J’étais invité comme conférencier à l’assemblée générale en 2014 qui célébrait le 10e anniversaire du Conseil de bassin de la rivière du Cap-Rouge. Un accident survenu quelques jours avant m’a empêché d’y être. Ils m’ont donc invité pour l’assemblée du 11e anniversaire.
J’étais impliqué dans la création du Conseil, tout comme j’étais impliqué à la même époque avec la Fondation québécoise pour la protection du patrimoine naturel (FQPPN), qui travaille sur la protection de sites à Saint-Augustin. Depuis que j’ai laissé la présidence de la FQPPN, le groupe a réussi à finaliser la protection des battures de Saint-Augustin ainsi qu’une partie de la falaise sur la rive du Saint-Laurent. Le Conseil de bassin s’est également maintenu actif avec de nombreuses interventions dans le bassin de la rivière et a même embauché son premier directeur cette année.
Le parcours pour le pipeline Énergie Est est censé inclure les battures de Saint-Augustin, en passant sous le fleuve à cet endroit. Les risques associés au pipeline touchent directement les sites qui sont gérés par le Conseil de bassin et la FQPPN, et j’ai intitulé ma présentation «Comment aborder la question des pipelines?». Le titre du résumé présenté au Conseil de bassin mettait l’accent sur le cadre pour répondre à cette question : «Penser globalement, agir localement?» était une façon à Nature Québec de souligner son approche, pendant un certain temps.
Dans la présentation, je me suis permis de ne pas fournir une réponse à la question du titre de la conférence. Bien sûr, il faut évaluer l’importance des risques d’Énergie Est pour les sites de Cap-Rouge et de Saint-Augustin et s’opposer à son passage s’ils paraissent trop grands. C’est la bataille en amont de celle-ci, contre l’exploitation des sables bitumineux, qui génère la confusion. Encore une fois, cette exploitation constitue un désastre environnemental tout en étant un cul de sac économique, mais ces enjeux ne sont presque pas justifiés comme cibles pour le mouvement de protestation, qui inclut aussi celle contre les pipelines Keystone XL et Northern Gateway.
Comme j’ai indiqué dans une série d’articles l’été dernier, tout indique que nous avons perdu la guerre contre les changements climatiques, notre dépendance envers le pétrole (sale ou moins sale) est tel qu’il est presque inconcevable que les décideurs prennent les décisions nécessaires pour la COP21 à Paris en décembre 2015 pour mettre en branle les actions qui donneraient une chance de tenir la hausse de température sous les 2 degrés C. Ces actions ont été soulignées comme absolument essentielles par le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son 5e rapport en 2013-2014.
Il me paraît fondamental de mettre cette situation en évidence, alors que le mouvement de protestation contre les pipelines et contre l’exploitation des sables bitumineux se fait dans un contexte où les intervenants endossent l’idéologie de la croissance verte/économie verte. Ce faisant, ils évitent de mettre l’urgence, et l’échec probable de nos actions, à l’ordre du jour.
Ma conférence «Comment aborder la question des pipelines?» passe donc dans une certaine confusion entre l’agir local nécessaire et celui, global, où le penser est en place depuis des décennies et où l’action est maintenant essentielle. L’action locale n’est plus (seulement) celle menée par le mouvement environnemental pendant des décennies, incluant les efforts de protéger la biodiversité et les écosystèmes dans une multitude d’endroits. Elle doit tenir compte du fait que nous avons, comme personnes dans les pays riches, comme humanité, dépassé la capacité de support de la planète elle-même. Situer cela dans le cadre international actuel passe proche de nous paralyser, en attendant l’effondrement.
Ma «contre-proposition» : le travail préparatoire à la transition, imposée ou planifiée. Je viens de mettre en ligne différents chapitres que j’ai écrits pour le livre du collectif que j’ai dû finalement abandonner. C’est sous Écrits : Les indignés sans projets? – des pistes pour le Québec. Je viens également de publier quatre articles sur le récent livre de l’IRIS, Dépossession: Une histoire économique du Québec contemporain où je souligne, après une lecture plutôt désappointée, que le collectif d’auteurs n’abordent presque pas un de leurs trois objectifs, les pistes de solution pour préparer la transition en fonction des analyses présentées et constituant les deux autres objectifs.