Exploitation forestière: Trop de développement durable?

Le terme est utilisé aujourd’hui de telle façon qu’il n’a presque plus de sens propre, signifiant tout simplement quelque chose de positif, souvent en relation avec l’environnement. Voilà qu’André Tremblay, pdf du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) est capable de lui enlever même ce sens, soulignant qu’il peut y avoir trop de cette chose vertueuse, le développement durable.

L’intervention est venue lors de préparatifs pour le Rendez-vous de la forêt québécoise du 21-22 novembre dernier, au Saguenay. Comme c’est le cas pour la plupart des dossiers couverts par mon livre sur l’Indice de progrès véritable pour le Québec, les débats et les échanges continuent à se faire sans tenir compte de façon adéquate des contraintes associées au coût monétaire des impacts de ces activités, rarement calculé.

Dans mon calcul de l’IPV pour le Québec, le secteur forestier ressortait en fonction d’un aspect de la crise dans le secteur dont on ne parle pas. Le coût du transport du bois du parterre de coupe jusqu’à la scierie est aussi élevé que le coût de la récolte elle-même – la distance dépasse les 150 kilomètres en moyenne. Source: Jacques Nadeau Le Devoir le 19 novembre 2013Comme j’ai noté dans le travail, la hausse du prix du pétrole augure très mal pour l’industrie, et l’exploitation du bois dans plusieurs régions éloignées risque de coûter trop cher. M. Tremblay souligne que le coût du bois au Québec est le plus élevé en Amérique du Nord, mais ne donne aucune indication qu’il voit ce qui semble être la principale composante de ce coût. Et il peut bien se plaindre du coût des redevances et des rentes versées à l’État, il sait très bien – autre découverte du calcul pour l’IPV – que l’État donne le bois déjà, ne pouvant imposer des redevances au risque de mettre la survie de l’industrie en question. C’est le coût de l’énergie qui représente le défi de base pour la récolte, et la proposition de diminuer les coûts à la seule place où cela semble possible, dans les contraintes établies pour respecter le caractère renouvelable de cette ressource, constitue un retour en arrière bien trop caractéristique de l’industrie dans le passé.

Avec mon éditeur MultiMondes, c’est ce chapitre du livre qui a été choisi pour diffusion publique, et en plus de se trouver sur ce site, il se trouve sur le site d’Économieautrement avec une mise en contexte qui situe l’importance – l’urgence – de tenir compte des faiblesses du PIB comme indicateur de notre développement comme société.

Bon nombre de forestiers rejettent la banque de données du MRN qui est à la base de mes calculs comme une « boîte noire », approche que j’ai vue lors d’une présentation que j’ai faite à l’Ordre des ingénieurs forestiers au printemps dernier; d’après ce que je réussis à décoder de leurs propos, il s’agit plutôt d’une sorte de déni et d’un rejet d’un système dont les modèles s’avèrent assez complexes et peut-être incompréhensibles à leurs yeux – quitte à ce que les responsables au MRN fassent un plus grand effort de vulgarisation (et peut-être de correction à certains égards) de leurs modèles.

Les perspectives sur l’avenir du secteur forestier sont assez dramatiques, et méritent d’être situées dans un contexte qui inclut des paramètres peu utilisés, et que mon travail cherche à mettre en évidence. Cela n’enlève pas certains potentiels qui rentrent directement dans le bilan futur de l’industrie, dont une utilisation accrue du bois dans la construction en remplacement de matières non renouvelables et un recours à la biomasse forestière en remplacement du mazout utilisé pour le chauffage un peu partout en région. Par contre, il semblerait que l’industrie propose, dans un effort de cibler ce marché potentiel assez important, de recourir à la forêt pour la production d’électricité en période de surplus important d’énergie dans la province. Elle a encore du chemin à faire…

Source de la photo: Jacques Nadeau, Le Devoir

 

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Afro-optimisme ou afro-pessimisme?

Le PIB est tout simplement hors jeu dans l’effort de s’orienter, de se faire une idée intelligente face à cette question. Depuis plusieurs années maintenant j’essaie de suivre les travaux des économistes qui interviennent dans les débats publics, ceci parce que je leur attribue la cause de l’échec du développement et de l’intégration de l’environnement dans ce développement depuis des décennies. J’ai bien lu différents propos sur l’avenir prometteur de l’Afrique, mais la lecture d’un texte dans Le Devoir récemment sous les titre «L’afro-optimisme ambiant doit être tempéré» m’a quand même frappé.

Mon travail sur la «correction» du PIB comme indicateur de ce développement a trouvé un soutien dans le rapport de la commission présidée par Joseph Stiglitz, prix Nobel de l’économie et complétée à sa direction par Amartya Sen, autre prix Nobel de l’économie et Jean-Paul Fitoussi, sommité française dans le domaine de l’économie. Le rapport portait sur la nécessité de se doter de meilleures approches au développement que celle fondée sur la croissance de l’activité économique (du moins, c’est l’espoir) suivie par le PIB.

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Je ne vois aucun changement dans le comportement des économistes depuis le dépôt de ce rapport, mais le récent texte passe tellement proche de le faire qu’il mérite commentaire. Khalid Adnane, économiste à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke, consacre le début de son texte à un portrait de l’Afrique récente en fonction de son PIB tel que ce continent est présenté dans de nombreux ouvrages. Le portrait fournit un (faux) espoir qui rend manifeste les défauts du PIB, et le reste du texte porte sur le «revers de la médaille», une mise en question de la prospérité que la croissance nominale de l’économie africaine suggère. De façon tout à fait directe, cela passe par la déconstruction des indications fournies par le PIB pris comme indicateur grossier du bien-être de nombre de pays – ceux qui ont des ressources, ceux qui n’en ont pas – mais le texte n’en parle pas directement. Il contredit tout simplement l’illusion fournie par le PIB et qui soutient « l’afro-optimisme ».

Les indications du PIB suivent la recette bien connue : le PIB de l’économie africaine plus que doublé depuis 2000, avec un taux de croissance d’environ 5%; le revenu per capita est passé de $2000 à $3200 pendant cette période; l’exploitation des ressources minières et énergétiques est reconnue comme le moteur de ce »développement». Adnane montre que ce portrait se bute néanmoins à la réalité. (suite…)

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Automobile, électrique ou pas: fausse bonne idée? fuite en avant? passage obligé?

Le Québec se prépare pour l’élaboration d’une politique énergétique, et les enjeux sont assez dramatiques. Une série de textes dans Le Devoir par Pierre-Oliver Pineau, Jean-Robert Sansfaçon en éditorial, et Jean François Blain, montre finalement la difficulté de bien situer ces enjeux dans un cadre approprié. Un texte que j’ai soumis au Devoir en élabore quelques unes des difficultés, en soulignant que c’est l’automobile elle-même et non son électrification qui doit être mise en cause. Toute la discussion s’insère dans l’approche au développement économique du gouvernement et de nombreux intervenants privés, et c’est rare d’y trouver une prise en compte des implications du pic de pétrole, de l’empreinte écologique (ou l’empreinte carbone) ou d’autres indicateurs de contraintes écologiques. Pourtant, ces contraintes paraissent de plus en plus incontournables et rendront inutile l’effort de conception de la politique si elle n’en tient pas compte.

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Le mémoire que j’ai soumis à la Commission sur les enjeux énergétiques est tout à fait irréaliste, ciblant une transformation rapide et complète de notre flotte de véhicules en hybrides ou électriques, au fur et à mesure de leur remplacement. Le débat tourne autour d’analyses qui montrent jusqu’à quel point nous sommes confrontés à des situations où bon nombre de décisions en matière de développement paraissent, et aujourd’hui sont, irréalistes. À l’instar de la Commission, l’annonce de sa Stratégie d’électrification des transports cible, en priorité, non pas le bienfait que représenteraient une diminution de notre dépendance du pétrole et une certaine réduction de nos émissions de GES, mais plutôt la possibilité qu’une industrie manufacturière puisse naître de cette initiative. Comme c’est presque toujours le cas, les objectifs environnementaux, qui deviennent de nos jours des enjeux reconnus explicitement même si tardivement par les interventions en faveur d’une «économie verte», doivent s’insérer dans la poursuite du développement économique, de la croissance de l’économie.

Ceci se manifeste dans les chiffres proposés dans le débat concernant la flotte de véhicules québécois. Je retiens la référence de Pineau à 350 000 véhicules ajoutés à la flotte chaque année, mais je me demande s’il ne s’agit pas plutôt du nombre de véhicules remplacés; sur 15 ans, on remplacerait la flotte de 4,5 M de véhicules au complet – sauf qu’il faut bien reconnaître qu’il y aura des augmentations aussi selon les tendances bien en place. Le gouvernement Charest proposait, suivant Pineau et Sansfaçon, d’électrifier 300 000 véhicules pour 2020, ce qui n’aurait été que 10% de la flotte, tout en étant un nombre impressionnant et probablement hors d’atteinte selon une vision réaliste. Le gouvernement Marois, dans la nouvelle Stratégie, ne propose d’électrifier que 12 000 véhicules, nombre dérisoire mais probablement plus réaliste…

En réalité, et contrairement aux orientations gouvernementales, l’intérêt de l’initiative visant l’électrification de la flotte de véhicules n’est pas qu’elle semble verdir l’économie, surtout pas l’espoir que nous développions une expertise mondiale pour la filière manufacturière en cause. L’initiative est une exigence économique en soi. Les économistes Pineau et Sansfaçon, dans leurs contributions au débat, ne semblent pas voir ceci. Ils ciblent une réduction des émissions de GES en priorité mais ne montrent d’aucune façon comment ils voient cela arriver, face aux constats de la Commission sur les enjeux énergétiques. Celle-ci montre que l’objectif de réduction des GES rentre directement dans le modèle économique et sociétal que nous avons et suggère dès le départ que l’objectif est irréaliste.

C’est Blain qui voit ceci de façon claire, dans son calcul des coûts. Électrifier toute la flotte de 4,5 M de véhicules réduirait les dépenses des ménages pour le transport de 6,5 G$ par année. Il suggère par contre que cela libérerait autant pour «oxygéner l’économie intérieure et soutenir la diversité de nos activités économiques productives». Ceci souligne le véritable enjeu de cette initiative, que Blain ne met pas en évidence.

Le Québec sera-t-il en mesure de supporter les coûts du maintien de son modèle des transports actuel, inscrit profondément dans son modèle économique? Est-ce que la transition vers une indépendance du pétrole nous permettra de soutenir le coup des effondrements en cours et à venir dans un avenir de plus en plus rapproché? L’électrification nous mettra peut-être à l’abri de certains soubresauts économiques ailleurs dans le monde, sans pour autant que nous puissions poursuivre l’ensemble de nos «activités économiques productives» qui sont en cause dans ces effondrements.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Complicité non perçue, non avouée

Le 22 octobre dernier le Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ) a tenu un atelier de formation pour mieux asseoir ses interventions futures devant la Régie de l’énergie. En effet, le ROEÉ existe, comme plusieurs autres organismes similaires, depuis la création de la Régie dans les années 1990 et a comme principal mandat d’intervenir à la Régie en fonction des exigences de celle-ci, notamment par une approche légale ayant recours à des avocats. En effet, la Régie est une instance réglementaire établie pour éviter que les décisions techniques concernant les politiques énergétiques ne soient dévolues aux élus de l’Assemblée nationale qui n’ont ni le temps ni la compétence pour en juger.

Cette institution réglementaire est également une instance économique, les aspects «techniques» qu’elle traite étant définis en fonction d’un modèle économique qui fournit les balises pour les processus consultatifs et décisionnels qui caractérisent sa face publique. En fait, la Régie s’insère de par son mandat dans un ensemble d’instances économiques dans le domaine de l’énergie qui finissent par définir les enjeux et les orientations pour le secteur : Agence internationale de l’énergie de l’OCDE; Energy Information Administration des États-Unis; Office national de l’énergie (ONÉ) du Canada.

Le défi est donc immense pour les ROEÉ imageorganismes ayant des préoccupations environnementales et sociales lorsqu’ils interviennent auprès de ces institutions. Actuellement, au niveau canadien, des groupes, incluant des groupes québécois, contestent les règles de l’ONÉ qui empêchent leur participation aux consultations concernant la demande de permis pour l‘inversion de son oléoduc par la compagnie Enbridge. Il s’agit d’un projet qui cherche à trouver une façon de sortir le pétrole de l’Alberta et du nord des États-Unis (Dakota du Nord) alors que ce pétrole est actuellement enclavé en raison d’un manque de capacité des infrastructures existantes.

Ce que les groupes ne reconnaissent pas est justement que l’ONÉ est une instance économique, soit une institution oeuvrant dans le cadre d’un modèle économique qui juge les incidences sociales et environnementales d’un dossier comme des «externalités». La contestation devrait cibler, ciblent finalement, les instances politiques qui ont donné son mandat à l’ONÉ. Même si ces dernières adhèrent également au modèle économique aussi, elles sont en mesure de prendre des décisions – politiques – quant à l’opportunité de maintenir cette adhésion. C’est dans un tel contexte que le gouvernement canadien de Stephen Harper insiste sur la priorité presque absolue de ses politiques économiques.

Les organismes membres du ROEÉ se trouvent dans une situation similaire, devant une Régie dont le mandat provient du gouvernement québécois et qui est balisé par le modèle économique. Ce n’est pas la place pour les débats sur les changements climatiques ni sur la pertinence de construire de nouveaux barrages dans un contexte de surplus d’énergie électrique. Ces enjeux ne sont pas dans le mandat de la Régie. Les groupes le savent, mais ne semblent pas reconnaître avec autant de clarté que leurs interventions, techniques et respectant les exigences de la Régie, s’insèrent dans un processus de planification extrêmement réductrice, comme tout ce qui découle du modèle économique. Ce modèle représente «l’économie» comme quasiment une entité en elle-même et presque sans liens avec la société et son cadre environnemental.

Ma présentation devant le ROEÉ n’était pas de nature à aider les organismes dans leur volonté d’intervenir auprès de la Régie. (suite…)

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L’IPV, outil pour de nombreux changements

Le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi de 2009 faisait le portrait des faiblesses du PIB comme indicateur de progrès, cela à la demande d’un des leaders du G8 (le président Sarkozy) et ayant comme auteurs deux prix Nobel de l’économie et une sommité française dans le domaine. Le rapport a connu une large diffusion. En 2010, les trois auteurs ont même publié une version vulgarisée du rapport, intitulée Mismeasuring Our Lives : Why GDP Doesn’t Add Up  (New Press, 2010).

Stiglitz p.1 pour blogueLes constats de ce rapport sont évidents et ne semblaient nécessiter que leur présentation formelle par des experts pour être reconnus. En dépit de cela, il s’avère presque impossible de trouver dans la pratique une application de ses constats par les administrateurs publics. À deux reprises récemment j’ai eu l’occasion de participer à des colloques organisés par l’École nationale d’administration publique (ÉNAP). Ces colloques m’ont fourni des occasions pour saisir les praticiens de ce que j’appelle des oeillères dans presque tout ce qui touche l’évaluation de notre activité économique, en commençant par le recours au PIB comme guide.

En mai 2012, le Centre de recherche et d’expertise en évaluation (CREXE) de l’ÉNAP a tenu un atelier lors du grand colloque de l’ACFAS de cette année. Les conférenciers se penchaient sur la question de l’évaluation de programme au sein des différentes administrations publiques. L’occasion m’a été fournie de présenter l’IPV comme un élément clé dans ces exercices, qui finissent par avoir des implications sur le plan économique. Je l’ai fait en soulignant la contribution du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi. L’intention de fournir les actes de l’atelier m’a permis d’écrire une synthèse des travaux sur l’IPV du Québec dans le contexte de l’évaluation de programme.

En septembre 2013, l’Observatoire de l’administration publique (OAP) célébrait ses 20 ans par un colloque à assez grand déploiement. Comme ancien sous-ministre adjoint et ancien vérificateur général adjoint (Commissaire au développement durable), j’ai été invité à présenter mes réflexions sur les enjeux associés aux efforts de rendre la recherche universitaire utile pour les praticiens dans les gouvernements. J’avais déjà été frappé par une intervention d’une professeure de l’ÉNAP et un autre de l’Université de Montréal au printemps 2013. Ces deux constataient, à la lumière des révélations de la Commission Charbonneau, que notre confiance dans les vérifications formelles ne pouvait qu’être ébranlée en constatant que ces vérifications, au fil des ans, n’avaient pas mis en lumière la corruption omniprésente au niveau municipal que la Commission Charbonneau est en train de réveler.

En pensant à ces constats, j’ai décidé de mettre à jour les «observations» que j’avais préparées pour mon deuxième rapport comme Commissaire; le rapport est paru après mon départ, sans indication qu’il s’agissait du rapport du Commissaire, et les observations qui s’y trouvaient étaient celles du Vérificateur général. J’ai donc fait une présentation sur les faiblesses que l’on pouvait associer à des vérifications qui acceptent le cadre d’analyse de l’administration publique, alors que celui-ci rejette les constats du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi. Ces faiblesses étaient communes à l’ensemble des réflexions du colloque, celles associées à la vérification (au niveau provincial), à la recherche universitaire et aux activités de l’administration publique. Comme c’est souvent le cas, mon intervention était en marge des échanges prévus et ciblait des enjeux à la base même des activités des acteurs, faussées, comme le disent Stiglitz, Sen et Fitoussi, par le recours constant à des critères économiques dominés par le PIB alors que cet indicateur ne mesure pas bien ce qui est important dans notre vie. Le malheur est que le PIB est toujours dominant, sous-entendu dans la recherche, dans la vérification et dans la pratique comme guide pour nos activités.

(suite…)

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Est-il trop tard? L’optimisme opérationnel

Est-il trop tard? est le titre du tout récent livre de Claude Villeneuve, ayant comme sous-titre : Le point sur les changements climatiques. Il est sorti la veille du dépôt du premier volume du cinquième rapport du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) rendu public hier. Le rapport du GIEC – en fait, le résumé pour décideurs du rapport du Working Group 1 qui sera déposé sous peu – ne fait qu’accentuer le drame de notre inaction depuis des années, et Claude fait le constat qu’il doit faire : il est trop tard pour éviter l’émission de niveaux de gaz à effet de serre dans l’atmosphere susceptibles de déclencher un dérèglement du système climatique. Une bonne partie du livre – c’est une des forces de Claude Villeneuve – représente un essai de vulgarisation des phénomènes en cause tout comme des travaux scientifiques qui cherchent à les comprendre.

Un autre élément du livre représente l’effort de Claude d’éviter la reconnaissance des enjeux en cause dans le constat d’échec de nos efforts, de ses efforts. Être pessimiste, dit-il, c’est être «défaitiste», et dans l’essai qui constitue sa conclusion il présente un discours qui va à l’encontre de mes propres constats. Il semble même que je lui sers de point de mire. À la deuxième page de sa conclusion (282), il fait référence à mon entrevue avec Éric Desrosiers dans Le Devoir des 30-31 mars 2013. Il conclut de sa lecture que selon moi «il n’y a plus rien à faire, sinon attendre le désastre». Dans ce qui suit, Claude embarque dans un discours dans lequel il oppose les pessimistes et les optimistes. Prétendant que son approche ici est scientifique alors qu’elle n’est que celle d’un vulgaire interprète comme moi, il nous présente les deux positions, celle de l’optimiste manquant complètement de crédibilité, même s’il représente beaucoup de monde. Claude, comme moi, n’est pas optimiste, mais il ne voit pas d’alternative, le cas échéant, que d’être pessimiste, ce qu’il refuse.LtG Turner

Le texte me fournit l’occasion de revenir ici sur ma propre analyse de la situation et de la façon de l’aborder, celle qui inspire tout ce qui se trouve dans ce blogue. La décision de créer ce blogue fait partie de toute une approche où je me décris comme un «optimiste opérationnel», depuis que Maurice Strong s’est décrit ainsi lors d’un discours à Globe ’90 à Vancouver il y a près d’un quart de siècle. Rien dans l’entrevue avec Desrosiers, ni dans celle avec Josée Blanchette qui l’a suivie, suggère ce que Claude décode des entrevues. Comme Josée Blanchette l’indique, j’ai «jeté l’éponge» en ce qui a trait à des interventions comme environnementaliste. Par contre, et comme je lui ai souligné, «cela fait longtemps que j’aurais fait un burnout comme plusieurs de mes amis si je ne refusais pas de me faire influencer dans mes sentiments et mes comportements en fonction de mon travail intellectuel». Je rejoins Claude dans le refus du pessimisme.

Ce qui est frappant dans la façon dont Claude aborde la situation maintenant est révélé vers la fin de la conclusion. Il y cite un rapport de 2009 fait par Van Vuuren et Faber pour la Netherlands Environmental Assessment Agency (PBL). Growing Within Limits a été soumis à l’assemblée globale 2009 du Club de Rome. C’est le discours et la pensée de «l’économie verte» (aussi appelée «la croissance verte»). Il faut croire que Claude, se joignant à de nombreux autres, préfère croire toujours que les tendances lourdes des dernières décennies peuvent être corrigées. Pour présenter cette orientation ciblant une économie verte, Claude doit tout d’abord décrire les critiques du modèle économique actuel (dont moi-même) comme cherchant à «tuer la bête» qui est ce modèle, plutôt que de «relever l’immense défi» qui est de le «domestiquer» (306). Comme dans la dichotomie entre pessimiste et optimiste, Claude ne voit ici que ces deux options, et semble rejeter d’emblée l’idée dont ce blogue fait la promotion, se joignant à de nombreux autres aussi, qu’il y a des modèles économiques possibles autres que celui qui cherche à (sur)vivre en fonction de la croissance sans limites. (suite…)

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Consultation sur les enjeux énergétiques – un exercice bâclé

En voyant que le gouvernement se lance dans une consultation sur les enjeux énergétiques du Québec, j’ai décidé de soumettre un mémoire. Le contenu est le chapitre sur l’énergie (en version préliminaire) que j’ai rédigé pour le livre du collectif qui s’en vient sur le Québec face à l’effondrement. Le titre du mémoire: «Une fuite en avant – vers le mur».DSC05899

Sauf qu’il comporte maintenant une première partie, ma réaction et mon analyse du document de consultation fourni par le ministère des Ressources naturelles (MRN) en soutien au travail à venir de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec. Il mérite que l’on s’y attarde un peu plus que M. Descôteaux le fait dans son éditorial du 4 septembre dans Le Devoir. Bien plus qu’une esquisse des enjeux à débattre, le document représente un élément dans la politique économique du gouvernement, dans laquelle devront s’insérer les résultats de la consultation. En effet, le gouvernement – de par son représentant dans le secteur de l’énergie, le MRN – ne voit d’intéressant dans les enjeux énergétiques que ce qui fournira l’occasion pour aller de l’avant – vers le mur… Lisez-le vous-même!

Le document souligne que le Québec est parmi les sociétés les plus énergivores de la planète. Mais en dépit de nombreux passages (pages 30-34 entre autres) où un lecteur raisonnable se verrait amené à conclure qu’il faut que le Québec réduise sa consommation d’énergie, les orientations présentées sont toutes autres. Au tout début, le document insiste même que le Québec doive viser une amélioration de son efficacité énergétique. Et il souligne plus loin, dans le même contexte, que des pays comme la Suède et la Norvège font beaucoup mieux que nous, et dans leur consommation d’énergie et dans leurs émissions de gaz à effet de serre (les nôtres sont deux fois plus importantes que celles de la Suède).

Il faut se rendre à la section sur l’efficacité énergétique pour comprendre les véritables orientations du MRN. Notre haut niveau de consommation est en bonne partie le résultat de choix économiques, disent-ils. Et cela devrait continuer. En appui à une telle orientation, le document cite un récent rapport de l’Office national de l’énergie (ONÉ) qui indique que la demande énergétique durant la période 2009-2030 augmentera dans tous les secteurs, résidentiel, commercial et institutionnel, des transports et industriel, pour aboutir à une augmentation de plus de 25 % en 2030. Et même la consommation de pétrole ne diminuerait que de peut-être 8 %.

Ceci dans un document censé lancer la discussion sur la façon pour le Québec de réduire ses émissions de 25 % à l’échéance de 2020. Le MRN donne toutes les indications qu’il considère un tel objectif irréaliste et la table est ainsi mise pour une consultation bâclée. Nulle part ne trouve-t-on une indication qu’il y a peut-être en effet des enjeux énergétiques environnementaux et sociaux à débattre, devant l’impératif du développement économique. Et le gouvernement n’est pas seul dans cette galère. Une étude du pendant américain de l’ONÉ, l’Energy Information Administration (EIA), prévoit une augmentation de la consommation de l’énergie à l’échelle mondiale qui représenterait, dans seulement 25 ans, l’équivalent des trois-quarts de toute l’énergie consommée depuis 150 ans. (suite…)

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BPC 25 ans plus tard – temps pour une révision de nos préoccupations

J’ai rencontré un ami à l’exposition d’art contemporain Symposium à Baie-Saint-Paul récemment, et la conversation a tourné aux BPC. Lui a commencé sa carrière au ministère de l’Environnement avec le début des interventions en relation avec les matières dangereuses, et était intrigué de voir qu’il y en a encore dans les parages plus d’un quart de siècle plus tard. De mon coté, j’avais à peine suivi les reportages sur le dossier des BPC, qui me faisait penser à autre chose.

En fait, les médias continuent à faire leurs manchettes en couvrant les «événements environnementaux», et il n’en manque toujours pas. DSC02831On peut remonter au feu de BPC à Saint-Basile-le-Grand en 1988 , suivi du feu de vieux pneus dans le dépôtoir de Saint-Amable en 1990 , pour retrouver les dossiers contemporains et quotidiens : fuite de pétrole à Sept-Îles, préoccupations pour les fuites possibles de nouveaux (et anciens) pipelines, feux à Deepwater Horizon et à Lac-Mégantic en relation avec le pétrole de moins en moins « conventionnel », émissions fugitives de puits de forages pour le gaz de schiste, poussières émanant des mines d’Osisko à Malarctic et éventuellement du projet de mine d’apatite Arnaud à Sept-Îles.

Pendant longtemps, c’était une question de déchets dangereux, et le public était peu conscient de l’omniprésence de matières dangereuses vierges. Cette situation a probablement changé, mais ce même public serait sûrement surpris de connaître l’ampleur des matières vierges dangereuses, toxiques, combutibles, explosives dans leur environnement. Et en effet, le terme « environnement » dans le langage courant a souvent plus à faire avec les déchets qu’avec les matières vierges, plus à faire dans les milieux d’affaires avec les égouts et les dépôtoirs qu’avec les aqueducs et les sources de nos matières premières. Ces dernières sont plutôt question d’affaires, d’économie.

Les reportages sur la contamination pouvant être associée à la catastrophe de Lac-Mégantic, à de nouveaux (ou vieux) pipelines et à un feu possible dans l’entrepôt de la compagnie Reliance continuent, et en continu. Ce qui me frappe est la présence d’autant de reportages sur les problèmes «environnementaux» de la planète sans que nous ne fassions le lien avec les autres plus locaux. Les premiers (mais finalement les derniers aussi) sont assez souvent reliés à la question de notre consommation (des matières premières fournies par la planète). Pourtant, ce ne sont pas les mêmes journalistes qui couvrent les uns et les autres, et ça prend des éditorialistes pour des fois faire les liens.

Un éditorial de Jean-Robert Sansfaon dans Le Devoir du 3 septembre, «Environnement : Punir les responsables» illustre la sorte de lien qui se fait de temps en temps. Sansfaçon commence : « eut-on avoir confiance en une entreprise qui entrepose illégalement des BPC depuis quinze ans, en une société minière qui laisse tout derrière elle avant de fermer boutique ou en une compagnie ferroviaire qui transporte des produits explosifs sur des voies pourries ? Si la réponse est non, comment expliquer que tous les gouvernements aient réduit leurs contrôles au lieu de les resserrer au fil des ans ?»

L’éditorial est dans la lignée des interventions touchant les questions d’environnement depuis des décennies. Ce qui est un peu différent est que l’éditorialiste est économiste. Ce qui est surprenant est sa question, parce qu’il connaît la réponse : «le développement économique est primordial et les contrôles réglementaires, fiscaux et autres ne peuvent être acceptés s’ils ont des impacts économiques».

Un autre texte du Devoir de la même journée illustre très bien cette condition. L’article «Gaz de schiste: Les États-Unis entraînent d’autres États à leur suite» se trouve sous la rubrique « Économie » dans le journal. Il y est question de l’intérêt économique (indépendance énergétique) que d’aucuns associent aux nouvelles ressources de gaz et de pétrole de schiste, même si d’autres – les scientifiques – craignent des impacts environnementaux importants. L’article poursuit comme si rien n’était : «Dans ce contexte, l’exemple britannique est un cas d’école. Affirmant que le Royaume-Uni ferait une «grave erreur» s’il tournait le dos au gaz de schiste, le premier ministre, David Cameron, a officiellement engagé son pays dans cette nouvelle course à l’or noir début août. «En Europe, tout le monde va regarder ce qui va se passer au Royaume-Uni», pronostique Thierry Bros, analyste à la Société générale. «Ce pays a une longue histoire pétrolière et gazière, et il a également un poids au niveau de Bruxelles quant aux réglementations en matière de pétrole. De l’issue de son expérience dans l’exploration des gaz de schiste dépendra le basculement d’autres pays en Europe».

Dossier clos, ou presque, et réponse fournie à M. Sansfaçon.

Les sujets mentionnés dans ces commentaires fournissent pourtant matière à réflexion plus importante. Aujourd’hui, les préoccupations pour les matières dangereuses manquent vraiment de cible. Ce sont les choses banales de notre vie quotidienne qui menacent aujourd’hui notre existence même, sans que nous n’en apercevions presque pas. Par exemple, le gaz carbonique (CO2) est un gaz omniprésent et en énormes quantités dans l’atmosphère, comme l’oxygène. Toute la vie sur terre dépend de la présence de ces gaz, et ils ne sont d’aucune façon matière d’appréhension ou de préoccupation pour raison de dangerosité. Par contre, le gaz carbonique est le gaz dont nos émissions en surabondance (venant surtout de l’utilisation des combustibles fossiles) menacent l’avenir de notre civilization, étant une des principales sources de la déstabilisation du climat planétaire.

De leur coté, nous voyons les plastiques comment étant peut-être des nuisances qui se trouvent un peu partout, des fois là où nous ne les voulons pas. Ceci n’est néanmoins qu’une question de nuisance pour nos vies quotidiennes où les plastiques sont essentiels pour une multitude de produits d’usage courant. Néanmoins, le public a probablement de la difficulté à associer avec la vie quotidienne les reportages qui nous informent qu’il y a aujourd’hui des « continents » de plastique flottant dans tous les océans. À la limite, c’est un problème « environnemental » qu’il faudrait gérer avec une meilleure réglementation des déchets…

Finalement, notre préoccupation pour les matières dangereuses entrepôsées dans des sites mal entretenus ou transportées sur des voies ferrées en mauvais état est une préoccupation aujourd’hui dépassée. Ce n’est plus un moment que nous vivons où nous devrions nous préoccuper en priorité d’incidences possiblement néfastes pour notre environnement proche et penser que l’important est surtout de régler cela. Le monde entier est devenu un entrepôt pour les déchets tout à fait inoffensifs en eux-mêmes mais dont le cumul devient lui sujet de préoccupation, source de catastrophe à des échelles n’ayant rien à voir avec celles des feux ici et là, des déversements ici et là, des nuisances à la propreté ici et là.

Vous connaissez mes propos : le développement économique des dernières décennies nous a rendu à une situation planétaire où l’humanité toute entière est en dépassement de la capacité de support de la planète. Elle a une empreinte écologique nécessitant déjà une planète et demi alors qu’il y a des milliards de pauvres qui veulent, avec raison, augmenter leur empreinte pour atteindre un niveau de vie acceptable. Et nous, dans les pays riches, avons une empreinte qui nécessiterait trois, quatre, voire cinq planètes pour nous soutenir, mais nous voulons continuer à « progresser ».

C’est du passé, et c’est le temps de nous préparer pour un nouveau paradigme de civilisation maintenant, aujourd’hui. J’écoutais la CBC en revenant de Charlevoix et je suis tombé sur une émission « Ideas in the Afternoon ». Le sujet était la fin de la croissance.  Elle présentait des extraits d’une soirée de février dernier, à Calgary. Jeff Rubin, ancien économiste en chef de la banque CIBC (et auteur de The End of Growth, paru en 2012) et David Suzuki, animateur de l’émission de CBC «The Nature of Things» depuis des décennies, y allaient avec leur portrait de la situation cachée par les reportages de problèmes environnementaux au quotidien. Je vous en recommander l’écoute.

 

 

 

 

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C’est possible, le papillon Monarque menacé?

Ce bloque représente non seulement l’occasion pour des réflexions sur les enjeux du développement, mais également l’occasion pour quelques témoignanges en relation avec une vie où une certaine intimité avec la nature était recherchée et souvent obtenue, mais cela à travers un déclin mondial de biodiversité que j’ai dû et que je dois constater. Je me sentais presque endurci face à cette énorme perte, mais une nouvelle cet été m’a quand même bouleversé. Chaque été, nous recevons dans le jardin et le long de la voie ferrée la visite des papillons Monarque, cet insecte impressionnant Monarch_In_Mayqui a traversé des milliers de kilomètres par des étapes qui comportent la parution de plusieurs générations. Lorsque nos enfants étaient jeunes, nous avons même eu le plaisir d’assister au spectable de la chenille se mettant en pupe où il se transforme en adulte pour finalement sortir de sa chrysalide. Cet été, nous n’en avons pas eu de visite.

En 2006, lors d’un retour au Mexique après une absence de plusieurs décennies, nous avons pu visiter le site d’hibernation du Monarque, près de Morelia dans le Michoacan. Les papillons à cet endroit dans les montagnes, probablement par millions quand nous avons visité le site, avaient effectué un « vol » de migration d’une seule génération pour venir d’endroits aussi lointains que le Québec. C’est à la limite de ce que font les oiseaux, mais effectué par un petit papillon!

Monarque MoreliaC’est vrai, mon voyage, en contradistinction au sien, comportait un vol en avion et l’émission de tonnes de GES, même s’il a permis non seulement la visite des papillons, mais, à travers le reste, une semaine au Chiapas pour essayer de tâter le pouls de la révolution paysanne qui a débuté le jour de la mise en application de l’Entente de livre échange de l’Amérique du Nord (ALÉNA). Les paysans du Chiapas avaient une bonne idée de ce qui les attendait avec cette entente à l’image de notre économie néolibérale. Je cherche à justifier ce vol, ce voyage, tout comme les trois faits en Chine pour essayer de mieux saisir les enjeux associés au pays qui va déterminer, fort probablement, l’avenir de l’humanité : il faut aller sur place, il faut voir les gens, il faut être saisi par les contrastes entre les modes de vie des uns et des autres.

Reste que la disparition du Monarque – je ne puis croire que c’est en passe de se réaliser, même si j’ai vu disparaître les hirondelles dans seulement une vingtaine d’années, tout comme l’ensemble des oiseaux insectivores, et maintenant les chauve-souris – a non seulement quelque chose d’incongru, d’inacceptable, d’à peine croyable. Elle comporte une illustration presque parfaite de la contradiction que ma vie et celle des populations de l’ensemble des pays riches comportent. Ces vies – voir ma réflexion faite en fonction d’un autre voyage, cette fois-là en Australie   – ont été possibles seulement en fonction d’une atteinte directe et insoutenable au fonctionnement des écosystèmes de la planète.

MISE À JOUR: Le 2 janvier 2014 David Suzuki anime une émission de The Nature of Things, où il est question du film IMAX The Flight of the Butterflies et de l’histoire de la découverte de la migration de ce papillon, la plus longue du monde par un insecte. C’était une occasion pour me remettre dans la réflexion, tout en me ramenant à mon voyage au sanctuaire du papillon dans le Michoacan du Mexique, en 2005.

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L’été, le tourisme et l’avenir

Peu de monde reconnaît ce que la liste de Fortune Global 500 (la figure) révèle année après année: parmi les douze plus importantes entreprises de la planète, onze sont des secteurs du pétrole et de l’automobile. Vu d’un autre angle, Éric Desrosiers nous informe que le tourisme est au même rang comme «puissant moteur de développement économique». En fonction de l’activité économique à l’échelle planétaire, «l’industrie touristique représenterait directement ou indirectement 9 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, soit un emploi sur 11 et autant, sinon plus, que l’industrie pétrolière ou celle de l’automobile.» Une lecture de la chronique fait ressortir que – pas une surprise – c’est un phénomène des riches; même si Desrosiers met un accent sur l’essor récent et important du tourisme attribuable aux pays émergents, c’est un phénomène de la classe moyenne de ces pays, où les inégalités sont même plus importantes que dans les pays riches.Fortune 500 1-12

Alors que les transports dominent dans la consommation du pétrole, c’est frappant de constater que cet autre secteur, fortement dépendant de déplacements, complète donc le portrait. Il fait ressortir jusqu’à quel point le PIB mondial est fonction de la principale menace pour la planète, les changements climatiques: les entreprises n’ont pas la taille de celles de la Fortune 500, mais ensemble elles sont aussi importantes dans leurs activités (mesurées par les dépenses) que celles liées à l’automobile.

Dans son livre Heat portant sur les changements climatiques, George Monbiot fait l’exercice pour voir jusqu’à quel point différents secteurs économiques pourraient s’adapter à la nécessité d’éliminer leur consommation des combustibles fossiles. Son seul échec est le secteur de l’aviation, où il ne trouve pas d’approches permettant à ce secteur de se maintenir. Traduit dans le contexte de la chronique de Desrosiers, le travail de Monbiot met en évidence un autre aspect de l’énorme défi que représente le changement de paradigme qui s’imposera. Ce ne sont pas les deux secteurs dominants du PIB mondial qui seront mis en cause, mais les trois!

Pour une réflexion sur l’activité économique à l’échelle de la planète, je me réfère au texte constituant la première partie de mon constat d’échec du mouvement environnemental: «L’économie biophysique comme plateforme pour la société civile: Limites à la croissance et les milieux financiers».

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