarquable état de conservation, pourtant plus ou moins en plein air. Nous prenons environ deux fois plus de temps que ce que las gens de l’hôtel nous avaient suggéré comme prévisible, et c’est intéressant, mais difficile à voir justifier des dèplacements de quelques milliers de kilomètres – pour les Chinois – ou de peut-ôtre 15000 kilomètres – pour des Américains.DSC08254

Mon neveu partira le lendemain, et nous décidons de continuer l’exercice touristique et de viser la Grande muraille, section Datong, pour l’après-midi. La Grande muraille s’étend sur 7000 kilomètres, et je l’avais dèjà vu de l’avion, je l’ai visite près de Beijing ainsi que dans son état de ruines tout près de son extremité ouest au nord de Zhangye. Nous entendons qu’il se trouve tout près de l’hôtel tout comme qu’il faut presque une journèe aller-retour pour s’y rendre. Nous demandons au taxi de nous amener au site tout près.

Il nous laisse à une grande porte dans des fortification évidemment recentes, mais où la solitude règne et où il n’y a aucune entrée ni prévue ni possible. Nous sautons dans un deuxième taxi, et voilà, il sait ce qu’il nous faut. Il nous laisse à l’entrée des fortifications nouvelles de l’ancienne ville – une partie terminée de ce que le premier taxi voulait nous montrer, mais à tort. C’est l’œuvre du maire Geng qui misait sur la transformation de sa ville comme capitale du charbon à une destination touristique de haut niveau. Finalement, on croit comprendre que les fortifications auraient été un chaïnon dans la Grande muraille, mais rien de l’original n’existe aujourd’hui dans la ville.

Du haut des fortifications, où nous sommes presque les seuls visiteurs, nous voyons, d’une part, toute l’activité commerciale liée aux travaux de re-création du vieux et, d’autre part, des petits quartiers qui sont sûrement ce qui a réussi à résister jusqu’ici au projet de démolition du maire Geng. Cinq minutes plus tard, nous sommes en train de passer dans les ruelles de ces quartiers, où des maisons intactes jouxtent d’autres plus ou moins démolies. Encore une autre expérience plutot triste, mais des échanges avec quelques résidents, dont un couple où l’homme est bien fier de souligner qu’avec ses 78 ans il est plus vieux que moi. Il y a passé toute sa vie et est convaincu qu’il va pouvoir y finir ses jours. Nous n’en sommes pas aussi convaincus…DSC08293

À part la rue piétonnière commerciale, nous avons l’impression, comme un visiteur sur Internet, que les gens de la ville, voire les touristes, ne s’intéressent pas à la création stérile du maire Geng et sont tout à fait sans connaissance des survivants de la vieille ville.

Un dernier musée/mine

En préparation pour quelques jours de visites dans le centre du Shanxi à la recherche de connaissances bien préliminaires d’une société fondée sur l’exploitation du charbon, nous nous dirigeons le 30 avril vers la seule mine en activité aoutour de Datong, et qui offre une visite de l’activité sous terre. C’est bien la mine que nous voyions la veille en visitant les grottes, une mine gouvernementale et la seule qui n’a pas été fermée dans la foulée des efforts de reconnaitre les impacts du charbon…

En arrivant, nous apprenons que la mine est fermée, mais qu’elle sera ouverte le lendemain, fête nationale du travail et journée où nous pensions quitter la ville pour rentrer à la campagne. Peine perdue, même en imagination: ils me permettent une entrée gratuite au musée, qui est ouvert, mais ils m’informent que toute personne agée de plus de 60 ans est interdite accès à la visite sous-terraine… Une visite du musée nous donne bien l’impression que nous ne trouverions pas de présentations intéressantes de toute façon avec la visite souterraine publicisée.

… et un dernier geste touristique

Nous abandonnons donc cette introduction souhaitée à l’activité minière et – face à un après-midi libre – nous décidons de suivre la suggestion des gens de l’hôtel, qui nous avaient déjà parlé de la Grande muraille… – à l’effet que le monastère bouddhiste Huayan mérite visite. Je sais d’avance que je ne sais pas comment rentrer dans une enceinte bouddhiste, ici davantage compliqué par les quelque trente édifices sur le site, et je me trouve aussi dépourvu cette fois-ci que lors d’autres tentatives. La plus vieille structure en bois de la Chine et un édifice où se trouve des reliques quelconques  – dans une structure faite de plus de 100 tonnes de cuivre – impressionnent quand mëme…

Il s’agit d’une visite qui termine bien notre séjour à Datong. De l’intérieur du monastère nous voyons presque tout le tour un ensemble d’édifices des nouvelles-anciennes fortifications, l’entrée se trouve sur la rue commerciale qui constitue le seul lieu d’activité de l’ensemble et dont notre visite nous en a presque isolés pendant quelque temps. C’est le temps de partir, le lendemain matin, en apprenant qu’il n’y a plus de billets pour le train, et nous irons â notre prochaine destination en autobus local, ma préférence…

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Notes de la Chine – Henan

Comme le dernier article, une sorte de travelogue, sans beaucoup d’apprentissage sur le plan du développement. Pour ceux et celles qui seraient peut-être intéressés par un petit récit venant des entrailles de la Chine. Je mettrai des photos en galerie à mon retour à la mi-mai.

Le passage du Hunan au Henan est plutôt frappant. Le Hunan abonde en rizières, dont le modèle un peu partout est un groupe de maisons, jusqu’à un petit village, autour ou en face des rizières cultivées par les résidants. En entrant dans le Hubei (Hu réfère à un grand lac du centre de la Chine, et bei = nord, nan = sud), le terrain devient régulièrement ondulant avec collines coupant ce qui aurait été au Hunan des sites de production de riz, ce qui n’est pas le cas ici. En passant au Henan (He = le fleuve Jaune qui domine l’histoire et la géographie du nord de la Chine), nous nous trouvons clairement dans le North China Plain, et de très grands terrains sous culture passent régulièrement, devenant la norme. La culture ne semble pas être le riz et nous soupçonnons le blé, dont notre guide avait indiqué l’importance au Henan. Je me demande si je suis finalement devant une agriculture industrielle, pas encore vue lors de mes voyages antérieurs.

Zhengzhou

Notre TGV arrive, surprenamment, dans la vieille gare de Zhengzhou, alors que presque partout on ne voit que des aérogares et des gares de train neuves. Nous n’avons pas vu non plus d’immenses étendues de grands édifices comme ceux qui ornent l’entrée de toutes les villes chinoises. En dedans et autour de la gare, nous nous trouvons à travers des sans-abri qui, selon notre guide, vivent dans la gare et aux alentours, même si c’est plutôt en hiver qu’ils se mettent à l’abri. C’est le soir, et le transfert à l’hôtel est comme souvent plutôt mystérieux quant à ce qu’il nous montre de la ville. Je me donne comme objectif d’y revenir le lendemain, histoire de voir si je suis tombé sur mon premier bidonville en Chine.

Le lendemain matin, c’est une tout autre ville. Comme dans toutes les grandes villes que je visite, mon idée est de me promener dans différents quartiers pour voir comment les gens y vivent. Le quartier autour de l’hôtel semble déjà intéressant, et nous y partons en direction de la gare du train de la veille. Finalement, il n’y a pas de bidonville, à peine quelques sans-abri. Les espaces sous les viaducs qu’ils occupent pendant l’hiver sont sans occupants alors que le printemps est arrivé, mais nous nous savons dans le quartier où se trouve ce qui reste d’une vieille Zhengzhou, la ville ayant été presque démolie par les Japonais pendant les années 1930. C’est une vraie Chinatown comme on connaît dans les villes nord-américaines comme Vancouver et San Francisco, l’activité est intense et variée et il y a beaucoup de monde qui manifestement y vit de façon tout à fait normale. C’est une découverte pour notre guide, qui a grandi dans cette ville, et il s’agit d’un quartier de la classe moyenne plutôt pauvre.DSC02072

En fin d’après-midi, je pars avec le guide pour une cité-village à 20 minutes du centre-ville où se trouve notre hôtel, et voilà, nous trouvons les grattes-ciels qui manquaient la veille, sans arrêt et à perte de vue à vitesse d’autoroute. La cité-village est une autre Chinatown; même si les édifices ici sont plus haut (environ 10 étages assez souvent) et la population plus grande, c’est une copie-conforme de ce que nous avons vu plus tôt dans la journée. Le guide, qui a vécu ici pendant un certain temps après ses études, souligne que les rues sont bondées dès la fin de la journée de travail et la descente dans les rues des résidents pour acheter ce qu’il faut pour leur souper ou pour acheter leur souper tout court. Et il y a, comme partout, des boutiques pour tous les besoins, voire pour le luxe.

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Zhengzhou est encore une de ces villes chinoises de seulement 5 millions, censée atteindre 13 millions d’ici peut-être 2030, mais pour les quelque 70% des résidents qui vivent dans les quartiers comme nous avons vus (estimé de notre guide), la grande ville ne semble pas comporter une destructuration du comportement et de la culture. Le problème – je n’ai pas vraiment envie de vérifier – serait pour les gens qui vivent dans les tours de 40 étages qui se trouvent partout et où la vie communautaire risque d’être sérieusement atteinte. La ville, située près d’un fleuve Jaune qui ne s’y observe nulle part, est parmi les dix villes chinoises les plus polluées, et le smog pendant la journée est assez évident. Les motocyclettes et scooters sont obligatoirement électriques, ce qui fournit une certaine paix dans les rues, mais ce geste est loin de suffire! Nous passons devant la seule centrale au charbon dans la ville en allant à la cité-village, et le chauffeur de taxi nous dit que la centrale est fermée – en effet, il n’y a aucune fumée sortant de ses cheminées – et que sa démolition pure et simple est imminente.

Les rizières de Yuanyang – Je ne puis travailler sans une terre.

L’objectif des deux prochaines journées est de rentrer dans la campagne, cherchant comme dans le Hunan un aperçu de la vie des paysans. Nous nous dirigeons vers Yuanyang, au coeur de la principale région productrice de riz de la région, selon le guide (qui n’y a jamais été), nom qui, curieusement, sort d’une recherche web comme le nom d’un site d’immenses et spectaculaires terrasses de riz dans le sud du Yunnan, plus à l’ouest. La petite ville/presque village est fascinante, en voie d’une transformation vers une de ces nombreuseses grandes villes de plusieurs millions de personnes en train de parsemer le paysage chinois d’un bout à l’autre du pays. Pour le moment, Yuanyang est une agglomération poussièreuse qui rappelle presque le Wild West où la petite ville d’origine reste la seule partie d’un certain intérêt et où il y a de la vie.

C’est déjà réglé que les grands champs vus du train sont du blé. La petite phrase en titre m’a été livrée par une paysanne en train de sècher du fumier dans la rue, et me paraît presque définir le paysan chinois (et d’autres). Nous engageons un chauffeur de taxi pour passer du temps à mieux voir et un peu mieux comprendre ce qui s’y passe. Les six heures avec lui, un local qui travaille encore dans les champs en complément a son travail de chauffeur, fournissent réponse à de nombreuses questions restées en suspens au Hunan. Les grands champs de blé sont cultivés comme ailleurs par des fermiers individuels et leurs familles, atteignant peut-être les 10 mus (un acre et demi) par famille même si les champs ne montrent pas les divisions. En contrepartie, un fermier entrepreneur a acheté les droits de culture d’un nombre important de paysans, et cultive 1500 mus; un échangeant avec le chauffeur, j’apprends que ce fermier travaille avec de la grosse machinerie et représente une sorte d’intrusion d’agriculture industrielle, en contraste avec la norme un peu partout.DSC07206

Le blé a été semé en octobre-novembre et sera récolté d’ici la fin mai. La terre est préparée pour les paysans par la machinerie, tout comme l’ensemencement et la récolte. Quant au riz, la terre est travaillée par de la machinerie, mais les plants de riz sont piqués manuellement, selon l’approche traditionnelle. Il n’est donc pas évident comment les paysans passent leur temps dans leurs champs, à part la période intense de plantation du riz… Pour le moment, ils s’activent pour préparer les pépinières pour le riz, des parcelles laissées à nu un peu partout  à travers les champs de blé. Le riz sera semé dans les pépinières d’ici 10 jours et les plants de riz seront piqués dans les champs dégagés du blé à partir du 1er juin. Voilà donc: le Henan réussit à faire deux cultures, blé et riz, au cour d’une année.

L’introduction de la machinerie au fil des années a éliminé beaucoup du travail que faisaient les paysans avant, mais le chauffeur souligne la plus grande efficacité que cela introduit dans la production. Selon lui, la vente du blé et du riz permet toujours un revenu adéquat aux paysans, même si ceux-ci complètent l’ensemble par du travail dans la construction ou ailleurs pendant les pérodes mortes. Les paysans ne semblent pas stressés et je dois bien reconnaître qu’ils jouent aux cartes et à Mahjong en grand nombre pour terminer leurs après-midis.

Notre visite ne s’arrête pas là. S’ensuit toute une série d’arrêts: une usine qui décortique le riz (la gérante souligne que les Chinois ne seraient pas intéressés à manger du riz à grain entier (comme chez nous, pour plusieurs), et l’imagineraient même pas comme une option – c’est pourtant là où se trouve une partie importante de la valeur nutritive du riz, et cette pratique m’est toujours restée un mystère; une usine à l’air libre qui transforme la paille du blé en tapis à multiples usages, dont une sorte de couvert isolant pour les pépinières pour les garder au chaud (il ne fait qu’environ 80 degrés lors de notre visite…); échange avec des gens qui passent (sans masque) avec des pesticides dans les champs de blé ou qui préparent le fumier qui sera déposé directement sur la semence de riz dans les pépinières; une usine qui travaille la paille de riz pour la transformer en innombrables produits, utilisant des machines assez rudimentaires (galerie de photos à mon retour) mais tout à fait efficaces et dont l’une ressemble carrément, en termes de principes, à un metier à tisser comme utilise mon épouse, en beaucoup plus élémentaire. Le propriétaire de cette dernière fabrique nous explique le tout (et veut même me recruter comme contact pour les affaires en Amérique…), et c’est fascinant. Il y a des paillasses de différentes formes pour servir de protection de marchandise dans les trains et dans les camions; il y a de la corde à multiples usages, dont celle qui entoure les troncs des arbres qui sont plantés partout en Chine en quantités à la chinoise. Une dernière machine prend la petite corde pour faire une corde qui doit avoir cinq ou six pouces de diamètre.

Notre chaffeur intervient un moment donné pour demander au propriétaire combien les gens gagnent. Le propriétaire prend l’exemple d’une femme devant nous (avec masque, comme tous les travailleurs ici) qui reçoit 5 yuans pour chaque rouleau de corde qu’elle produit, et qui en produit environ 20 par jour. Voilà un revenu de 100 yuans (ou $15 US) par jour, ce qui ne paraìt pas à dédaigner, et qui contraste avec le caractère plutôt l0w-tech de son travail qui suggère une pauvreté peut-être extrême.

Le Huang He – le fleuve Jaune

Une sorte d’objectif ultime de notre promenade est un contact avec le fleuve Jaune (le Huang He). Je vois le système de canalisations qui amène l’eau du fleuve un peu partout dans les champs. Le blé reçoit de l’eau seulement deux ou trois fois pendant sa période de croissance, alors que le riz exige l’eau en permanence quand il occupe les champs. Le Huang He lui-même appelle après tout ceci, et nous prenons probablement une demi-heure pour faire la dizaine de kilomètres à travers villages et champs pour nous nous en rapprocher. En route, nous arrêtons au poste de contrôle du système de canalisation, mais nous sommes encore assez loin du fleuve.

En quittant Yan Cun (village du cygne), dernier village de notre route de terre et celui où notre chauffeur a grandi, nous nous trouvons devant de grands champs de blé cultivé dans la pleine inondable du fleuve, dont il est plutôt difficile d’identifier les limites. Je mentionne pendant notre marche que le fleuve Jaune est plus haut par une dizaine de mètres en raison des énormes quantités de sédiments qu’il accumule tout le long de son parcours, entre autres et probablement surtout lorsqu’il passe à travers le Plateau du loess, où nous allons faire des visites dans une semaine. Le chauffeur me corrige en soulignant qu’il s’agit plutôt d’une vingtaine de mètres de sédiments. En fait, plus bas, il coule plus haut que les terres avoisinantes.DSC07341

Le soleil est couchant quand je mets les pieds dans le fleuve pour une deuxième fois, et c’est un moment assez émouvant, devant l’énorme rôle que joue et qu’a joué le fleuve, semblable de plusieurs façons à celui de notre Saint-Laurent. À noter que le niveau du Saint-Laurent est finalement contrôlé par un système de barrages en amont, alors qu’il y a – de mémoire – quelque 1100 barrages dans le bassin versant du fleuve Jaune…

 

Prochaines destinations, les provinces du Shanxi et du Shaanxi, le premier dominé par l’exploitation du charbon, les deux au coeur du Plateau du loess où le gouvernement a entrepris un grand projet de reforestation il y a plusieurs décennies pour essayer d’arrêter l’érosion.

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Notes de la Chine – Hunan

Une sorte de travelogue, sans beaucoup d’apprentissage sur le plan du développement. Pour ceux et celles qui seraient peut-être intéressés par un petit récit venant des entrailles de la Chine. Je mettrai des photos en galerie à mon retour à la mi-mai.

Les premiers jours du séjour dans cette province du centre-sud représentaient ce qui auraient été normalement une pause, mais l’itineraire a été fait en fonction d’un effort d’srriver dans les zones rizicoles un peu plus tard et la visite se fait donc au tout début.

Du tourisme à la Harvey

Quatre visites de secteurs reconnus comme touristiques ont bien confirmé ma compréhension de l’approche du gouvernement au tourisme de masse. Ciblant une population de peut-être 300 millions de personnes qui veulent imiter l’intérêt pour les voyages que nous avons, les sites sont aménagés et planifiés pour recevoir beaucoup de monde et pour les faire passer assez rapidement avec une expérience plutôt banale et faussée par la façon d’aménager les sites. Le seul quartier de la capitale Changsha qui a survécu aux bombardements des Japonais et au développement urbain assez impressionnant est maintenant une rue piétonnière avec boutiques plutôt de luxe et fréquentée par les locaux qui travaillent dans les grands édifices aux alentours et par des touristes, tous et surtout toutes assez chics. La visite donne la chance de voir comment c’était dans le temps, mais la rue et les accès sont assez limités. J’svais vu, en arrivant en taxi, qu’il semblait y avoir un quartier pas mal plus grand que le seul Tai Ping, et nous sommes passés assez rapidement à une traverse de boulevard et une entrée dans le vrai vieux quartier. Celui-ci était vraiment fascinant, comme c’est souvent le cas lorsque l’on quitte un site touristique formel.

C’est un quartier encore occupé par les gens. Au tout début, nous nous trouvons dans une rue où se trouvent des vendeurs – nombreux – de écrevisses en énormes quantités à travers qui se trouvent des vendeurs de tout ce qu’il y a de fruits de mer et autres: serpents, anguilles, poissons de toutes sortes, grenouilles… Nous rentrons par une ruelle dans un marché dans ce qui semble être le sous-sol d’un bâtiment quelconque et voilà, l’offre devient encore plus grande. Dans l’espace de quelques centaines de mètres, nous avons passé des marchands de rue venus probablement d’ailleurs pour nous trouver dans le vrai quartier. La visite qui en suit dure trois ou quatre heures. Nous y sommes les seuls blancs/étrangers, loin des touristes et des chics des gros édifices aux alentours, et nous y avons trouvé tout ce qui constitue une communauté tout à fait vivante: boutiques de premier étage de maisons de deux ou trois étages (et qui servent de résidence en haut), où se trouvent les vendeurs qui sont aussi les résidents et les parents des enfants qui s’y promènent; enfants qui sortent des écoles et se promènent dans les rue(lle)s comme n’importe où dans le monde; travailleurs qui reviennent de l’extérieur (lorsque nous approchons les 17h00 heures) et échangent avec les autres. Partout, nous sommes le centre d’attention, des Martiens rarement vus dans le quartier. Et il est évident qu’il n’y a pas de touristes. Une belle expérience.

Zhangjiajie

Le lendemain cible un parc national forestier reconnu par UNESCO. Pour pouvoir y passer du temps dans un itineraire assez chargé, nous y allons en avion (une heure de vol) et expérimentons ce qui était prévu par Wikipedia: des chauffeurs de taxi qui savent que nous sommes mal pris à l’aéroport et proposent que nous changions d’hôtel et demandent des prix de transport que nous savons trop élévés. Nous ne changeons pas d’hôtel mais nous payons le prix, pour rentrer à l’hôtel, laisser nos valises, et partir pour le parc à une demi-heure de la ville Zhangjiajie. Malentendu en arrivant au parc: le chauffeur nous demande deux fois le prix entendu à l’hôtel – ils ne sont pas différents que d’autres ailleurs dans le monde (et ce n’est quand même pas cher)…DSC00010

Et voilà que commence la deuxième expérience de tourisme. Nous payons d’abord le 45$ exigé de tout visiteur (et je me vois refuser un rabais pour âge parce que cela ne s’applique qu’aux vieux Chinois), mais aucune information n’est fournie pour nous guider dans la visite du parc. Alors que nous nous attendions ensuite a un parcours d’autobus dans la vallée qui allait durer un certain temps, après 5 minutes le trajet est terminé, au bas d’un périphérique où il faut débourser un autre $20 pour monter un haut, faire une petite boucle et redescendre. Je suis en mode rappel, cela complété par l’observation des hordes de touristes (chinois) qui agissent presque comme des enfants, tout centrés sur la prise de photo presque n’importe où. Nous ne prenons pas le péripphérique mais nous commençons a chercher une carte qui peut nous guider en dehors du sentier battu prévu pour nous. Finalement, nous voyons qu’il y a un sentier d’une certaine longueur et nous partons à pied. Comme lors d’autres visites, le sentier est pavé de pierres et je réalise que nous allons faire les 5-6 kilomètres sur du beton et de la pierre, histoire d’aménager le site pour le passage des hordes de touristes chinois qui passeront pendant une année. C’est le printemps et la marche nous fournit quand même une vue assez dégagée de multiples piliers de karst qui caractérisent le parc et qui montent des centaines de mètres du fond des vallées, tout en pouvant apprécier la forêt en reveil printannier. Je suis frappé par la quantité de chants d’oiseaux que je distingue sans avoir la moindre idée de son lien avec une espèce d’oiseau en particulier. Les trois ou quatre heures de la marche consacrent, au fur et à mesure, une décision (par moi et mon neveu) que nous ne reviendrons pas le lendemain, contrairement aux attentes. Une randonnée hors piste de pierre et ciment serait peut-être possible, et probablement dans une solitude réelle,  mais nous ne sommes pas préparés pour cela. Nous sommes des touristes assez typiques en Amérique qui voulions faire une visite en véhicule – mais les autobus ne sont pas là pour cela…

Les minorités

Le changement de plans n’est pas particulièrement dérangeant. Les trois prochaines journées seront en territoire de minorités chinoises, fascinantes dans leur maintien en grande partie de leurs anciennes coutumes, dont les vêtements, les cultures, l’architecture et la langue. Première étape, une visite de quelques villages Miao, dont j’avais vus d’àutres lors de mon premier voyage. Nous partons pour Aizhai, petit village tout près d’un autre village tourisitique – Dehang – classé UNESCO mais dont la visite est à éviter, d’après mon expérience et d’àprès Wikipedia. Nous passons un long après-midi à nous promener dans le vllage et dans les champs autour. Bon nombre de résidents travaillent dans les champs, mais peut-être la principale attraction: une partie de la communauté dans la rivière en train de réparer des failles dans le mur qui la guide à travers le village; on nous dit que lors des crues après des pluies le niveau d’eau peut monter de plusieurs mètres…

Après une nuit pendant laquelle mon neveu couche sur une grande table au premier étage, parce qu’il est presque malade de la fumée qui penètre le village venant de feux de paille et autres restants de l’automne et qui est plus forte au quatrième étage où est notre chambre ($15 pour la nuit, alors que celle de la veille n’était que de 25$, dans un hôtel de bonne qualité); notre guide est réveillé quant à lui vers 3hoo heures par des insectes (qui ne piquaient pas). J’ai bien dormi, découvrant les problèmes de mes collègues le matin… Mon idée est de faire une visite rapide de Dehang, histoire d’observer le site touristique et les touristes quand j’ai l’occasion, presque pas intéressé par le site lui-même. C’est à 20 minutes de Aizhai. Dehang est fidèle aux autres sites touristiques que j’ai déjà vus, normalement en mode observation des touristes. Tout est refait presque à neuf et – nous sommes tôt le matin et probablement tôt en saison – quand même lieu de multiples travaux et sans un nettoyage du ruisseau et ailleurs pour enlever le plastique et autres déchets venant des touristes et même des résidents de plus en plus adaptés aux modes modernes. Nous voyons tout le village à pied, expérience semblable à celle de la rue Tai Ping, en plus décourageant. Nous sommes de retour à notre hôtel à Aizhai dans un aller-retour record de deux heures. Petit regret: le spectacle de danse qui aura lieu plus tard dans la journée vaut la peine, assez inusité pour nous et plein de couleur, même s’il présente un spectacle qui est aujourd’hui plutôt muséologique.

Mon idée est de poursuivre à travers d’autres villages pendant la journée, en prenant des autobus locaux. Après plusieurs tenatives, je suis obligé de contenter que je me suis trompé concernant la géographie. Les villages sont situés au fond de longues vallées montant dans les montagnes de karst, et il n’y a pas de moyen de passer d’un village au suivant. Nous partons donc pour Tongdao, siège d’une autre éthnie, les Dong.

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Nous n’avons pas d’hôtel réservé et nous pitonnons sur le cellulaire dans le foyer d’un hôtel et notre choix tombe sur un hôtel en deuxième place sur la liste, nous prenons un taxi et nous nous rendons. Nous apprenons que c’est le meilleur (et plus récent) hôtel de la petite ville. À notre arrivée, la directrice nous aide à essayer de réserver par Ctrip, cela en allant dans son bureau, et c’est assez impressionnant de la voir agir ainsi. Pendant l’effort, je lui indique (suivant une suggestion intéressante venant de Wikipedia) que nous voulons avoir un chauffeur/guide pour le lendemain. Elle nous en trouve un dans la demi-heure et – surprise –  offre de nous accompagner comme guide gratuit pour le trajet d’une bonne partie de la journée! Nous ne la croyons pas au premier coup, mais c’est confirmé en vérifiant: nous allons passer à travers son pays natal où habitent encore de nombreus parents et connaissances et elle est même formellement guide aussi.

La journée est bien plus intéressante avec une locale comme guide et nous prenons un repas bien intéressant aussi.  Premier arrêt: un autre village, Putou Zhai, où il faut payer pour entrer (sorte de UNESCO chinois, où je n’obtiens pas de rabais) sauf que cette fois-ci UNESCO et le gouernement ne semblent pas en contrôle. C’est un vrai village, plutôt grand (population entre 3000 et 5000) et nous le visitons, notre guide connaissant les gens et les coutumes. Les couleurs sont moins frappantes (noir et bleu surtout) que celles utilisées par les Miao, mais on vient à apprécier les costumes portés encore par bon nombre des gens. Nous semblons être non seulement les seuls blancs, mais les seuls touristes. D’après notre guide, les jeunes gens sont obligés de quitter le village pour du travail ailleurs dans la région, et une bonne partie des gens que nous voyons sont plutôt agés, histoire je crois comprendre d’une croissance de la population qui a dépassé la capacité du milieu à les soutenir.

Au dîner, le poisson trempé dans la saumure est leur spécialité, j’y goûte, mais c’est difficile à trouver de bon goût… Par ailleurs, il faut souvent faire attention aux piments: même si je suis bien habitué aux mets mexicains après avoir vécu au Nouveau-Mexique pendant sept ans, la quantité de piments est un peu (beaucoup) exaggérée, notoire pour la cuisine de Hunan. Nous visitons d’autres villages Dong par la suite; ils sont reconnus pour leurs tours à tambour et leurs ponts de vent et pluie, et nous réussissons à en voir plusieurs, tout en visitant des villages où l’architecture est toujours intéressante. Mon neveu et notre guide/directrice développe pendant la journée le moyen d’échanger par cellulaires interposés, chacun(e) avec application pour traduction vers l’autre. Cela devient presque une romance, surtout que toutes les filles chinoises (même Dong) sont fascinées par les visiteurs blancs mâles!

Dans les rizières

Le lendemain nous voit en route vers la plaine rizicole au sud de Changsha, près de Zhuzhou. C’est un autobus de deux heures et un train de sept heures qui nous attendent. Quand même intéressant de voir l’activité dans le train et de voir les paysages passer.DSC01428

Mon objectif est de visiter des régions où un ensemble d’activités – minières, industrielles, agricoles, de construction – a fortement pollué les rivières et probablement les nappes phréatiques, alors que celles-ci fournissent l’eau pour inonder les rizières. La contamination qui en est résulté, à laquelle s’est ajoutée celle venant des déversements sauvages de résidus miniers et industriels et du lessivage agricole, ont laissé de bonnes parties de certaines régions contaminées (voir les liens dans l’article publié avant mon départ). Je ne m’attends pas voir la contamination, mais voir les gens et les rizières, peut-être plus.

La première journée nous ciblons Xinma, pour découvrir que cette assez grande municipalité (nous visitons surtout le village) ne produit plus de riz, les producteurs ayant été compensé (assez?) par le gouvernement en échange de l’arrêt de la culture du riz. Nous sommes dans une zone par où passe la rivière Xiang, la plus importante de Hunan. Nous découvrons – une surprise pour moi – que de nombreux champs de riz sont ensemencés directement, abandonnant la longue tradition suivant laquelle de jeunes plants de riz sont piqués directement dans les rizières préparées d’avance – à vérifier cette tendance… Nous observons, presque comme partout en Chine, que les gens se mettent à jouer aux cartes, et surtout à Mahjong, dès 15h00 heures. Nous aimerions beaucoup trouver le moyen d’interrompre le jeu un moment donné pour échanger avec eux, histoire de savoir comment ils passent leurs journée, travail, loisir, tàches domestiques, etc. On a clairement l’impression que ces gens se plaisent à ne pas travailler comme des esclaves, et acceptent – paraît-il – de vivre de façon modeste, que ce soit dans les villages ou dans les villes. Autre comportement à vérifier…

Nous échangeons brièvement avec un couple de riziculteurs (dont les parents vivent avec eux dans leur propre maison maintenant agrandie – 88 ans pour la grand’mère, 90 pour le grand’père) pour comprendre qu’ils paient quelqu’un pour passer avec un rotoculteur pour préparer le terrain et pour l’ensemencer ensuite; ils sont actuellement en train d’attendre les quelque trois mois pour procéder à la récolte, sans travail, mais ce portrait ne me semble pas satisfaisant. À noter que Xinma est un d’environ 400 «villages de cancer» où la contamination a eu des conséquences, et continue à en avoir, ce qui est confirmé par notre chauffeur/guide.

Indépendant de l’effort de comprendre la production de riz: Xinma se trouve à quelque 11 kilomètres de Zhuzhou, et l’expansion de la ville est rendue là. Un premier chauffeur, de Xiangtan, ne savait même plus où chercher le village, qui est quand même encore là. Par contre, le développement de toutes sortes, dont un parc industriel, sont aux portes du village, à quelques centaines de mètres de cette communauté qui paraìt encore presque intacte.

La deuxième journée cible une région à presque deux heures d’autobus de Zhuzhou, près des montagnes où se trouvent les mines de métaux non ferreux (sans parler de charbon…) ainsi que différentes industries, dont les fonderies. tout cela en amont d’autres grandes régions rizicoles. Nous visons Zhujiaqiao et prenont l’autobus dans cette direction (compté de You), pour aboutir dans une autre petite ville, Xiangtan. Une chauffeure de taxi nous confirme connaître les mines et les sites de contamination par les résidus – les rizières vont de soi – et nous partons en visant une visite de quatre heures. Finalement, elle connaît quelques sites dans la ville même, mais ne connaît pas où se trouvent les mines et les fonderies que je voudrais voir. Nous tournons en rond pendant les quatre heurs, voyant différentes parties de la région, qui se contrastent fortement avec celle des Dong, plus à l’ouest mais probablement dans les mêmes montagnes. Résultat de la journée: nous passons par une usine fermée et vidée de son équipement par le gouvernement que la chauffeure identifie comme ayant été une fonderie, mais qui n’en était pas une; nous visitons’une usine de production d’engrais qui semble avoir installé un système de traitement primaire pour son effluent, visant surtout de la sédimentation – il y a un nouveau conduit qui part de l’installation pour se diriger directement dans la rivière quand même avec seulement une partie de ses rejets enlevés; nous constatons la présence de dragage tout au long de la rivière MiShui (eau de riz…) pour obtenir des matériaux de construction: sable, pierre, graviers. Les rizières sont partout, et nous commençons à voir plus clair dans les techniques de production; nous ne voyons aucune activité sur les routes indiquant de l’exploitation minière, même de charbon.

Nous quitterons tantôt en TGV pour la province de Henan, plus au nord, et ensuite Shanxi et Shaanzi, où mon intérêt sera surtout pour le charbon dans la vie des gens.

 

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Voyage dans les entrailles de la Chine

Mon premier voyage en Chine était un peu un voyage à la lune, tellement le pays était défini comme «ailleurs» pendant que je grandissais aux États-Unis. Même aujourd’hui, le pays mène ses propres affaires pas mal indépendamment du reste du monde. En même temps, nous la connaissons de mieux en mieux, et elle est de plus en plus devenue un pays «normal». Sauf que, par sa taille, elle est plutôt «anormale» dans le sens que tout ce qu’elle fait comporte aujourd’hui des incidences sur le reste du monde, sur la planète.

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Les deux premiers voyages

Je suis une personne qui ne se stresse pas facilement, mais mon premier voyage en Chine en 2009 était finalement la période la plus stressée de ma vie, tellement les communications étaient difficiles, voire impossibles. En même temps, il m’a fourni mes premières perceptions d’un pays fascinant, d’une part par l’omniprésence de masses de Han, ethnie dominante dans le pays avec plus de 90% de la population, autant dans des villes grandes et petites qu’à la campagne, d’autre part par les différentes minorités qu’elle héberge (une cinquantaine) et qui maintiennent encore et en bonne partie leur culture propre dans les coins reculés où elles ont été poussées dans le passé. Suivant un guide Lonely Planet pour le sud du pays, je l’ai traversé de Hong Kong sur la côte sud-est jusque dans le piedmont des Himalayas, à Shangri La (…!) dans le Yunnan.

Pour mon deuxième voyage, en 2010, je me suis donné comme tracé pour l’itineraire le bassin du fleuve Yangtze. Partant de Shanghai, je me suis dirigé vers l’ouest, en passant par de nombreuses villes sur le parcours (en même un peu en dehors du parcours) : Hangzhou, Nanjing, Suzhou et Wuhan, pour terminer à Chengdu, encore une fois au pied des Himalayas et un retour par Chongqing. En comparaison avec le premier voyage, c’était sans stress : j’avais un guide/interprète qui, même s’il ne connaissait pas les endroits par où nous passions, rendait possibles les communications tout au long du voyage.

Les perceptions que j’ai pu emmagasiner lors de mon premier voyage se voyaient étoffées quelque peu par des contacts directs avec les gens, grâce à mon interprète. Autant c’était un privilège pour moi de pouvoir entrer en contact avec des gens à de nombreux endroits, autant c’était fascinant pour eux de me voir, une sorte de lunatique, un étranger manifestant un intérêt pour leur coin de pays, et pour eux.

Le troisième voyage

Mon troisième voyage, en 2011, s’est dessiné en fonction de l’expérience des deux premiers. Cette fois, c’était en bonne partie le bassin du fleuve Jaune qui orientait les déplacements. Encore une fois, avec mon interprète, nous passions une journée ou deux à marcher différents quartiers d’une ville, pour ensuite passer une journée ou deux à nous aventurer à la campagne autour. La technique : prendre un autobus à partir d’une ville pour aller jusqu’au bout de la ligne, ensuite louer un taxi local pour une visite de quatre ou cinq heures dans la région environnante, assez souvent et encore source de l’alimentation de la ville. Les rencontres que cette approche permettaient sortaient des visites touristiques ordinaires, pas les moindres celles avec les chauffeurs de taxi, fascinés par mon intérêt pour leur coin de pays…

Au début de ce troisième voyage, une première semaine dans le nord-est de la Chine, en Manchourie, était saisissante dans ses perspectives. Des visites (évidemment rapides et sans prétension à une compréhension quelconque) de villes clé, Shenyang, Changchun et Ha’erbin, étaient entrecoupées par les trajets entre elles en autobus. Sur des centaines de kilomètres, nous ne voyions que des champs de maïs, en train d’être récoltés – sauf que nulle part nous ne voyions de la machinerie normale. Et voilà, notre approche pour les contacts nous a permis (i) de rentrer carrément dans ces champs pour échanger avec les paysans qui étaient en train de faire la récolte – à la main, et cela sur des milliers de kilomètres carrés – et (ii) de réaliser que les villes s’extensionnaient loin à la campagne, de façon tentaculaire, dans ces mêmes champs…

Le reste du voyage nous a permis des incursions dans la Mongolie intérieure, histoire de voir quelques vestiges d’une autre culture, et dans le Gansu, autour de Zhangye et dans le sud-ouest, une sorte de Tibet intérieur presque dans les Himalayas et siège d’un des grands monastères buddhistes du pays à Xiahe, le monastère Labrang; la ville musulmane de Linxia était également une découverte. Le retour nous a permis de compléter la boucle du fleuve Jaune, passant par Xi’an, Yan’an et Pingyao pour d’autres expériences. Nous avons vu les traces de l’immensité du Plateau du loess et de l’érosion qui l’a marqué au fil des siècles, tout comme des indications des efforts de reforestation en œuvre depuis des décennies.

Pour mitiger le stress expérimenté lors du premier voyage, j’ai suivi deux ans de cours de Chinois (débutant même un troisième que j’ai dû abandonner parce que le cours était tellement exigeant qu’il entrait en conflit avec mon troisième voyage…). Ces cours ne m’ont pas rendu compétent ni en Chinois oral ni en Chinois écrit. Par contre, et comme les voyages eux-mêmes, ils m’ont fourni de nouvelles perceptions, un contact avec un autre monde, ici linguistique, où les caractères fournissent une toute autre idée d’une langue et des liens entre l’oral et l’écrit, les caractères n’ayant presque aucun lien direct avec la prononciation, avec la langue orale qu’ils représentent.

Voyage à l’intérieur…

Voilà, je m’en vais en Chine pour une quatrième fois. Cette fois-ci, ayant acquis un sens minimal de la géographie du pays, je rentrerai dans ses entrailles. Une première semaine (entrecoupée d’une visite d’une région où résident des populations des minorités Miao et Dong) se fera dans la province de Hunan (population 66 millions), la plus grande productrice de riz du pays – sauf que le riz s’avère hautement contaminé par des sols syant subis les assauts de milliers d’entreprises polluantes aux alentours, au su de tout le monde. Le riz du Hunan n’est presque pas vendable, et les paysans sont en train (ce sera à voir) de s’adapter à cette réalité. Une autre semaine permettra la visite d’une autre région de riziculture, le Henan (population 94 millions), histoire de voir des contrastes, si possible.

La semaine suivante s’orientera vers le Shanxi (34 millions), une province qui contient le tiers de toutes les réserves de charbon du pays; elle est entourée de plusieurs autres provinces qui viennent d’adopter des engagements pour une réduction importante, souvent en termes absolus, de leur consommation de charbon. Note intéressante à cet égard, une récente étude indique qu’il y aura plus d’emplois créés dans le processus de transformation du secteur de l’énergie que d’emplois perdus dans les mines, le transport du charbon et dans les aciéries. Restera à voir si les nouveaux emplois seront capables de remplacer ceux perdus dans les provinces affectées. Pour le moment, le Shanxi ne participe pas dans le processus. Voir le graphique.

La suite du voyage ciblera de plus près des régions du Shaanxi (38 millions) où le Plateau du loess a été reforesté et où je pourrai essayer de voir comment le pays a réussi ou pas à endiguer ce fléau. Un film documentaire de 2008 en fournit d’intéressantes perspectives visuelles, et plusieurs études, dont une de 2013, tracent l’historique des problèmes d’érosion dans la grande région ainsi que les défis et les acquis de plusieurs décennies d’afforestation ciblant un contrôle de cet énorme problème. Nous aurons une journée pour (re)visiter le fascinant quartier musulman de Xi’an, autrefois le début (ou la fin) de la Route de la soie.

Chine voyage iv15  Shanxi via Greenpeace

 

Fin du voyage : 3 jours à Shanghai, ville fascinante d’environ 20 millions de personnes où, en 2010, j’ai pu visiter le quartier Zhabei qui a servi de centre de l’histoire de La condition humaine d’André Malraux, quartier en train d’être démoli en 2010 (voir photo plus haut). Ce n’était pas pour rien qu’il y avait un arrêt de métro qui nous y donnait accès…

Derrière les perceptions recherchées

Il est peu connu, mais en 2004 la Chine a calculé un PIB vert, une sorte d’IPV pour l’ensemble du pays et tout récemment, par la voie de ChinaDialogue, webzine avec sièges à Londres et à Beijing, j’apprends que la Chine a repris les travaux  sur le PIB vert ou IPV – en fait, j’avais des sources qui indiquaient qu’elle ne les a jamais abandonnés. Élément important dans la reprise, une approche à l’évaluation des responsables provinciaux et municipaux basée sur autre chose que la croissance du PIB dans leur juridiction, et incluant les coûts des dommages environnementaux. Pour les dommages sociaux, le pays est extrêmement conscient des risques de la situation actuelle mais, en contrepartie – comme pour les pays riches – il est également conscient d’une réaction profonde à tout changement qui comporterait une baisse dans les espoirs maintenus par la population. Une telle baisse est probablement inévitable, mais une redistribution est tout aussi possible en Chine que dans les pays riches…

NOTE: Je n’aurai pas accès direct à mon site pour publier des articles, mais je me suis arrangé pour que ma fille mette en ligne les courriels que je me propose de faire pendant le trajet – si je trouve quelque chose qui pourrait possiblement intéresser des lecteurs.

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Manifeste: élan global pour un nouveau modèle

Plusieurs signataires d’un Manifeste pour un (nouvel) élan global ont tenu une conférence de presse ce midi pour essayer de relancer des idées et des objectifs laissés peut-être trop dispersés, trop flous. Je n’y étais pas, mais je l’ai signé, parce qu’il va, dans toute sa rhétorique, dans presque la bonne direction.

Le Manifeste s’exprime en fonction de l’économie, sans bien cerner ce qui est en cause. On veut «écologiser» et «humaniser» cette économie, mais il n’y a pas de véritable vision de ce qui est en cause dans notre texte. Le Manifeste critique la croissance, mais surtout la croissance infinie et à tout prix. Il y a risque que la croissance anémique voulue – désespérément recherchée – par les élus de la planète soit celle jugée nécessaire pour l’effort de donner un nouvel élan à notre société. À tort.

En effet, le parti pris pour l’économie s’insère dans la volonté de «lancer un vaste chantier de développement véritablement durable, viable, juste et équitable», mais il est clair que les critères pour ce chantier, énoncés à même l’énoncé, doivent être respectés sans rester dans le flou de l’énoncé. C’est pourtant un nouvel élan global qui est nécessaire.

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Des précisions absolument nécessaires

La Manifeste prétend que les solutions existent, mais ne fournit aucune indication de celles-ci. Ce que nous disons est que nous devons agir dans l’espérance de pouvoir faire quelque chose, de nous tromper quant au destin que nous pensons voir se dessiner. Beaucoup de paroles frôlent la rhétorique, mais le fond et les constats sont assez solides : nous sommes dans la dèche, et devons agir.

Le seul élément précis du chemin pour l’action, partant d’une «noirceur nouvelle qui se répand», est l’objectif d’atteindre une réduction de notre consommation de pétrole de 50% d’ici 2030 et de couper nos liens avec le pétrole. Ce qu’il ne dit pas est que – à moins de poursuivre comme des enfants gâtées et ne voir que nos propres intérêts – cela est probablement la moitié de ce qui est requis. L’IRIS nous a déjà fourni l’objectif presque incontournable, une réduction de 40% de nos émissions d’ici 2020 et une baisse presque vertigineues par la suite.

Pour respecter son « espace atmosphérique », le Québec doit réduire ses émissions de CO2 de 3,6 % en moyenne, et cela pour chaque année entre 2000 et 2100. Cela implique une réduction de moitié des émissions dès 2025, par rapport au niveau de 2000. L’empreinte carbone du Québec devrait ensuite passer sous la barre des 20 Mt dès 2040.

Si on la compare avec les objectifs gouvernementaux actuels de réduction de GES, qui s’établissent à 25 % [maintenant 20 % HLM] de moins que le niveau de 1990 d’ici 2020, l’approche par budget carbone implique une action beaucoup plus ambitieuse, soit une cible de 40 % sous le niveau de 1990 d’ici 2020.

Cet élément plutôt défaillant du Manifeste, qui se veut ambitieux, donne une idée de l’ampleur de ce que nous y appelons «la transition». Déjà, le rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec a suggéré que le maximum que nous pourrons atteindre, avec une approche réaliste, est une réduction de 15 % en 2025…

L’élan global que nous recherchons comporte beaucoup plus que des changements dans nos relations avec l’énergie fossile. Il comporte des changements radicaux dans notre façon de vivre, dans notre consommation, dans notre reconnaissance de la situation vécue par les trois quarts de l’humanité. Le deuxième chapitre que j’ai écrit pour Les indignés pour mettre en relief les indicateurs qu’il nous faut comme guides met un accent sur l’empreinte écologique et l’Indice de progrès véritable. Il donne du mordant à la volonté de quiconque s’identifie comme «objecteur de conscience» dans le contexte actuel, qui exige davantage que l’on soit «objecteur de croissance».

Objecteurs de conscience, objecteurs de croissance

Le Manifeste réunit les objecteurs – de conscience, de croissance – qui en même temps signifient leur refus de l’abandon. J’y suis, mais mes co-signataires, pour plusieurs, n’ont pas d’idée de l’ampleur du défi. Ils signent en insistant qu’ils vont faire ce qu’il faut, et voilà l’intérêt. Maintenant, il faut commencer par dessiner le chemin. La première étape du parcours : le Conférence des parties à Paris en décembre. Il est écrit dans le ciel que les parties ne réussiront pas à s’entendre sur une programmation qui respectera ce que le GIEC nous dit est essentiel si nous n’allons pas céder notre espérance à l’incontournable.

Cela pose d’énormes défis pour le projet de «développement durable, viable, juste et équitable», expression où le Manifeste empile tout ce qui semble bon dans notre espérance. Par contre, le langage du Manifeste semble rejeter le discours lénifiant de l’économie verte, de la croissance verte, et voilà un fondement me permettant de signer. Le Manifeste prétend que notre territoire «regorge de sources d’énergies renouvelables», presque sûrement un élément fondamental pour le développement proposé dans la tête des rédacteurs, mais passe immédiatement à des objectifs de conservation. Le texte débute, par ailleurs, en insistant sur une situation où les ressources de la biosphère sont limitées et en déclin. Pour le répéter, il veut «créer un modèle de transition écologique» sans aucune précision quant à ce qui est en cause.

Le modèle de développement voudrait peut-être donc se fonder pour certains sur de nouveaux chantiers d’énergie renouvelable. Par contre, dans un contexte où les surplus sont prévisibles pour plus d’une décennie et où de tels chantiers élimineraient les fondements de la volonté de réduire la consommation d’énergie fossile – nécessaire pour de tels chantiers –, il va falloir beaucoup d’imagination pour montrer le caractère écologique et équitable d’une telle «transition».

Le Manifeste accepte l’imaginaire de la Révolution tranquille, contre l’IRIS dans Dépossession, et ils prônent même les objectifs de Brundtland comme si rien ne s’est passé depuis 25 ans : on doit procéder «à la construction d’une économie qui permettra l’amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale tout en protégeant l’environnement». Ce sera une économie où on consommera moins et produira mieux, comme disait-Brundtland. Un regard approfondi sur le sens de l’élan global voulu suggère – montre – que la transition «révolutionnaire» ne pourra être tranquille.

L’espérance presque source de désespoir

À la lecture du Manifeste, je n’arrive pas à bien cerner la «pensée unique» et la «pensée magique» qu’il cible pour identifier le changement voulu, et ma principale crainte face aux initiateurs du Manifeste est que le flou du texte se maintienne dans un flou d’action et d’engagement.

Je n’aurais pas survécu mes décennies d’engagement dans de tels efforts si j’étais porté au désespoir et, pourquoi pas, à la dépression (comme celle subie par plusieurs amis). Reste qu’il est presque désespérant de voir les groupes environnementaux et sociaux maintenir le même discours qui les a animé pendant ces décennies et contourner la nécessité de voir la nouvelle situation en face. Et que dire des 100 000 personnes que le Manifeste veut réunir?

Le Manifeste ne propose rien qui puisse ressembler à des solutions, si ce n’est que le discours en place depuis déjà trop longtemps. Maintenant que c’est lancé, il nous faut connaître les solutions, et les mettre en oeuvre.

 

 

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L’IRIS à la recherche d’un nouveau modèle: le secteur de l’énergie

Ceci est le quatrième et dernier d’une série d’articles portant sur Dépossession : Une histoire économique du Québec contemporain publié récemment par l’IRIS. L’objectif est d’essayer de rendre explicites les composantes d’un nouveau modèle que le livre semble pressentir mais ne présente pas explicitement.

 

Énergie : De la nationalisation è la privatisation, par Eve-Lyne Couturier et Bertrand Schepper-Valiquette

L’histoire de l’électricité au Québec; La petite histoire des hydrocarbures au Québec

Il faut aller dans les sous-sections de chaque partie du chapitre pour voir les détails mais, comme les titres l’indiquent, le chapitre ne fournit que par indirection les pistes pour une vision de la façon dont l’énergie devrait être régie dans la société. L’histoire débute avec des problèmes de corruption, de collusion et de mauvaise gestion au sein des entreprises privées qui opéraient dans le secteur de l’électricité et du gaz il y a 100 ans. Suit une présentation des étapes menant à la nationalisation des compagnies d’électricité (mais non des compagnies possédant leurs propres barrages) sous les régimes de Duplessis, de Godbout et finalement de Lesage.

Un modèle d’affaires pour le service public

Avec les interventions du gouvernement Lesage, dont le travail de René Lévesque, le Québec reconnaît comme un service public l’approvisionnement en électricité aux abonnés résidentiels et commerciaux. Couturier souligne qu’avec l’attribution à Hydro-Québec d’un nouveau statut en 1981 par Jacques Parizeau, l’État devient l’unique actionnaire, Hydro-Québec devient une entreprise à fond social et commence une gestion plus commerciale. Ce processus enlève à la population son rôle comme propriétaire (direct, mais je ne comprends pas très bien la distinction) et met en place l’effort de développement où, en plus «d’offrir le meilleur service au meilleur prix, il faut aussi trouver le moyen de développer le marché tout en étant de plus en plus profitable» (193).

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C’est justement à partir des années 1980 que l’influence grandissante des courants néolibéraux mène progressivement à des changements dans ce sens. La volonté d’intégrer le marché nord-américain mène, dans les années 1990, à la création de la Régie de l’énergie et de l’Agence d’efficacité énergétique et le début de la déréglementation du marché de l’électricité. Hydro-Québec se scinde en quatre entités distinctes «selon un modèle imposé par un marché externe privé, dans le but avoué de maximiser son profit» (198).  Suivent des années de contestation entre Hydro-Québec et la Régie de l’énergie, alors que le gouvernement redéfinit sa place dans le portait. En 2000, la Régie perd son autorité sur les lignes de transmission et leur entretien, et en même temps, avec la Loi 116, elle perd toute juridiction réglementaire sur Hydro-Québec Production, décision qui enlève beaucoup de pouvoir au gouvernement aussi. Le processus de déréglementation comporte l’instauration d’un engagement «patrimonial» et une sorte de redistribution par la voie de l’interfinancement..

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L’IRIS à la recherche d’un nouveau modèle: le secteur minier

Ceci est le troisième d’une série d’articles portant sur Dépossession : Une histoire économique du Québec contemporain publié récemment par l’IRIS. L’objectif est d’essayer de rendre explicites les composantes d’un nouveau modèle que le livre semble pressentir mais ne présente pas explicitement.

 

Mines : L’histoire d’une triple dépossession, par Laura Handal Caravantes

Les rôles du secteur public dans le mode d’administration des ressources minières au Québec; La législation minière québécoise : la place des citoyennes et citoyens, de l’État et de l’environnement; La dépossession économique : l’impact fiscal

Handal Caravantes a déjà présenté en avril 2010 un rapport de recherche pour l’IRIS qui mettait en question le soutien financier par l’État du secteur minier, soulignant le peu de bénéfices pour l’État associé à l’expérience au fil des décennies. Dans le chapitre du livre actuel, elle trace l’histoire du modèle productiviste inacceptable fondé sur le processus de dépossession des ressources, soulignant l’ampleur de la dépossession (169). Dans les deux premières sections, elle met l’accent sur la façon dont l’administration publique a joué un rôle de soutien au développement minier, sans y participer activement, et sur la législation qui favorise le développement à la faveur du secteur privé qui y opère.

Comme son titre l’indique, l’expérience comporte trois dépossessions: matérielle (142 s.), politico-écologique (146 s.) et économique (157 s.). Elle trace entre autres la création de sociétés d’État comme la SOQUEM et la SOQUIP et le rôle de la Caisse de dépôt et de placement et de la Société générale de financement (SGF) dans le financement de différentes interventions. Elle revient régulièrement sur le fait que ces interventions visaient à favoriser le développement par le secteur privé plutôt qu’un «véritable processus de réappropriation populaire de l’exploitation des ressources minérales» (121). Même en termes de développement économique, les résultats étaient mitigés et peu satisfaisants. À partir des années 1980 et la dominance du néolibéralisme, elle note un «recul du rôle commercial et industriel de l’État … il n’y conserve que les fonctions utiles au privé, c’est-à-dire un rôle de bailleur de fonds et la responsabilité d’assumer les risques» (129). C’est le même portait fourni par Pierre Dubois pour le milieu forestier.

L’intervention du gouvernement Marois n’a fait que poursuivre le «modèle extractiviste axé sur l’exploitation et l’exportation massive et à l’état brut des ressources naturelles» (134). Le gouvernement Couillard continue dans cette orientation «vers un modèle de développement risqué et de nature instable» en visant un rôle de partenaire-actionnaire des entreprises (137). Dans la présentation de l’histoire de la législation fondée depuis toujours sur le free mining, elle rentre dans ce qui est mieux connu et qui, comme trame de fond, insiste sur la main-mise des entreprises sur le développement.

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Une section de ce chapitre porte sur la carence démocratique qu’il associe au fait que le BAPE n’est pas décisionnel, ce qui contribuerait à la dépossession matérielle et politico-écologique (146-152). Elle note concernant les consultations du BAPE que, «loin de permettre un plus grand contrôle sur l’aménagement de leur territoire d’appartenance, cette insistance aurait plutôt pour fonction d’«encadrer un processus de négociation en continue des conditions de réalisation» des projets» (149). L’implication est claire que le BAPE devrait avoir un pouvoir décisionnel. Le processus de consultation ne donne pas toujours, sinon jamais, les résultats escomptés. (suite…)

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L’IRIS à la recherche d’un nouveau modèle: le milieu forestier

Ceci est le deuxième d’une série d’articles portant sur Dépossession : Une histoire économique du Québec contemporain publié récemment par l’IRIS. L’objectif est d’essayer de rendre explicites les composantes d’un nouveau modèle que le livre semble pressentir mais ne présente pas explicitement.

 

Forêt : Une histoire d’aliénation, par Pierre Dubois

Brève histoire des conditions de travail en forêt au XXe siècle; Brève histoire de l’économie forestière et du rôle de l’État

Comme ses deux divisions l’indiquent, suivant l’approche de tout le livre, le chapitre fournit une analyse de la situation en foresterie à travers une présentation intéressante de son histoire telle que vécue sur le territoire par les travailleurs, par les industriels et par l’État. Dubois met un accent sur le «constat révoltant» de l’exploitation des travailleurs, faisant une distinction importante ainsi avec l’exploitation forestière, qu’il ne mentionne à peine. «La foresterie a été la voie de prolétarisation de la population rurale d’autrefois» et les suites décrites dans la première section suggèrent que cette situation n’a guère changé.

Une syndicalisation partant des années 1950 a permis des «pas de géant», mais la Loi sur les forêts de 1986 a créé un vide juridique relatif aux conditions permettant la syndicalisation et ses bienfaits pour les travailleurs dans les années précédentes. Le résultat a été l’anéantissement de la syndicalisation (77). Les travaux de reboisement et de sylviculture qui débutent dans les années 1980 finissent par recréer les conditions de travail d’avant la syndicalisation, dont la sous-traitance, et le résultat est que ce sont surtout des immigrants qui travaillent en forêt à ces postes; même la Loi sur les normes de travail n’y est pas respectée.DSC04883

Pour ce qui est de l’histoire de l’économie forestière, Dubois la résume comme celle d’«un monde merveilleux où les profits sont privés et les coûts – sylviculture, protection, voirie, etc. – sont pris en charge par l’État» (81). Il trace l’histoire des entrepreneurs en bois rond et en bois de sciage, d’une part, et de ceux de pâte de bois et de papier, d’autre part. La distinction s’impose dans cette histoire entre les activités en forêt – la foresterie – et les activités de transformation – l’économie forestière. Les entrepreneurs dans la transformation du bois et la fabrication du papier nécessitent le bois comme matière première, mais opèrent dans un monde à part, le monde où il y a du profit à faire.

Une tentative de réforme menée par le ministre Kevin Drummond en 1972 marque un moment important où l’État essaie d’intervenir pour s’assurer de retirer des bénéfices de l’exploitation de ses forêts (90% de la forêt québécoise est publique). Le premier choc pétrolier et d’autres perturbations des milieux économiques ont fait que l’initiative a progressé plutôt lentement, en 1984 ayant repris en main seulement le tiers des concessions allouées aux entreprises privées.

Par contre, l’expérience a créé le secteur du sciage sous le contrôle d’entrepreneurs francophones relativement indépendants des papetières, dont le capital est surtout américain et canadien. Reste que, «à cause de l’absence de volonté politique du gouvernement et du fait du puissant lobbying de l’industrie papetière, les privilèges des industriels demeurent presque intacts» (88). L’étape suivante, avec la Loi sur les forêts de 1986 qui transforme les anciennes concessions en CAAF (contrats d’approvisionnement et d’aménagement forestier) «ne change pas grand’ chose : la gestion du patrimoine forestier public demeure privée» (89). La politique qui en découle «sonne le glas d’une industrie de sciage indépendante» (90), les papetières procédant à l’acquisition des scieries avec leurs capitaux plus importants.

Un nouveau modèle à caractériser (suite…)

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L’IRIS à la recherche d’un nouveau modèle : le milieu agricole

La publication récente par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) de Dépossession : Une histoire économique du Québec contemporain marque une étape intéressante dans la nécessaire identification d’un modèle pour remplacer celui de notre système économique actuel qui est dépassé par ses contradictions. Contrairement à d’autres interventions, les essais dans ce livre ne se limitent pas aux crises occasionnées par la domination du néolibéralisme depuis les années 1980, montrant que le fond du problème remonte plus loin et met en question le modèle économique lui-même dont le néolibéralisme n’est qu’une variante particulièrement néfaste.

L’IRIS propose une intervention en deux étapes, celle-ci, le volume 1, portant sur les enjeux associés aux ressources de la province; un volume 2 en préparation portera sur des enjeux sociaux à travers une critique de la technocracie héritée de la Révolution tranquille. Selon le coordonnateur du projet, Simon Tremblay-Pepin, la démarche «s’attaque à l’idée selon laquelle la Révolution tranquille aurait permis d’atteindre les objectifs d’appropriation économique qui étaient les siens dans l’imaginaire québécois» (16). Contrairement à l’idée que cette initiative a marqué un âge d’or, l’IRIS propose plutôt qu’elle a mis en place deux groupes sociaux qui ont maintenu la dépossession déjà en cours à cette époque, les technocrates et les entrepreneurs québécois. Il s’agissait d’élites dont les compétences leur permettaient de passer facilement entre les sphères politique, de la fonction publique et de la direction d’entreprises privées. Les véritables processus «émancipateurs» venaient des mouvements sociaux et étaient la libération des femmes, le mouvement ouvrier et celui de la libération nationale. Les phénomènes des années 1980 ont mis fin à ce qui restait du rêve, et depuis, la gestion des affaires supplante finalement le service public. Même Fondaction de la CSN et le Fonds de solidarité de la FTQ passent à la trappe, avec les conflits d’intérêt engendrés par leurs doubles mandats.

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Finalement, la proposition de l’IRIS est que «les immenses ressources» du Québec devraient servir à «la création d’une économie nationale qui aurait pour but de répondre aux besoins de la population» plutôt que d’être assujetties à l’intérêt d’investisseurs de l’économie mondialisée. On a une idée peut-être du nouveau modèle recherché avec le commentaire de Tremblay-Pepin à l’effet que «la dérive vers le néolibéralisme était au coeur même du projet de création d’une bourgeoisie nationale et d’une technocratie d’État» (23). Comme tous les articles montreront, et pour le répéter, l’intervention de l’IRIS met en question le modèle économique capitaliste lui-même, presque sans jamais le dire. L’élite est le «chantre» du social-libéralisme agissant dans le sens de l’économie actuelle.

Comme Tremblay-Pepin souligne, à travers l’ensemble de dépossessions de ressources et de moyens que le livre présente, c’est finalement «de l’action politique que le peuple a été dépossédé» (274). La fin de l’Introduction en fournit des paramètres de la pleine possession du pouvoir souhaitée et des conditions minimales pour mettre fin à la dépossession présentée : «1) le contrôle sur la façon dont l’exploitation des ressources est effectuée et son objectif; 2) la capacité de décider si un profit doit être ou non tiré de cette exploitation et la capacité de déterminer qui recevra ce profit et à quelles fins; 3) la possibilité de poser une limite à cette exploitation» (24).

C’est dans sa Conclusion que Tremblay-Pepin présente le plus explicitement le but de cet exercice collectif : «Cet ouvrage avait pour ambition de faire advenir les raisons de ce sentiment [de dépossession] à la conscience collective, de fournir des explications objectives afin de décrypter les discours dominants et se donner les moyens d’agir» (266).

À la lecture du livre, les deux premiers objectifs semblent bien réalisés, mais les moyens d’agir semblent laissés, dans chacun des chapitres, à des constats implicites dans les textes et aux quelques pages de leurs conclusions respectives. (suite…)

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